Je ne parle bien sûr pas du lundi de Pentecôte. Mais de la Pentecôte renouvelée, de celle que nous devons absolument espérer pour notre Église. On sait que l'expression de "Nouvelle Pentecôte" vient du pape Jean XXIII, au moment où il entrevoyait le concile qui allait modifier la vie de l'Église et mieux l'adapter à sa mission.

 

Brandie quelque temps de façon triomphaliste ("on va voir ce qu'on va voir"), on serait tenté aujourd'hui de la manier avec plus de prudence et de réalisme, en voyant que bien des efforts faits pour ouvrir les portes de nos communautés ont souvent servi, au moins en Occident, à en faire partir un bon nombre, sans que la relève soit encore bien visible. Ne nous berçons pas d'illusions : malgré des éléments de renouveau incontestables (nouvelles communautés, grands rassemblements autour du pape, nouvelle vigueur des pèlerinages...), ce qui domine dans l'opinion et même malheureusement chez beaucoup de catholiques, c'est le sentiment d'un lent étiolement, la perception d'un tissu qui se rétrécit peu à peu, avec l'érosion de l'encadrement sacerdotal, la raréfaction des communautés religieuses, et l'échec de la transmission aux jeunes générations des mœurs et des rites chrétiens...

C'est justement dans ces conditions qu'il nous faut attendre la Pentecôte. La Pentecôte, c'est la forme paradoxale du renouvellement dans l'Église. Dès les Actes des Apôtres, on assiste à une série de petites pentecôtes, qui actualisent la première : après l'arrestation des Apôtres et leur délivrance inespérée (Actes 4,31), au moment du baptême des premiers païens (Actes 11, 44-45), à Antioche au départ de la grande mission de Paul...

L'histoire de l'Eglise est jalonnée de ces moments de grâce où l'institution, qui paraissait en fâcheuse posture, voit éclore en son sein une génération spontanée de saints qui l'entraînent vers de nouveaux horizons : que l'on pense à la naissance des ordres mendiants au XIIIe siècle ou au foisonnement spirituel et apostolique de la Rome du milieu du XVIe siècle.

Le Saint Esprit qui souffle soudain en rafales vient redonner souffle de vie à des réalités ecclésiales qui s'étaient trop identifiées au monde, au point d'en épouser le vieillissement. Alors apparaissent des formes inédites et pourtant traditionnelles de prière, de vie commune, d'apostolat, alors s'éveillent une joie, une audace, une ardeur contagieuses, alors les vieilles oppositions sont pour un temps dépassées. Tout ne suit sans doute pas, et la nouveauté n'est souvent qu'un fragile courant aux côtés

d'autres qui ne l'acceptent guère, mais, à force de confiance, de soumission à l'autorité, de patience, voilà que le renouveau finit par rejaillir sur tous le secteurs de la vie de l'Eglise et les entraîne.

Une telle Pentecôte ne vient pas sur commande, elle est le secret de Dieu, mais là encore l'histoire de l'Église nous apprend que le renouveau jaillit souvent dans un moment particulièrement noir et difficile, mais où les chrétiens, au lieu de se décourager, ont redoublé de foi et de prière.

Il est clair qu'aujourd'hui beaucoup d'entre nous se sont peu à peu résignés à la situation et n'envisagent même pas qu'elle puisse changer. Qui espère sérieusement que les foules viennent à nouveau remplir nos églises, que les musulmans soient évangélisés, et que la vie chrétienne rallie à

nouveau la jeunesse ? Pourtant, faute de cela, pouvons-nous être en repos ?

Alors, pour que cette fête de la Pentecôte ne soit pas vaine, jetons-nous au pied du Seigneur, crions, supplions, humilions-nous, oui nous avons péché, nous avons oublié la grandeur de notre vocation, nous avons accepté de faire notre trou dans ce monde, sans plus croire que demain pourrait

changer...Alors que l'Esprit est là, prêt à agir.