Source [diocese64.org] Le projet de loi bioéthique a été adopté par l’Assemblée nationale, en troisième lecture, le 29 juin 2021, alors que le Sénat avait cherché, sans succès, à l’amender et l’avait finalement rejeté en bloc.
Sans doute on peut s’inquiéter sur le processus démocratique dans notre pays, quand la représentation nationale apparaît si divisée. C’est évidemment un passage en force du gouvernement, sous la pression de lobbies ultra minoritaires, pour inscrire dans la loi commune les « droits individualistes » de quelques-uns, au détriment des droits fondamentaux de la personne humaine, à commencer par la plus fragile. C’est aussi la parole du Chef de l’Etat qui est discréditée, lui qui avait publiquement souhaité soumettre l’adoption d’une telle loi à un « large consensus ». Non seulement le résultat des Etats-Généraux de la bioéthique, où une grande majorité s’était prononcée contre ce projet de loi, a été totalement ignoré – d’ailleurs, qui s’en souvient encore ?–, mais la représentation nationale apparait plus que jamais divisée. Comment prétendre au consentement d’une population maintenue dans « la peur du virus » de manière récurrente, malgré la décrue actuelle de sa propagation, et tellement occupée à retrouver ses libertés ? Sans compter le scandale d’une contradiction qui prétend imposer le « principe de précaution » pour la préservation de l’environnement et qui s’en affranchit si allègrement quand il s’agit de la protection de l’embryon humain !
Dans notre département, on peut s’étonner que deux des six députés, censés nous représenter à l’Assemblée nationale, n’aient pas participé à un vote aussi lourd de conséquences pour la dignité de la personne humaine et le changement civilisationnel qu’il induit. Un seul député a eu le courage de s’y opposer, au risque d’être marginalisé dans sa famille politique. Les catholiques seront en droit de s’en souvenir lors des prochaines échéances électorales.
Le grand public a-t-il vraiment connaissance de ce que contient cette loi ? Il faut en effet savoir que la loi contient la PMA sans père pour les couples de femmes et les femmes seules et la PMA sans motif médical pour les couples homme-femme, avec remboursement par la Sécurité Sociale : c’était la mesure-phare de ce projet. Mais elle prévoit aussi : l’autoconservation des gamètes sans motif médical, remboursée également par la Sécurité Sociale ; l’autorisation élargie de l’expérimentation sur les embryons et de l’utilisation des cellules-souches issues des embryons non utilisés à des fins thérapeutiques ; l’autorisation de créer des embryons transgéniques et des embryons-chimères animal-homme : qui s’inquiète d’une telle monstruosité ? On peut certes se féliciter de constater que la loi ne contient pas finalement la PMA pour les personnes trans et la PMA post-mortem, la ROPA, la reconnaissance de la filiation d’intention dans le cadre des GPA faites à l’étranger et le motif de détresse psycho-sociale pour accéder à l’IMG. Il reste que des lobbies très influents au sein même du Parlement sont déjà repartis à la conquête de nouvelles transgressions. Et peut-on encore espérer que la saisine du Conseil Constitutionnel sonne le retour du bon sens ?
Ce vote est donc particulièrement consternant. Pour nous catholiques, il l’est à plus d’un titre, et en particulier au nom de notre foi et de la vision anthropologique que nous recevons de la Révélation judéo-chrétienne. C’est que l’Eglise n’est pas seulement une composante de la société, engagée à parité avec les autres corps sociaux dans un dialogue démocratique, dont on sait pertinemment combien il est ouvertement falsifié. Mais elle reçoit sa mission de Dieu lui-même et est tenue de proclamer la Vérité à temps et à contre-temps (cf. 2 Tm 4, 2), avec l’autorité même du Christ qui est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6) : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez ! Enseignez toutes les nations » (Mt 28, 19). L’Eglise doit continuer à parler à la conscience des gens, quelles que soient les forces contraires qui semblent triompher aujourd’hui et quelle que soit l’incompréhension ou l’anesthésie de la conscience de beaucoup.
En s’attaquant de manière aussi explicite à l’origine de la vie humaine et en s’opposant de manière aussi évidente au dessein Créateur de Dieu qui, au commencement, créa l’homme à son image – homme et femme, un de corps et d’âme – (Gn 1, 27), les promoteurs de ce projet de loi auront à répondre de leurs actes devant Dieu.
Une loi aussi injuste ne doit pas nous décourager pour autant d’œuvrer par tous les moyens à notre disposition pour défendre le « droit de l’enfant » à être reconnu et respecté, dès sa conception, dans sa dignité inviolable, comme nous le faisons par ailleurs de manière si responsable quand il s’agit de défendre les enfants contre les graves abus dont ils ont été parfois l’objet de la part d’hommes et de femmes d’Eglise.
Nous prendrons aussi la mesure de notre responsabilité dans cet affaissement de la conscience morale au sein de notre société, en travaillant à notre propre conversion, en implorant le pardon pour ceux qui ne savent pas ce qu’ils font (cf. Lc 23, 34) et en abandonnant à Dieu une situation si profondément injuste par une prière confiante et insistante, sûrs que le Seigneur entend le cri des pauvres et ne tarde pas à leur faire justice.
+ Marc Aillet
Evêque de Bayonne, Lescar et Oloron
1er juillet 2021