Du bel avenir de la mort en général, et de l'euthanasie en particulier...
Article rédigé par La Fondation de service politique, le 24 septembre 2008

Ce que l'on appelle " les hasards du calendrier " constitue peut-être l'un des moyens qu'utilise la Providence pour nous parler : si l'Histoire, sans nul doute, ne retiendra pas que c'est un mardi saint, le 10 avril cette année, que le Parlement hollandais a légalisé la pratique de l'euthanasie — avec l'intention, dit un commentateur de radio un peu étourdi, de " la rendre plus facile " —, cette coïncidence a pourtant un sens assez clair : beaucoup ont pu croire que, si le xxe siècle, ouvert par le terrible " Dieu est mort " de Nietzsche, s'était fait une sorte de spécialité du mépris de la vie humaine, que le christianisme avait peu à peu réussi à rendre sacrée, le xxie se chargerait de redresser, à l'auguste enseigne des droits de l'homme, les terribles pentes de son prédécesseur.

Or voici que la première semaine sainte du millénaire semble signifier tout le contraire, et que le parlement des Pays-Bas, l'un des États de l'Union européenne autoproclamée phare de la civilisation, contredit ouvertement le " Tu ne tueras point ", principe absolu de la protection de la vie humaine sur cette terre. Encore ne le fait-il pas en catimini, mais, nous assure-t-on, après " un long débat ", et par une loi adoptée selon les plus démocratiques formes qui soient...

Certes, les lois qui autorisent l'avortement (et dont on peut même dire qu'elles l'encouragent puisqu'elles prévoient son remboursement), sont déjà entrées fort avant dans ce mystère de la vie que nous voulions inviolable. Pour les adversaires de l'avortement, on ne fait que transposer l'infraction du début à la fin de la vie. Mais ses partisans, qui prétendent sans trop le savoir, mais souvent de bonne foi, que la vie n'est pas encore qualifiée dans les premiers mois qui suivent la fécondation, sont confrontés cette fois à une évidence qui devrait au moins les troubler : cette fois, nulle discussion n'est possible, ce sont des personnes humaines dont la loi autorise la mise à mort. On passe du " droit de disposer de son corps ", au droit de disposer du corps d'autrui.

Avec bien des conditions, objectera-t-on. Il y en avait aussi dans la loi légalisant l'avortement : elles sont progressivement assouplies, y compris la condition d'âge du fœtus, comme on le vit récemment en France, et ailleurs en Europe. En Angleterre, et sans doute aussi dans quelques cliniques françaises, on " avorte " des bébés que la médecine des prématurés pourrait aussi bien faire vivre, en sorte que l'on est déjà dans le choix de faire vivre ou de tuer... Dans le cas de l'euthanasie aussi, il est probable que, une fois aboli le principe général d'interdiction, les fameuses " conditions " évolueront, plus ou moins vite, avec ou sans débat, et même avec ou sans loi. Il faut admettre l'évidence, nos sociétés reconnaissent désormais le droit de tuer pour de simples raisons de confort — naguère les enfants à naître, aujourd'hui les vieillards ou les grands malades, bientôt sans doute les handicapés, puis les faibles de toutes sortes... Au xxe siècle, plusieurs pays de l'Europe du Nord n'ont-ils pas déjà pratiqué l'eugénisme en toute bonne conscience ? Gageons que ce sera le prochain " débat "...

