Source [Causeur] Ce n’est pas parce que Philippe Raynaud a été mon condisciple à l’ENS Saint-Cloud que son livre est bon — et même indispensable : c’est parce qu’il est à la fois philosophe de formation, accessoirement historien des idées (ce qui lui a permis de faire une synthèse sur le populisme que nombre de politiques devraient lire, ça leur éviterait de dire des âneries), et qu’il n’avance rien qui n’ait été longuement pesé — et bien pensé. C’est de la critique comme j’aimerais savoir en faire : solidement encadrée de faits, et nourrie d’une réflexion dialectique — étant entendu que le moment le plus intéressant de la dialectique, c’est lorsqu’on en sort. La troisième partie de la dissertation, quoi…
Résumons les chapitres historiques. Dans les temps glorieux du christianisme, il y avait Dieu, et il y avait César. Sphère théologique, et sphère politique — avec une division bien nette. « En Occident, la tradition veut que les deux pouvoirs, « temporel » et « spirituel », donnent naissance à deux « sociétés parfaites », dont chacune est souveraine dans son ordre ». En cas de conflit entre souverains — mettons le pape et l’empereur — cela se résolvait par la force : Henri IV de Saxe va à Canossa s’agenouiller devant Grégoire VII afin de lever l’excommunication prononcée contre lui. Mais Frédéric II de Hohenstaufen (l’un de mes héros personnels, lire la magnifique biographie de Jacques Benoît-Meschin, Frédéric de Hohenstaufen ou le rêve excommunié, Perrin, 1980) se souciait assez peu des éructations de Grégoire IX, qui l’appelait l’Antéchrist. Ou comme disait le Petit père des peuples : le Pape, combien de divisions ?
L’invention des monarchies nationales, en France et en Angleterre, a visé à résoudre ces conflits. Henri VIII l’a résolu de façon définitive en fondant la religion anglicane dont le souverain est le chef. Le roi de France, en se faisant appeler « le Roi très chrétien », a voulu concilier dans un pouvoir englobant les diverses religions et factions présentes sur son territoire (ce que le « Roi très catholique » d’Espagne n’a jamais su faire). L’édit de Nantes était un édit de tolérance — et comme dit Raynaud, « il est significatif que cet édit ait été finalement celui de la cristallisation des tendances absolutistes de la monarchie française » : l’un ne va pas sans l’autre. Sa révocation marque d’ailleurs une régression que le Concordat napoléonien — « un édit de Nantes réussi » — a effacée en 1801. L’église catholique, bien que majoritaire, prend alors place dans un accord global où Protestants et Juifs sont évoqués à parts égales.
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