Les relations se tendent entre le Saint-Siège et le Parlement européen. Le vote du rapport Van Lancker le 3 juillet sur " la santé et les droits sexuels et génésiques " qui recommande l'extension du " droit " à l'avortement dans tous les pays membres de l'Union européenne – et dans les pays candidats — a soulevé l'indignation de deux hauts prélats romains : Mgr Sgreccia, vice-président de l'Académie pontificale pour la Vie, et le cardinal cardinal Alfonso Lopez Trujillo, président du Conseil pontifical pour la Famille.

Dans l'Osservatore romano du 16 juillet, Mgr Sgreccia dénonce le rapport Van Lancker comme " document emblématique d'une tendance radicale et amorale d'une Europe qui vieillit, dans sa démographie, et dans ses législations ". S'il prend acte de son caractère non contraignant, il ne faut pas se leurrer : " Une Résolution du Parlement européen n'est pas un simple message qui exprime la conviction d'un groupe, mais il représente un fait culturel et politique sérieux. " Or ce texte est d'une portée morale (le prélat parle d'éthique " tout court ") qui " sous prétexte d'uniformiser les lois nationales, risque d'imposer une éthique conforme au radicalisme politique et au nihilisme éthique soutenus par la majorité qui prévaut actuellement " Le prélat constate que la réapparition d'une sorte d'" État éthique " devrait inquiéter les véritables démocrates européens. " À juste titre, au sein de certains États qui conservent dans leurs lois une fidélité aux valeurs offensées par cette Résolution, se sont élevées des voix mettant en doute l'opportunité d'adhérer de façon définitive à une Europe qui menace d'imposer "sa" conception morale de la vie et des relations entre les hommes et les femmes. "

Pour sa part, le cardinal cardinal Alfonso Lopez Trujillo, président du Conseil pontifical pour la Famille, s'insurge contre cette Résolution qui, en s'attaquant à la vérité de l'homme, banalise le " crime " de l'avortement et menace la liberté de tous : " Le Parlement européen [met] en route, à travers des mécanismes et des modalités provocatrices et finalement moins respectueuses de la souveraineté des peuples, des propositions qui peuvent susciter une grande confusion dans l'opinion publique. Pour atteindre de tels objectifs, la vérité est soumise à diverses manipulations politiques. On tente d'"imposer" une mentalité qui, en réalité, manifeste une maladie déjà avancée de l'esprit. N'est-ce pas ce qui est arrivé, une fois de plus, avec l'une des résolutions approuvées pour rendre "légal, sûr, et accessible" le crime de l'avortement ? "

Comme en écho, des parlementaires européens conduits par l'Italien Maurizio Turco viennent de déposer cinq propositions de résolution " aussi urgentes que nécessaires " contre l'Église catholique. Ces propositions de résolution portent sur les "attitudes" du Vatican, qui d'après les parlementaires, " vont des tentatives d'ingérence dans les législations (sur la santé sexuelle et reproductive) au désir de "faire la loi" (en ce qui concerne la Convention européenne), jusqu'aux silences et aux couvertures de graves délits aux yeux de la loi (cas de pédophilie cléricale) ".

 

Ils attaquent le statut particulier dont le Saint-Siège jouit à l'ONU (l'Église catholique est la seule religion au monde, disent-ils, qui siège à la même table et jouit des mêmes prérogatives et privilèges qu'un État) parvenant, " d'une part, à promouvoir et, de l'autre, à tenter de transformer des "principes religieux" en "loi de l'Etat" ". Une résolution (la cinquième) vise donc à demander l'annulation du statut particulier de l'Église catholique à l'ONU. Dans les faits, on constate que certaines organisations internationales ont précédé les vœux de M. Turco : la XIVe Conférence internationale sur le Sida qui vient de se tenir à Barcelone n'a pas invité le Saint-Siège (alors même que 36 pour cent des centres de traitement et de prévention du Sida dans le monde sont animés par l'Église catholique).

Soucieux de s'en tirer à bon compte, l'initiative parlementaire s'abrite derrière le principe de la liberté religieuse, comme s'il s'agissait, " face à l'ampleur des persécutions religieuses qui ont lieu dans de nombreuses parties du monde " de protéger " le droit de l'Église de rappeler à ses fidèles, et à la société tout entière, ses principes religieux " et de demander que les États n'en empêchent ni la profession, le respect et la réalisation (quatrième résolution). Le caractère pernicieux de cette habileté ne trompera pas les esprits avertis : il s'agit de réduire la dimension religieuse de l'homme à un sentiment d'ordre privé, totalement irrationnel, et sans portée morale et politique.

Pour donner le ton de cette étrange manière de concevoir la liberté religieuse, il suffit de se reporter aux conclusions desdites résolutions. La première " dénonce les propos du Souverain Pontife, qui constituent une tentative de remettre en cause le principe de l'impartialité de l'ordre juridique civil et de faire prévaloir le respect de prescriptions religieuses particulières sur le respect de droits civils acquis. "

La seconde prévoit une circonstance aggravante pénale spécifique lorsque la violence sur mineurs a été commise par un ministre du culte. La troisième dénonce les propos de la conférence des évêques européens (la COMECE) " comme une tentative de remettre en cause le principe de l'impartialité de l'ordre juridique européen et de remplacer sa légitimité démocratique par une légitimité théocratique ".

Les premiers signataires de ces propositions de résolutions sont : Marco Cappato, Marco Pannella (Radicali), Manuel Dos Santos, Anna Karamanou, Gianni Pittella, Joke Swiebel, Gianni Vattimo (PSE), Geneviève Fraisse, Lucio Manisco, Helmut Markov (GUE-NGL), Patsy Sörensen (Greens/EFA), Chris Davies, Chris Huhne, Elly Plooij-Van Gorsel (ELDR), Ulla Sandbaek (EDD).