Mais, objectera-t-on encore, parmi les conditions du recours à l'euthanasie, il en existe une majeure, le consentement de la victime. Il faudrait donc croire, ou faire semblant de croire, que la question ne va pas au-delà de ce que, voulant minimiser la chose, le ministre français de la Santé, M. Bernard Kouchner, nomme le " suicide assisté ". D'abord, notons que la formule de " suicide assisté " est en elle-même fort audacieuse, ce ministre décidément étourdi oubliant que, jusqu'à plus ample information, aider un tiers à mettre fin à ses jours est passible de poursuites pour " non assistance à personne en danger " — " l'assistance au suicide " ouvrirait d'ailleurs la voie à de multiples dérives, puisque ce nouveau droit pourrait protéger une personne qui aurait aidé une autre à " en finir ", cela à tous les moments de la vie, par exemple lors d'un chagrin passager ou d'une plus ou moins longue " dépression "... De toutes façons, ce ministre ne peut ignorer que le débat sur " l'assistance à la mort ", dont il dit, à la suite de la percée hollandaise, qu'il doit être rouvert, se trouve le plus souvent posé en des cas où le consentement des victimes n'a rien d'établi. On pense par exemple à l'affaire Malèvre, du nom de cette infirmière qui avait précipité la mort de sept grabataires dont elle avait la charge, et auxquels nul n'avait demandé quel consentement que ce soit — affaire qui, depuis juillet 1998, alimente bel et bien un débat sur l'euthanasie. De surcroît, on ne peut pas ne pas rappeler le précédent législatif sur les dons d'organes : à l'origine explicite, il devint peu à peu implicite, le simple fait que le potentiel " donateur " n'ait rien précisé autorisant les prélèvements. Tout citoyen devra-t-il désormais préciser dans son testament qu'interdiction est faite à quiconque de le tuer ? Le " consentement " n'est une barrière que pour les hypocrites : c'est d'euthanasie qu'il s'agit et non de suicide plus ou moins assisté...

Ainsi, le basculement hollandais, qui se fonde sur un " droit de mourir dans la dignité ", lequel serait un nouveau rameau du grand arbre des droits de l'Homme, montre une fois encore que la logique desdits " droits de l'Homme ", telle qu'elle est désormais comprise, et celle de la foi chrétienne peuvent s'opposer sur des points majeurs et que la " mort de Dieu ", dont la semaine des Ténèbres symbolise pour les chrétiens la terrible menace, ne semble guère effrayer la majorité de nos contemporains de l'âge démocratique et de religion droits-de-l'hommiste . Beaucoup semblent même voir dans " la mort de Dieu " et la fin des interdits les plus absolus de la foi chrétienne, des signes encourageants de la seule chose qu'ils tiennent pour éternelle, le progrès...

Le mieux, ou le pire, est que tout porte à croire que leur nombre ira croissant, et que la " percée législative " de nos partenaires hollandais ne restera pas isolée ; sans doute fera-t-elle " tache d'huile ", constituant peut-être le signal que beaucoup attendaient dans différents pays de l'Union européenne pour résoudre l'un des problèmes les plus difficiles qui soient aujourd'hui posés aux générations futures. Trois raisons au moins inclinent à ce diagnostic pessimiste, rendant urgente la mobilisation des Français, Chrétiens ou non, soucieux de maintenir à la vie humaine son caractère sacré, c'est-à-dire d'envelopper une fois pour toutes la vie, de la fécondation à la mort, dans un mystère où nul ne peut entrer — si la " modernité " veut bien autoriser encore le mystère... Car l'euthanasie n'est que trop clairement inscrite dans l'évolution de notre monde, à la fois dans sa logique techno-scientifique, sa logique médiatique, et sa logique économico-politique.

 

La logique techno-scientifique

 

Première raison d'inquiétude : le règne sans partage de la " techno-science ", autrement dit le triomphe contemporain, sur toute conscience, d'une science qui ne se connaît plus de limites, diffère sans cesse toute critique et même toute autocritique, et entend passer sans plus d'examen moral à l'application pratique de tout ce que ses progrès autorisent. Ce n'est seulement que cette omnipotence offre de nombreux procédés permettant de faire mourir dans une sorte de nirvana, de donner la mort en douceur, et autres progrès dans l'art et la technique de l'assassinat. Mais encore, et c'est là toute notre inquiétude, la société techno-scientifique a besoin de l'euthanasie, car c'est sa façon à elle d'abolir, sinon la mort, du moins la part d'effroi que la mort conserve : l'euthanasie a ceci de commode pour la science qu'elle lui permet d'entretenir les illusions dont elle se pare : pouvoir prolonger la vie sans limite ; nier l'évidence que, aussi loin que la médecine puisse prolonger la vie humaine, c'est toujours la mort qui gagne ; faire comme si la mort n'intervenait non point à cause des limites de la médecine, mais parce que les hommes, le malade ou son entourage, l'ont décidée — " choisie ".

