Article rédigé par Hélène Bodenez, le 20 février 2009
Nous avons déjà salué sur ce site le courage des soixante députés qui ont combattu la proposition de loi Mallié sur le travail du dimanche. Certains d'entre eux avaient alerté à plusieurs reprises leurs collègues parlementaires et le gouvernement de ce mauvais texte et de l'opposition qu'il allait susciter, au Parlement et dans l'opinion. Mais ces avertissements successifs n'ont pas suffi.
Le projet a été maintenu, autour d'un compromis et le report de l'examen du texte. En pointe dans la résistance à la proposition Mallié, le député Jean-Frédéric Poisson a cru bon de faire une mise au point lors de la récente IIIe convention du FRS dont il est l'un des deux vice-présidents réélus :
Ça n'est pas une attitude frondeuse que de défendre les conditions qui sont parfaitement réglementées par la loi et qui organisent le débat démocratique. On n'est pas des insurgés, on n'est pas des frondeurs. Il n'y a pas soixante députés qui sont un peu en l'air, à l'écart, et qui deviennent des parias ou qui sont parqués parce qu'ils ne seraient pas dans la pensée dominante. Il y a soixante parlementaires qui utilisent la liberté d'expression que la Constitution leur donne et à laquelle la morale les oblige ; c'est aussi la noblesse de ce mandat.
Garde-fous
C'est bien dans cette logique de débat démocratique qu'au bout d'un an, nos parlementaires ont considéré qu'il n'y avait plus qu'une seule solution, celle d'instaurer un rapport de force. La chose est connue et l'on sait désormais comment le pôle de résistance a grossi grâce aux tribunes de presse, aux réunions internes et externes, aux interventions médiatiques de tous ordres, pour aboutir à la réunion d'arbitrage définitif à l'Élysée conduisant au compromis actuel. Le député des Yvelines s'en est félicité lors de cette même convention FRS :
L'arbitrage qui a été rendu en fin de compte permet d'envisager la suite du débat parlementaire, car il a commencé — certes une heure et quart avant Noël — mais il a commencé. Maintenant nous sommes en situation de dire : "Finalement le texte qui est présenté à l'Assemblée nationale est satisfaisant." Les garde-fous y sont à peu près tous ; je dis "à peu près tous " parce qu'il n'y a pas de loi qui soit préservée contre ses propres évolutions. Le système actuel nous paraît satisfaisant et le texte tel qu'il est actuellement, je le défendrai et je le voterai.
Si la mise au point du 31 janvier est intéressante, comment interpréter qu'au même moment, et conformément au projet de loi actuel qui ouvre un boulevard aux zones touristiques et aux zones frontalières , le quartier d'affaires de La Défense [1] soit classé zone touristique généralisant l'ouverture de ses magasins le dimanche ? Cela ne sonne-t-il pas comme un camouflet ? Interrogeant nombre de concitoyens, l'on se rend d'ailleurs assez vite compte que tout le monde croit à l'embellie, à commencer par les chrétiens anesthésiés, tout le monde est persuadé que le projet est remisé, enterré même.
Inquiétudes
Pourtant d'autres s'inquiètent. François Asselin et l'équipe de Société et Cultures du diocèse d'Angers, animateurs du site Le dimanche c'est sacré (www.ledimanchecsacre.com), invitaient par voie de mail le 17 février dernier à la vigilance. S'adressant aux cinq mille signataires de leur pétition en ligne, il demandait de saisir immédiatement son parlementaire, si le projet de loi revenait sur le devant la scène.
Complexe, la question du travail le dimanche a montré qu'il fallait évidemment composer, mais si l'on est obligé de dire sa reconnaissance à Jean-Frédéric Poisson et au député des Côtes d'Armor, Marc Le Fur, qui ont bien manœuvré dans le premier temps de l'examen de la proposition Mallié, on peut se demander si leur initiative n'est pas malheureusement qu'un baroud d'honneur.
La pente est bien sûr contre nous, elle est culturelle. Mais l'affaire de La Défense est emblématique : elle montre que, ne maîtrisant rien, on ne peut éviter le pataquès félon de dernière minute, toujours possible au bout du chemin.
À ce stade du débat, les questions de conscience se posent aiguës une fois de plus : jusqu'où va la responsabilité politique des chrétiens qui doivent dire non quand il le faut ? faut-il s'ajuster, en pragmatique , comme le dit Jean-Frédéric Poisson, au risque de s'adapter à l'évolution des mœurs, comme les chrétiens l'ont souvent fait dans leur histoire ? Le repos du dimanche, est-ce du non-négociable ? Est-il moralement acceptable de consentir à un compromis imparfait, à moitié rassurant avec ses garde-fous bien fragiles ?
Rien n'est joué loin de là : on approche au contraire avec le mois de mars de la zone de toutes les turbulences. Nous ne perdrons pas de vue non plus la date clé du 7 mai (cf. Le Fil du 13 février) date à laquelle les députés européens auront ou non avalisé la déclaration écrite de cinq des leurs en faveur du dimanche férié, pilier essentiel du modèle social européen et composante de l'héritage culturel de l'Europe .
Ne nous faisons pas trop d'illusions : le Président de la République veut cette loi, et ses féaux, Xavier Bertrand, Patrick Devedjian et Jean-François Copé, continuent plus déterminés que jamais leur offensive vers une France toujours plus mondialo-compatible, et au fond moins française. Se trouvera-t-il encore des députés pour leur résister ?
[1] Annonçant pour bientôt, semble-t-il, la même décision, pour le Forum des Halles à Paris.
***