Repos dominical : six prêtres écrivent à Patrick Devedjian
Article rédigé par Philippe de Saint-Germain, le 08 décembre 2008

Six curés des paroisses situées sur la 13e circonscription des Hauts-de-Seine, écrivent une Lettre ouverte à Patrick Devedjian, leur député. Les prêtres s'étonnent des propos du parlementaire, qui est également secrétaire général de l'UMP, sur le travail du dimanche.

Monsieur le député,
Nous sommes les six curés de toutes les paroisses catholiques situées sur le territoire de votre circonscription. Nous avons pris connaissance avec un certain étonnement des propos concernant le projet de loi le dimanche que vous avez tenus hier matin, soit le 3 décembre dernier, sur Canal+ et qui ont été largement repris par un certain nombre de media français.

Entre autres : Je crois qu'il est sage de permettre aux gens de travailler s'ils le veulent, c'est une liberté ; Je croyais que nous étions dans une République laïque ; Les chrétiens honorent le dimanche, les juifs le samedi, les musulmans le vendredi, si les bouddhistes s'y mettent, il ne va pas rester grand chose !
Au même moment paraît dans notre pays un sondage réalisé par l'Ipsos pour Famille chrétienne/ CFTC/ RCF/ Radio Notre-Dame. Il indique très clairement qu'une grande majorité de Français est opposée à ce projet de loi, y compris dans les grandes villes : en effet 84% estiment que le dimanche doit rester le jour de repos commun pour la vie familiale, associative, culturelle ou religieuse et 64 % des salariés (dont 68 % en région parisienne, par exemple...) ne sont pas d'accord pour travailler le dimanche [1].
Vos propos, donc, ne peuvent manquer de susciter nombre de réactions de notre part. Nous tenons à le faire ci-dessous de la manière la plus concise qui soit :
1/ Il nous semble complètement illusoire de prétendre que, si la loi que vous défendez passe, les gens auront le choix, en tout cas pas les salariés les plus précaires... Encore une fois, ce sont les petits et les faibles qui vont payer pour le confort des autres. Les prêtres de paroisse que nous sommes rencontrent bien des personnes inquiètes par la perspective de cette libéralisation du travail le dimanche, en particulier ceux qui, sur votre circonscription, travaillent dans les grands centres commerciaux comme Vélizy 2. N'est-il pas temps de les écouter un peu ?
2/ La crise financière actuelle montre que promouvoir les fondements d'une société uniquement sur des critères de rationalité économique mène à la catastrophe. Or, comme le dit avec pertinence le cardinal Barbarin dans une tribune libre du Monde en date du 2 décembre dernier, la seule justification apportée à votre projet de loi est le gagner plus . N'y-a-t-il donc que cette finalité-là dans la vie ?
3/ Il nous semble que le rôle du législateur n'est pas de suivre passivement les comportements individuels, mais d'avoir le courage de donner un horizon de sens pour le vivre ensemble qui structure la société. Dans cet horizon de sens, qui va bien au-delà de certaines revendications confessionnelles, que faites-vous de la nécessité pour chacun de disposer d'un jour pour passer du temps en famille (et ce d'autant plus où à une époque tellement d'entre elles sont éclatées...), pour nouer des relations sociales et amicales, pour se cultiver, faire du sport, etc. ? Comme le souligne Philippe Barbarin dans l'article déjà cité, cela était demandé d'ailleurs aussi bien par Proudhon que par Ozanam au XIXe siècle quand ce débat récurrent faisait déjà rage dans notre pays à cette époque.
4/ Enfin, sur un autre plan, la vision que vous semblez avoir sur la laïcité (et que vous avez d'ailleurs déjà développée dans d'autres entretiens, comme votre interview du 21 avril 2006 dans l'émission Franc-parler de France Inter, au sujet de laquelle un signataire de cette lettre vous avait déjà interpellé par courrier) nous semble bien étriquée et plus forcément en phase avec celle, beaucoup plus généreuse, de "laïcité ouverte" à laquelle aime se référer notre Président de la République depuis son élection.
Bien évidemment, ces quelques remarques bien rapides n'ont aucun but polémique mais souhaitent simplement pouvoir être versées sereinement au grand débat public que vous sembliez encourager hier sur Canal+... C'est bien dans cet esprit-là, ayant le seul souci du bien commun, que nous nous permettons de les faire parvenir à celui qui nous représente à l'Assemblée nationale pour la 13ème circonscription des Hauts-de-Seine !
Vous souhaitant bon courage pour la tâche énorme qui est la vôtre au service de notre pays nous vous adressons, Monsieur le député, nos respectueuses salutations,
Le jeudi 4 décembre 2008,

Père Vincent Scheffels, 49 ans, curé de la paroisse Saint-Jean Porte-Latine, doyen du doyenné d'Antony - Bourg-la-Reine, 1 square de l'Atlantique, 92160 Antony
Père Georges Vandenbeusch, 37 ans, curé de la paroisse Saint-Jean-Baptiste, doyen du doyenné de Sceaux - Châtenay-Malabry et Fontenay-aux-Roses, 1 rue du Docteur Berger, 92330 Sceaux
Père Antoine Loyer, 39 ans, curé des paroisses Saint-Saturnin et Saint-Maxime, 2 place de l'Église, 92160 Antony
Père Christophe Witko, 45 ans, curé des paroisses Saint-Gilles et Saint-François d'Assise, 8 boulevard Carnot, 92340 Bourg-la-Reine
Père Michel Bourgarel, 73 ans, curé des paroisses Sainte-Thérèse d'Avila et Sainte-Bathilde, 281 avenue de la Division-Leclerc, 92290 Châtenay-Malabry
Père David Roure, 44 ans, curé de la Paroisse Saint-Germain-l'Auxerrois, 2 rue du Lavoir, 92290 Châtenay-Malabry

[1] Source : Famille chrétienne n° 1612, daté du 6 décembre 2008, p. 8-13.

 

 

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