Car la Trinité moderne qui triomphe aujourd'hui sous la triple espèce de la Science, de la Technique (sa déclinaison pratique) et de la Marchandise (sa déclinaison démocratique qui la met à la portée de la masse), se voit aujourd'hui omnipotente. Une conception littéralement absolutiste de la Science dévale à tombeaux ouverts ce que Pierre-André Taguieff nomme, dans son magistral traité l'Effacement de l'avenir, " une nouvelle utopie, l'abolition de toute finitude ". Il lui faut imposer l'idée qu'elle prend en compte tout du monde et de la vie, qu'elle résout tout, que sa bienfaisance ne se connaît point de limite. Pas de borne, ni de frontière qu'imposerait une nature, ou un " au-delà " quelconque. C'est la traduction technicienne du " no limit " soixante-huitard — et c'est en somme le programme de la génération, ou plus exactement son conte de fée, la douce histoire que l'an deux mil a besoin de se raconter pour enchanter le monde.

Ce vaste programme se heurte à la finitude par exemple, la mort. La mort est certainement la figure la plus coriace de la borne, c'est elle qui peut opposer au rêve du progrès illimité la plus longue résistance. Terrible obstacle sur lequel vient se briser la grande illusion de la société " hypermoderne ", croire en son pouvoir d'éliminer toute trace du Mal sur la terre — obstacle qu'il n'est point aisé de contourner, ou du moins d'amadouer assez pour éliminer ses terribles crocs.

On tenta bien quelques biais. D'abord, de n'en plus parler : " il est parti ", ou encore " il nous a quitté " dit-on d'un défunt — ou, comme je l'ai vu dans un faire-part oublié dans un journal de New-York, " Jim a pris un avion pour les étoiles " comme s'il était allé vivre en Abyssinie. Ou bien, on coupe la question en petits morceaux : on fait disparaître l'âge, puis la vieillesse, laquelle devient pour " la pensée correcte " une sorte de nouvelle jeunesse, la bienséance voulant que, avec l'aide de quelque magie scientifique du type DHEA, les armées du " troisième âge " fassent de la gym ou sautillent en sifflotant jusqu'à la veille de leur dernier envol. Celui-ci approchant, on ne sait à quel moment, ni quel jour exactement tombe le couperet : celui où le " malade " part pour l'hôpital ? Ou bien celui où, doucement, on le branche, au point que plus aucun de ses gestes n'est libre ? Ou bien encore le jour où le coma le happe — à moins que ce ne soit celui où finalement on le débranche ? Boule de gomme : de toutes façons, le passage de la salle de gym du club troisième âge à la tombe n'était pas prévu au programme du jeunisme éternel : il y a lieu de le raccourcir...

Mais ces fictions ne dupent personne : la réalité est là, la mort gagne toujours, et le prodige de la " technoscience " se révèle pour ce qu'il est, l'évidence que rien n'a fondamentalement changé dans la finitude humaine... ni la non moins évidente absurdité de vies si prolongées, si lointainement enfouies dans une forêt de tuyaux qu'elles sont déjà sorties des limites de l'humain. Avec l'euthanasie, la grande solution est en vue : la mort décidée, la mort choisie, et même la mort aimable. " Il n'est pas mort, il a voulu partir — ou son entourage a plutôt choisi cette solution ". Voilà enfin aboli l'échec du démiurge scientifique : " on aurait pu le prolonger, certes ; il aurait pu vivre encore longtemps, peut-être même jusqu'à ce que l'on puisse le guérir tout à fait, qui sait (en le congelant ?), mais voilà, il a préféré être soulagé une bonne fois pour toutes, et ses proches l'ont aidé " etc., etc. La techno-science fait d'ailleurs d'une pierre deux coups : non seulement, elle n'est plus confrontée à ce qui déjoue son omnipotence, mais encore elle marque un point décisif sur sa grande rivale, la religion. Ce n'est plus " le Ciel " qui décide de la mort, mais l'individu, seul ou en famille ; la vieille forme du " il est mort ", qui suppose une intervention extérieure, cède le pas à la forme active du " il est parti " ou, mieux encore : " il a décidé de partir ", qui élimine toute référence à des puissances extérieures plus amples que le monde visible. L'Homme n'est le jouet de nulle force extérieure, il décide de tout, y compris sa mort. C'est bien là ce qu'accomplit " l'euthanasie-suicide ". Voici aboli l'effroi d'une vie arrachée à ce monde. L'euthanasie généralisée, c'est la techno-science débarrassée de tout soupçon d'échec, et de son concurrent religieux : gageons que le " système techno-scientifique " n'a pas fini d'utiliser, et surtout d'encourager si heureuse " solution "...

