Source [Front Populaire] Régis de Castelnau décrypte les déclarations d'Elianne Houlette, l'ancienne magistrate en charge de l'affaire Fillon, qui était entendue le 10 juin par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale consacrée à "l'indépendance du pouvoir judiciaire".
Depuis la sortie du confinement, notre pays vit des heures assez extraordinaires. On ne va pas dresser la liste de toutes les péripéties qui témoignent d’un affaissement sans précédent de l’État. Histoire de gagner du temps, on ne retiendra que : l’affaire Traoré où l’on transforme un petit mafieux des quartiers en héros sans tache, une Garde des Sceaux qui viole gaiement la séparation des pouvoirs à la demande du chef de l’État, un ministre de l’intérieur qui annonce que finalement, la loi qu’il est chargé de faire respecter est à géométrie variable, et que certaines parties du peuple en sont dispensées, et qui souhaite organiser une cérémonie dans la cour de la préfecture de Paris où les policiers se mettraient à genoux (Didier Lallement compris ?), une ville moyenne de province transformée en champ de bataille ethnique entre voyous tchétchènes et marocains armés jusqu’aux dents, qui se réconcilieront à la mosquée, un président de la république qui propose de l’argent à des présidents de Régions pour qu’ils acceptent de soutenir une manipulation concernant le déroulement d’un scrutin républicain, un refus de l’État au prétexte « du secret des affaires » de communiquer des informations sur sa gestion des masques sanitaires qui a probablement provoqué de très nombreux décès, et maintenant, l’ancienne chef du Parquet National Financier, qui qui fait des révélations en forme d’aveu sur les conditions dans lesquelles s’est déroulé le raid judiciaire destiné à écarter le favori de l’élection présidentielle de 2017 au profit d’Emmanuel Macron. N’en jetez plus…
Alors quelques remarques sur cette dernière information quand même assez ébouriffante. Un article du Point nous décrit les états d’âme de Madame Éliane Houlette qui avec une certaine ingénuité avoue tout de go que le pouvoir politique est intervenu directement et indirectement à tous moment dans la procédure déclenchée contre François Fillon au mois de février 2017.
Citons le texte de Marc Leplongeon : « Et l’ancienne procureure de livrer son expérience personnelle dans l’affaire Fillon. Si Éliane Houlette a affirmé que la pression des journalistes était difficile à gérer – « Mais bon, ça, on peut s’en dégager, moi je n’avais pas de contacts avec eux et je ne lisais plus les journaux » –, c’est surtout la « pression du parquet général » qui l’a marquée. Les demandes incessantes pour qu’elle fasse remonter les informations le plus vite possible sur les derniers actes d’investigation, des demandes qui lui étaient parfois adressées pour « les actes de la veille », et qu’elle devait synthétiser « avant 11 heures le lendemain […] Les demandes de précisions, de chronologie générale – tout ça à deux ou trois jours d’intervalle –, les demandes d’éléments sur les auditions, les demandes de notes des conseils des mis en cause… Les rapports que j’ai adressés, je les ai relus avant cette audition [devant la commission de l’Assemblée nationale, NDLR]. Il y a des rapports qui étaient circonstanciés, qui faisaient dix pages, précis, clairs, voilà », soutient la magistrate. Qui ajoute : « On ne peut que se poser des questions [sur ce qui est fait de ces informations, NDLR]. C’est un contrôle très étroit… »
Autorisons nous quelques quelques observations en commençant par dire que Madame Houlette fait preuve d’une joviale hypocrisie. Elle a dirigé cette institution d’exception depuis sa création ex nihilo par le pouvoir socialiste après l’affaire Cahuzac. Et au vu de son activité, on peut dire aujourd’hui que le PNF était d’abord là pour servir contre les adversaires politique de François Hollande puis d’Emmanuel Macron. La magistrate commence par nous dire qu’elle ne lit plus les journaux ce qui est assez savoureux. Parce que rappelons quand même que le Canard enchaîné lançant l’affaire Fillon est publié le matin du mercredi 25 janvier 2017 . Quelques heures plus tard, le même jour, le PNF annonce l’ouverture « d’une enquête préliminaire ». Ce qui déclenche l’action publique, ce n’est donc pas une plainte, ou un signalement article 40 du code de procédure pénale, c’est un article du journal satirique… que la patronne du parquet prétend ne pas lire. Et puis soyons sérieux, qui peut croire que Madame Houlette n’a pas pris connaissance aussi des journaux (alimentés par qui ?) publiant tranquillement quelques jours plus tard les actes de sa procédure. D’ailleurs, François Fillon a déposé plainte pour cette violation de la loi sur le secret de l’enquête. S’autorisera-t-on à demander à l’actuel procureur de Paris où en est l’instruction de cette plainte ? Ceux qui prétendent que rien n’a bougé ne sont que de bien mauvaises langues. Les mêmes mauvaises langues toujours venimeuses prétendent même qu’on sait très bien d’où sont venus les fuites. Des menteries, on vous dit.
