Parce qu'il est rampant, le krach n'en est pas moins un krach. Et d'une ampleur impressionnante. Comme s'il circulait à travers le monde en se métamorphosant : Thaïlande, Japon, Asie du Sud-Est, Argentine, Amérique du Sud, États-Unis, Europe, chaque plongeon régional contribuant à empêcher les autres zones de vraiment remonter, les fragilisant davantage, les entraînant à replonger.
De manière plus étonnante encore, les cours de Bourse paraissent devoir descendre interminablement. Les " soutiens " se dérobent et disparaissent à mesure que les valeurs les atteignent. Il semble que toute stabilisation, dans les attentes des investisseurs, soit devenue fondamentalement impossible.
Et comme en 1930, les autorités publiques mènent exactement la politique contraire aux intérêts communs. C'était la restriction du crédit et la destruction monétaire alors que l'absence de liquidités empêchait la reprise. C'est maintenant la montée vers la guerre alors que les conflits sont la ruine des économies fondées sur la confiance, telles la nôtre. L'article de Maurice Obadia sur cette question de la guerre et de la prospérité, paru dans le numéro de janvier 2002 de Liberté politique, est on ne peut plus éclairant à ce sujet.
Il y a bien sûr la frénésie de spéculation qui a totalement déconnecté les flux financiers de la réalité des affaires, et qui au lieu de contribuer au bon fonctionnement de l'économie de marché finit par l'étouffer en ne la finançant plus de manière efficace.
Il y a aussi la profonde déconnexion entre une économie désormais mondialisée et des États dont la compétence reste largement territoriale, si bien qu'une grande part des affaires soit se joue en dehors du cadre régulateur des lois, soit est bloquée par la contradiction des réglementations locales. Un cas criant est aujourd'hui le problème des normes comptables. Des entreprises concurrentes, ou des filiales d'un même groupe, utilisent des conventions financières incompatibles et intraduisibles entre elles. La crise de confiance qui affecte les investisseurs vient, dans une large mesure, de ces écarts législatifs, qui ne sont plus, d'aucune manière, appréciables.
Il y a enfin peut-être quelque chose de cassé dans l'esprit occidental, et dont le relais n'a pas été repris ailleurs dans le monde. Un esprit de liberté, de nouveauté, de volonté, de dépassement de soi, d'insatisfaction chargée de désir. La sécularisation trop radicale a-t-elle éteint dans le cœur des peuples une flamme spirituelle qui les poussait à sortir d'eux-mêmes ? Le moteur de l'économie ne peut ultimement être le lucre seul : celui-ci conduit plus naturellement au pillage. Le lucre lui-même doit être entraîné par une recherche supérieure, de plénitude.
Le regain de l'appétit spirituel, seul, détournera les esprits de la guerre et de l'isolement, les lassera de la spéculation, et leur redonnera le moyen terme nécessaire à leur communion. Alors la crise sera passée.
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