 

Dans la logique médiatique

 

La généralisation de la légalisation de l'euthanasie en Europe semble également inscrite dans d'autres traits de l'époque, qui garantissent eux aussi son succès.

Il y a d'abord la psychologie du temps, et son goût pour le larmoiement en tous genres : il suffit de montrer à la télévision des mourants qui souffrent pour que l'opinion, en principe prévenue par une vieille croûte de civilisation contre la pratique de toute forme de meurtre, consenti ou non, se retourne d'un coup et demande que l'on mette fin par tous les moyens aux calvaires des pauvres bougres filmés d'ailleurs sans pudeur. Dans une société qui, sous le double effet du voyeurisme médiatique et de la lente substitution à l'ancienne morale, de ce que Nietzche appelait la " moraline ", c'est-à-dire une sensiblerie de jeune fille, il suffit d'imprimer dans les esprits quelques images douloureuses pour faire oublier tous les autres aspects de la question — c'est le syndrome " des couveuses du Koweit ", ces scènes tournées dans le Massachussets par une firme publicitaire américaine où l'on donnait à voir de prétendus soldats irakiens saccageant une maternité de Koweit-City en carton pâte, qui firent oublier à l'opinion occidentale toute prévention contre une guerre punitive, ainsi que les différents aspects géopolitiques de la question, supercherie qui se répéta lorsque furent tournées en boucle des scènes de fuyards albanais baptisés " kosovars ". De même on oubliera les dérives possibles de la légalisation " libérale ", les cas de connivence famille-médecin, les euthanasies anticipées ou maquillées ; et l'on oubliera la question de principe, celle de la vie, dont toute l'œuvre de la civilisation est de la protéger, coûte que coûte, comme un absolu — l'absolu qui d'ailleurs la fonde.

Déjà, le 15 avril dernier (jour de Pâques), le Journal du dimanche publiait un sondage estimant, ou prétendant, que 38 % des Français étaient favorables à l'euthanasie " à condition que le malade en fasse la demande, qu'il soit incurable, et que la douleur ne soit plus supportable ", ce qui est multiplier les conditions aléatoires... 50 % des personnes interrogées disent même " l'admettre en certains cas ", ce qui n'éclaire pas les conditions susdites, puisque l'on voit mal ce que ces " certains cas " pourraient leur ajouter. De telles imprécisions témoignent d'une hésitation générale, terrain sur lequel on peut penser que le rappel de l'antique principe " tu ne tueras point " est seul en mesure de trancher une question qui sans lui n'a plus de fond. Hélas, les moyens dont dispose désormais le système techno-scientifique, et sa fidèle servante médiatique, auront tôt fait, en égrenant un petit chapelet d'émissions et d'images bien choisies, de bouleverser l'opinion et de désarmer tout esprit critique. Ceux qui résisteront se verront aussitôt reprocher de " vouloir prolonger de telles souffrances " comme les opposants à la guerre de l'Otan étaient tenus pour tortionnaires du " peuple kosovar ". on leur reprochera même de vouloir infliger aux mourants des souffrances inouïes, quand c'est précisément le règne de la science et son infernal acharnement à ne pas faire leur part aux lois de la nature et à nier le Mal qui en sont les véritables causes...