C’est d’ailleurs bien ce qui semble être le problème de Madame le procureur. Il y a eu des violations graves de la loi pénale pour permettre d’alimenter la campagne visant à disqualifier François Fillon, et c’est sur le PNF que pèsent les plus lourds soupçons. Mais on sent qu’aujourd’hui avec la faiblesse politique et l’illégitimité persistante d’Emmanuel Macron la réponse à la question : « qui l’a fait roi ? » pourrait redevenir lancinante. On ne sait jamais comment tout cela finira par tourner, alors autant être prévoyant et tenter de se débarrasser de ces soupçons en pointant les collègues du parquet général dont on laisse entendre que ce sont eux qui auraient alimenté le pouvoir politique de François Hollande. Lequel aurait transmis directement ou indirectement à la presse les infos utiles. Et notamment aux célèbres Davet et Lhomme les Plics & Plocs investigateurs du Monde et confidents officiels du président de l’époque qui les rencontrait assidûment.
Personne évidemment ne peut, n’est ce pas, prêter foi à de pareilles calomnies…
Éliane houlette pose ensuite le problème de l’ouverture de l’information judiciaire confiée à un juge d’instruction du pôle financier, Serge Tournaire spécialisé dans les poursuites contre Nicolas Sarkozy. Reprenons pour comprendre, la lecture de l’article du Point :
« Éliane Houlette évoque également une réunion lors de laquelle on lui aurait demandé d’ouvrir une information judiciaire contre François Fillon, alors que les investigations avaient jusque-là lieu dans le cadre d’une enquête préliminaire. Selon nos informations, cette réunion s’est tenue le 15 février 2017 à Paris. « J’ai été convoquée au parquet général – j’y suis allée avec trois de mes collègues, d’ailleurs – parce que le choix procédural que j’avais adopté ne convenait pas. On m’engageait [sic] à changer de voie procédurale, c’est-à-dire à ouvrir une information judiciaire. J’ai reçu une dépêche du procureur général en ce sens », a-t-elle dit devant la représentation nationale. [….] Si Éliane Houlette assure avoir d’abord résisté – « Ce sera quand je l’aurai décidé et quand j’aurai des éléments pour le faire » –, elle avoue avoir finalement été elle-même rapidement convaincue qu’il fallait ouvrir une information judiciaire, ce qu’elle fera le 24 février 2017 »
Que voilà une noble attitude ! Traduction : je n’étais pas d’accord pour ouvrir une information judiciaire mais finalement je l’ai fait quand même. Eh oui, en février 2017, alors que François Fillon était encore en tête dans les sondages, il était nécessaire à moins de trois mois du scrutin présidentiel de faire quelque chose. Et François Fillon avait stupidement annoncé que s’il était mis en examen il ne se présenterait pas, après avoir d’ailleurs asséné avant la primaire en direction de son concurrent Nicolas Sarkozy : « imagine-t-on le général de Gaulle mis en examen ». Il fallait saisir une perche aussi aimablement tendue : « ouvrons une information judiciaire, confions là à un magistrat instructeur de confiance, et le tour sera joué ! » Aussitôt dit aussitôt fait, les mises en examen de François Fillon et de sa famille ont été prononcées en urgence. Beaucoup plus rapidement en tout cas que dans l’affaire Karachi qui vient de trouver son épilogue judiciaire après 25 ans… Comme l’avait dit dans un communiqué commun, le Premier président de la Cour de cassation et le Procureur général, en matière de conduite des procédures, c’est chacun son rythme…Celui de l’affaire Fillon c’était du sprint !
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