Article rédigé par Hélène Bodenez*, le 23 septembre 2011
Le pot de fer n'aura pas eu raison du pot de terre. L'épreuve de force des salariés de l'ex-enseigne hard-discount de Carrefour à Oyonnax (Ain), ED [1], reprise depuis juillet dernier par Dia, n'aura donc pas été vaine. Voilà deux ans que les plaignants licenciés par l'enseigne aux deux lettres rouge agressif attendaient un verdict d'importance, la condamnation d'un véritable abus de pouvoir.
L'objet du litige ? Avoir refusé de nouveaux horaires planifiés incluant le travail obligatoire le dimanche. C'est peu dire que le jugement avait ce jour valeur symbolique, après le vote de la loi controversée du 10 août, il y a deux ans. Arriverait-on à montrer que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse ?
Ce 21 septembre le conseil des Prudhommes de Créteil a finalement tranché en première instance, et en faveur des rebelles. Il a condamné ED à payer 40 000 euros au titre des dommages et intérêts à chacun des trois employés licenciés. Il n'y avait donc pas d'insubordination à faire valoir que le contrat de travail avait été modifié unilatéralement quand l'enseigne s'était cru dans son plein droit et mise à faire travailler sans volontariat le dimanche matin. La condamnation est lourde, la victoire des salariés, et à travers eux de tous les opposants au travail du dimanche, n'en est que plus éclatante.
Il faut dire que depuis 2009, bien des choses ont changé : la crise est passée par là, la loi Mallié a rendu plus absurde l'absurdité existante, le hard-discount ne se porte pas bien du tout. Ajouté à cela que la Cour de Cassation avait fait parler d'elle. Ne venait-elle pas d'affirmer ce 2 mars 2011 qu'une nouvelle répartition de l'horaire de travail ayant pour effet de priver le salarié du repos dominical constituait une modification du contrat de travail, que le salarié était alors en droit de la refuser ? Toutes les conditions d'un jugement favorable n'étaient-elles pas dès lors réunies ?
Le travail du dimanche empêche la vie familiale
Le Monde rapporte le commentaire de Maître Inès Plantureux, l'avocat des ex-salariés d'ED : Ces salariés n'étaient pas capricieux. Ils travaillaient déjà le samedi et avaient des plannings chargés mais travailler le dimanche les empêchait tout simplement d'avoir une vie familiale . Le site d'Europe1 met en avant l'âpre combat et ses impasses, un moment très difficile de ma vie affirme l'une des salariés licenciés, sans travail aujourd'hui. Au Progrès, c'est l'amertume d'avoir été traitée sans décence qui prévaut : Pour eux, nous ne sommes rien. Nous avons été licenciés à la va-vite, sans aucun respect du droit et de notre vie privée.
À quelques jours de la Journée Mondiale du Travail Décent (JMTD) ce 7 octobre, on ne peut que saluer la volonté réaffirmée par ce verdict de protéger en France le repos dominical qui protège l'homme et sa famille. La décence du travail n'est pas à protéger en Afrique et en Asie uniquement. La mobilisation peut encore grandir dans l'Europe tout entière.
Hélène Bodenez est l'auteur d'À Dieu le dimanche ! (Éd. Grégoriennes)
À venir, conférence au Centre culturel de Franklin, Sens et décence du travail , mardi 4 octobre 2011, avec Pierre Robert, Agrégé en sciences économiques et sociales, diplômé de Science Po Paris, auteur de Croissance et crises : analyse économique et historique, Pearson Collection Cap Prépa ; avec Hélène Bodenez, professeur agrégé de lettres, auteur d'À Dieu, le dimanche ! (Éd. Grégoriennes). Les deux intervenants sont collègues et enseignent en classes préparatoires économiques et commerciales, au Lycée Saint-Louis de Gonzague (groupe scolaire Franklin), à Paris.
Centre culturel Franklin, 12 rue Benjamin Franklin, 75116 Paris, métro Passy.
Dossier Liberté politique Oui au repos dominical !
Liberté politique est membre de l'European Sunday Alliance depuis son lancement le 20 juin 2011.
[1] On se souvient d'un de ses slogans publicitaires Ed vous aide !
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