J'aurais dû me méfier : Le Monde avait présenté ce film de façon dithyrambique. Or quand les chroniqueurs cinématographiques du Monde encensent un film, c'est qu'il tire à boulets rouges contre les États-Unis, contre la peine de mort, contre la colonisation française (jamais celles des Arabes ou des Turcs), contre l'armée française... Et le film de Florent Emilio Siri, L'Ennemi intime, est bien de ceux qui enchantent Le Monde.
Oui, il y a de bons acteurs, de belles images : mais le logos, là dessous ? Car si le film se veut une fiction, il prétend aussi relater les faits réels. S'il vous plaît, M. Rotman (le scénariste) : qui, où, quand ?
Rotman s'était fait connaître par un livre Les Porteurs de valises, la résistance française à la guerre d'Algérie (Albin Michel, 1982) : il persiste et signe cette année avec un pamphlet, applaudi par les gogos du Figaro magazine.
Cherchez l'erreur
Dès le début, on affiche en gros caractères : Le FLN (Front de libération nationale) désire négocier... Le conflit a fait entre 300 000 et 600 000 morts. Or toutes les études démographiques menées en Algérie après l'indépendance prouvent qu'il y eut, pour l'ensemble des deux camps, moins de 300 000 morts. Le ministère algérien des anciens combattants retient le chiffre de 145 000 morts : cherchez l'erreur.
Négocier ? C'est oublier la façon dont le FLN élimina le MNA (Mouvement national algérien) et Messali Hadj : lui voulait vraiment négocier. La guerre d'Algérie, ce fut d'abord une lutte entre les Algériens qui voulaient une évolution démocratique et une économie libérale avec la France, et ceux qui voulaient, et qui réussirent à installer une dictature militaro-islamiste.
Conformément aux traditions de notre extrême-gauche, Rotman a écrit un film mensonger, destiné à instiller la honte et la culpabilité parmi les Français qui n'ont pas vécu ces années de 1954 à 1962, et donc à provoquer la repentance tant attendue par quelques imbéciles, Français et Algériens. Oui, en cinq minutes, Rotman montre au début de pauvres hères assassinés par le FLN, mais pas Mélouza, où ses sbires égorgèrent 300 femmes et enfants.
Ensuite, pendant deux heures, les appelés français sont présentés comme des pleutres, qui ne savent pas se battre et qui ne savent ce qu'ils font en Algérie. En revanche, les rebelles algériens sont des guerriers efficaces, pieux et motivés ! Pas un appelé né en Algérie dans la troupe qui nous est représentée : toutes nos unités en comportaient 50 %. Ce qui explique aussi, chiffres des ministères à l'appui, qu'il y a plus d'anciens combattants d'origine algérienne à avoir combattu avec nous, qu'il n'y a d'anciens combattants algériens à avoir lutté contre nous !
Cela dit, tortures, massacres, exécutions sommaires, napalm, se succèdent, à la manière d'Apocalypse now. Les combats terminés, les soldats rentrent au poste se saouler et torturer les prisonniers. Bien entendu, les cadres français sont des brutes sanguinaires. Le commandant qui donne l'ordre de massacrer un village porte une chemise noire : amusant, non ?
Si vous n'êtes pas masochiste, inutile d'aller voir ce film.
* Jean-Germain Salvan est général (2e section), ancien professeur d'histoire militaire à l'université de Bordeaux. Il a été lieutenant parachutiste en Algérie. On peut lire le témoignage de sa guerre dans Soldat de la guerre, Soldat de la paix (Italiques, 2005).
Pour en savoir plus :■ Le site officiel du film L'Ennemi intime
■ D'accord, pas d'accord ? Envoyez votre avis à l'auteur
■