Source [Novopress] : Clément Baur et Mahiédine Merabet. Ces noms ne vous disent rien, mais ils auraient pu connaître une macabre célébrité, comparable à celle des frères Kouachi ou du clan Abdeslam. Les deux hommes d’à peine 30 et 35 ans sont jugés à partir d’aujourd’hui aux assises pour association de malfaiteurs terroriste criminelle aux côtés de dix hommes soupçonnés à des degrés divers de les avoir accompagnés dans leur projet terroriste, notamment par la fourniture d’armes.
Ce n’est pas tant l’entreprise qui est nouvelle dans cette affaire. Hormis le profil peu commun de Clément Baur, un fait nouveau aurait pu faire basculer l’élection présidentielle de 2017. Nous sommes à Marseille, à quelques jours du premier tour de l’élection. François Fillon, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron savent que le second tour éliminera deux d’entre eux. Dans une campagne violente entachée par les scandales Fillon et la percée de Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen doit tenir meeting dans le IIIe arrondissement de Marseille, dans une salle de 5.000 places dont quelques centaines de chaises sont restées vides, comme le notait à l’époque Libération. « Une petite contrariété attribuée par Marine Le Pen aux « craintes légitimes qu’ont pu faire naître les événements d’hier à Marseille » : arrêtés la veille, deux sympathisants islamistes prévoyaient un attentat dont la cible, peut-être liée à la campagne, restait incertaine mercredi », notait le quotidien.
En effet, quelques heures avant le meeting, l’éphémère locataire de la Place Beauvau Mathias Fekl déclarait : « Ce matin, entre 10 h et 11 h, les policiers de la direction générale de la sécurité intérieure ont procédé, avec l’appui du RAID, à l’interpellation, dans le IIIe arrondissement de Marseille, de deux individus soupçonnés de vouloir commettre, de façon imminente, une action violente à la veille de l’élection présidentielle française. […] Ces deux hommes radicalisés, nés respectivement en 1987 et 1993 et de nationalité française, avaient donc l’intention de commettre à très court terme, c’est-à-dire dans les tout prochains jours, un attentat sur le sol français. » Outre le meeting de Marine Le Pen, les deux protagonistes auraient eu pour projet de viser des établissement casher ou encore des clubs libertins. « Au fond, toutes les cibles classiques de l’islamisme : juifs, Gaulois et ceux qui s’adonnent à la « débauche » », résume Olivier Fischer. Ce collaborateur de Joëlle Melin (RN) à l’Assemblée nationale est aussi un rescapé des attentats du 13 novembre et fut, pendant plusieurs années, consultant en intelligence économique au Moyen-Orient.
Depuis cette arrestation, plus rien. Silence radio pendant cinq ans. Jusqu’à ce que ces deux profils refassent surface pour leur procès. Première information : les craintes du RN était fondées. Le mouvement était bien visé par les deux apprentis terroristes présumés. Nos confrères de 20 Minutes nous apprennent que les deux individus sont en possession de plus de 3,5 kg de TATP, explosif artisanal prisé des djihadistes, dans leur appartement. Une partie est prête à l’emploi, une autre sèche sur des étagères, 250 grammes sont déjà dans une salière avec une mèche pour constituer une grenade. La perquisition permet également de saisir un arsenal important : un fusil-mitrailleur Uzi, trois pistolets de calibre 7,65 mm, des centaines de munitions et un sac de boulons. « Il est peu contestable que ces boulons allaient servir à la confection d’une bombe létale, la projection de multiples boulons en suite d’une explosion de TATP pouvant avoir des effets dévastateurs », selon l’ordre d’accusation cité par 20 Minutes.
Le RN visé mais pas soutenu
À l’instar des communiqués lapidaires de l’époque, le RN n’a pu engranger aucun soutien ou marque de sympathie. « Le meeting n’avait pas fait le plein et on avait vaguement entendu parler de l’opération du RAID », se remémore Stéphane Ravier. L’ancien patron du RN marseillais, aujourd’hui brouillé avec le parti de Marine Le Pen, ne peut être soupçonné de sympathie à l’encontre de l’ancienne candidate aux présidentielles : il note « l’effroyable battage médiatique qu’aurait suscité l’interpellation de deux militants néonazis préparant un attentat contre les candidats Macron, Fillon ou Mélenchon ». Pour accréditer cette hypothèse, il suffit en effet de se remémorer le traitement de l’interpellation préventive de quelques dizaines d’individus d’ultra-droite en marge du match France-Maroc et les titres catastrophistes des médias parlant de « nuit brune ». Il faut dire qu’aucune des personnalités du RN ayant participé à la campagne de 2017 ne se remémore les détails de cet épisode. Personne n’avait, semble-t-il, mesuré l’ampleur du risque couru par Marine Le Pen et ses fidèles, ce jour-là.
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