Dans ce débat, rien n'est plus décisif que le contexte psychologique dans lequel il s'inscrit, marqué par une hypersensibilité de l'opinion à la souffrance, qu'elle finit par ne plus admettre, et qui devient une sorte d'aberration dont il faut éradiquer le principe même. " Il n'est pas normal de souffrir ", lit-on sur un prospectus distribué dans une clinique " haut de gamme " pour convaincre les malades que la maison ne lésinera pas sur les moyens de supprimer la douleur. De même, en juillet 1998, lors de l'affaire Malèvre précitée, on entendit quelques esprits simples, ou plutôt simplets, se lancer dans de grandes envolées, plaisantes aux oreilles droits-de-l'hommistes, du genre : " Les Églises devraient être favorables à l'euthanasie, car c'est une atteinte à la dignité humaine que de laisser vivre des gens dans un si grand état de délabrement physique ! " Se rend-on compte de la logique dans laquelle on s'engagerait ainsi ? Bon nombre d'êtres humains vivent sur terre dans un " grand état de délabrement physique ", du fait de la maladie, de la pauvreté, d'une des mille figures en effet attentatoire à la dignité humaine qui hantent notre planète, en particulier ce " tiers-monde " qui représente les deux tiers du monde : la souffrance est-elle suffisante pour euthanasier tous les malheureux plongés dans la plus extrême misère, sans espoir de " s'en sortir " ? Une civilisation qui fuit la souffrance au point de la déclarer inhumaine ou attentatoire à la dignité glisse sur des pentes vertigineuses... À New-York, certains wasp s'autorisent à donner aux pauvres bougres laissés sur le trottoir, et qui n'ont même plus la force de mendier, des sandwich empoisonnés : " Ils souffrent trop, ce n'est pas humain ! " Sans doute cette " compassion " cache-t-elle d'autres motivations ; quoi qu'il en soit, la compassion devant la souffrance peut aussi s'apparenter au geste dont on ferait preuve à l'égard d'un animal si gravement blessé qu'on l'achève " par humanité " — il est vrai que nombre de philosophies en vogue, et une certaine science elle-même, ne sont que trop portées à confondre l'espèce humaine avec l'espèce animale, niant ainsi l'âme. Niant l'âme, cantonnant la religion à une sorte de distribution automatique de moraline, plongeant en réalité dans la négation de l'autre monde, notre société est en effet mûre pour multiplier les cas où la suppression de la vie paraîtra plus confortable, et donc préférable... Spirale qui n'a pas de fin.

 

Dans la logique économique

 

À cela s'ajoutent d'autres circonstances, économiques et politiques, propres à faire admettre l'euthanasie par les élites puis par l'opinion. Elles tiennent d'abord aux coûts croissants, et proprement alarmants à terme, qu'imposent aux régimes sociaux la prise en charge d'un nombre sans cesse accru de vieillards hospitalisés pour des durées que la médecine prolonge à la mesure de ses progrès, et, aussi, de ses prétentions. Car, pour les raisons susdites tenant à son omnipotence, la science n'accepte pas qu'on oppose à ses progrès d'autres sagesses, comme celle de rester chez soi quand la mort s'approche...

La considération du coût est certes triviale, s'agissant d'une aussi grave question. Mais elle l'est moins au vu des chiffres, et il est d'ailleurs notable que, au cours des " radios-trottoirs " réalisés en Hollande à l'occasion du débat précédant la loi du 10 avril, elle soit très souvent venue à l'esprit de Monsieur-tout-le-monde : " Maintenir en vie de grands malades, cela coûte si cher ! " a-t-on entendu de-ci de-là... Autant de leviers à utiliser sans grand peine, (mais certainement subtilement, qu'on se rassure...) pour conditionner une population dans un débat où les autorités religieuses ont de moins en moins de légitimité tandis que la technoscience, les médias, et les divers responsables des comptes publics en ont de plus en plus.

Reste enfin cet autre aspect purement politique qu'est l'unification européenne, dont il n'a échappé à personne qu'elle avait, entre autres finalités, celle d'unifier les lois des États-membres, selon des procédures recourant de plus en plus souvent à la majorité. Or, cette majorité, les États protestants, les plus " libéraux " en cette matière (comme en toute autre s'agissant des " vieux interdits " romains) et les plus enclins à épouser toutes les causes de la " technoscience ", la réunissent beaucoup plus aisément que les cinq États catholiques ou orthodoxes d'une " Europe du Sud " aujourd'hui fort minoritaire...

Mais à quoi bon écrire tout cela, et dresser quelques remparts de papier autour d'une vie humaine que l'oubli de l'âme, grande percée de la modernité, met partout en grand danger, qui se trouve broyée de toutes parts par la logique de la machine, du commerce et du confort, et qui sera de plus en plus éliminable sous le nom d'euthanasie comme elle l'est sous mille autres noms à travers le monde — un monde qui ne saurait être humain s'il se croit seul dans l'univers... À quoi bon, sinon pour trouver quelque écho dans la croissante et consternante horreur du temps ?...

 

p.-m. c.