Article rédigé par Hélène Bodenez, le 06 novembre 2009
Tout est-il dit maintenant que le député des Bouches-du-Rhône Richard Mallié a obtenu le vote, au bout de six ans de bataille, d'une proposition de loi remettant en cause le principe du repos dominical ? On pourrait le croire. Mais les amis de M. Mallié ne cachent pas leur énervement devant la mobilisation continue des adversaires du travail du dimanche, une opposition qui ne se relâche pas.
Tout indique, à la veille des régionales, que la question n'est pas réglée, et qu'elle est centrale.
François Fillon a beau expliquer dans une interview au Monde pourquoi à mi-quinquennat, le président de la République est si bas dans les sondages, qu'il ne voit aucun lien entre le passage en force de la loi sur le travail du dimanche, les affaires Mitterrand ou Jean Sarkozy et la baisse importante de popularité du Président, rien n'y fera pour venir à bout du scepticisme des nombreux électeurs de tous bords attachés au repos dominical. Et surtout pas en attisant les frustrations : Qui oserait aujourd'hui revenir en arrière ? demande le Premier ministre. Le bilan se fera à la fin du quinquennat, mais nous avons fait la démonstration que nous avons pu dégripper les moteurs du changement sans remettre en cause le modèle social et culturel français...
Coupables approximations
Voire. Le combat pour le repos dominical pourrait bien changer de visage, et se poursuivre. La prise de conscience en effet de ce qui est en jeu grandit à vue d'œil. Au point qu'on s'étonne des confusions de certains journaux comme La Croix qui semblent vouloir atténuer ce qui est devenu à l'évidence une écharde dans la chair de la majorité. Par deux fois, le quotidien chrétien a été pris en flagrant délit d'approximations coupables.
C'est récemment l'interview donnée au journal par Jean-Pierre Raffarin, qui ne laisse pas d'indigner les défenseurs du repos dominical. Le quotidien y affirme que depuis 2007, Jean-Pierre Raffarin est monté au créneau contre [...] l'extension du travail du dimanche, au nom de certaines valeurs . Chacun a bien présent à l'esprit pourtant le soutien apporté par le sénateur de la Vienne au texte de Richard Mallié, jusqu'à le voter ; Premier ministre de Jacques Chirac, il était déjà en amont de la loi qui visait à supprimer le lundi de Pentecôte.
C'est ensuite cet autre article, qui soutient que l'opposition des Lyonnais au travail dominical relevait d'une convergence entre convictions religieuses et philosophiques [...], l'humanisme religieux et l'humanisme laïc, fortement ancré dans la franc-maçonnerie . Comment avancer pareille sornette sans au moins un minimum de précautions ? S'il y a bien une constante dans la maçonnerie, au-delà des conflits d'intérêts entre maçons eux-mêmes, c'est bien la volonté de déconstruire les racines chrétiennes de la société.
Que La Croix ait pu écrire qu'à Lyon, la majorité [des élus], élus de droite en tête, se sont en effet mobilisés contre l'ouverture dominicale laisse pantois : doit-on rappeler que sans le vote des députés et sénateurs UMP du Rhône (et d'Alsace-Lorraine), qui ont voté pour la loi Mallié, alors qu'ils en avaient refusé l'application sur leur territoire, cette loi ne serait pas passée ?
À l'heure où l'on prend chaque jour davantage conscience de la pression du travail dans certaines grandes entreprises et des effets délétères de la mobilité permanente (cf. le Monde : Mobilité, pourquoi on est allé trop loin), il serait temps qu'au-delà des dérives de management de telle ou telle entreprise-phare, on se demande réellement si le débat autour du travail du dimanche, voté au nom de la flexibilité, ne se trouve pas au cœur de la place du travail dans la société d'aujourd'hui ? N'est-il pas malhonnête de louer la flexibilité et la capacité d'adaptation, pour s'affranchir d'une réflexion informée sur la résistance des salariés, qui n'est pas que simple résistance au changement ?
L'effet domino
Pour l'heure, on en vient au cinquième dimanche de manifestation des salariés des Intermarché de Beguey-Cadillac et de Langoiran (Gironde). Le 8 novembre prochain, les manifestants se retrouveront à Podensac pour s'opposer à l'ouverture dominicale des supermarchés et en particulier celle du Super U de Podensac qui risque d'entraîner celle de leur magasin. Le communiqué Pas de courses le dimanche, qui remet à l'ordre du jour la question de l'ouverture le dimanche matin des grandes surfaces à vocation alimentaire (5 500 signatures sur les lieux de la manifestation et dans les commerces des communes environnantes), met en évidence l'effet domino que nous avions dénoncé.
Cet effet domino prend en otage l'ensemble des acteurs locaux : petits commerces, responsables de supermarchés, élus politiques, salariés et citoyens. L'équilibre économique sur ces territoires ruraux est désorganisé au profit de grandes zones commerciales. Les salariés devenant à leur tour un produit mis à la disposition de leurs concitoyens de repos ce jour là. Les prises de conscience des élus locaux se multiplient et les soutiens des élus de la République opposés au travail dominical s'affirment, notamment Martine Faure, député de la 9e circonscription de Gironde qui s'est rendu par deux fois aux côtés des manifestants .
Chaude actualité en vérité pour un problème supposé réglé.