Article rédigé par Yves Meaudre, le 26 novembre 2015
On ne peut que rester bouche bée devant l’inopportunité des préconisations de l’Association des maires de France sur la suppression des crèches dans les lieux publics. Le fondamentalisme laïque n’a-t-il rien de mieux à faire que de désarmer la France et sa jeunesse ?
Le président de l’Association des maires de France, M. François Barouin, encadré par d’éminents dignitaires du Grand Orient gardiens du temple de la déesse Laïcité, a édicté un code de bonne conduite citoyenne tout au moins inadapté en raison de l’heure et du moment.
L’heure appelle le rassemblement des Français sur notre source culturelle commune. Notre peuple vient de verser son sang, clairement visé par l’ennemi parce que nous serions le pays de la Croix.
Qu’on n’adhère pas à cette dimension religieuse, on le comprend, cela appartient au for interne de chacun. Le propre de la religion de l’Amour c’est d’enseigner celle-ci dans le respect de la liberté de l’autre. L’amour n’existe pas sans la liberté. Mais il y a dans les recommandations des maires de France une volonté d’effacer ce qui a structuré la culture d’un peuple, son architecture, son droit et même son art politique.
Les sources du fondamentalisme laïque
L’Évangile rappelle la séparation rigoureuse du sacré et du pouvoir mais cette distinction joue autant pour ceux qui seraient tentés d’établir une théocratie que pour ceux qui veulent s’arroger toute autorité sur le bien et le mal dans une laïcité dogmatique. Vouloir interdire toute expression de sa culture appartient à la même logique que celle de l’État islamique détruisant les trésors de Palmyre. Cela procède de la même dérive mentale dont la source est nihiliste. Il existe une parenté dans toutes les formes intégristes, que celles ci soient idéologiques ou religieuses.
Jusqu’au règne de l’ineffable Jacques Chirac, la France parce qu’elle était de mœurs chrétiennes, était le pays des équilibres et des arbitrages et du dialogue constant entre ses racines et sa modernité. Après avoir été victime elle-même des laïcités fondamentalistes du nazisme, puis du communisme à travers la trahison de ses intellectuels, la France avait su digérer ses démons idéologiques. Ce fût la constante de la IVe et une partie de la Ve République.
Personne n’ignorait que la source du fondamentalisme laïque se situait dans les massacres de Nantes en 1793 où Fouché ligotait des religieuses nues à des prêtres nus qu’il basculait au fond de la Loire. Lyon capitale des Gaules avait subi du même oratorien défroqué les canonnades à mitraille de centaines de prisonniers. Enfin, apôtre d’une pensée qui chassait Dieu, ses collègues de l’Assemblée demandaient de passer au fil de l’épée une province entière, « enfants à la mamelle », femmes, vieillards, etc. pratiquant le premier génocide légalisé de l’histoire. Cela s’est produit sur instruction de décrets votés par une assemblée souveraine !
La République n’a jamais fait sa repentance ! Les hommes politiques ont en effet cette faculté surprenante de se pardonner très facilement le mal qu’ils ont fait aux autres... Or la laïcité dont se réclame M. Baroin érigée en dogme, renvoie furieusement à toute forme d’intégrisme dans son principe. Loin de moi de penser que cet ancien élève de Stanislas, formé à la très droitière université d’Assas, veuille s’inspirer de l’oratorien devenu duc d’Otrante, mais il me semble utile de le rappeler à une vertu chrétienne : celle de l’humilité. Ses grands anciens ont basculé sans s’en rendre compte d’un principe à la radicalisation du principe. Vouloir interdire une tradition datant de saint François procède d’une violence qui se traduit par la haine du Christ qui est une haine de l’Amour.
La déraison athée
Les seules références que nous ayons d’une société qui rejette toute idée de Dieu de la vie publique renvoient, dans sa forme la plus récente à l’athéisme du nazisme ou à celui des khmers rouges dont nos plus prestigieux intellectuels soutenaient l’entreprise d’épuration. J’oserai même écrire que Daech se réfère à la même logique nihiliste en prenant en otage le nom de Dieu. Ce qu’héroïquement le pape dénonce comme un abominable blasphème. Il suffit de discuter avec les imans les plus excessifs pour comprendre qu’entre un athée nazi, un khmer rouge et ces religieux fanatiques, il y a une commune indigence spirituelle et intellectuelle dont tous les actes trahissent la déraison.
La laïcité cherche à mettre sur le même plan tous les « religieux ». Le problème de fond n’est pas le religieux mais le nihilisme auquel les pères de la Révolution et de l’islamisme renvoient. C’est là l’enjeu central pour les musulmans vivant en France. Car dans la forme totalitaire de leur dieu, j’ai l’intime conviction que nous n’avons pas aujourd’hui le même. L’affirmer permettrait aux authentiques spirituels musulmans de trouver une réponse à leur soif de vérité et de sagesse.
La France se réfère à une religion dont le fondateur meurt sur une croix en pardonnant à ceux qui le crucifient ; la pointe de l’enseignement se situe dans les Béatitudes. Le fondateur de l’islam a mené toute sa vie durant des razzias et des guerres contre ceux qui s’opposaient à sa vision.
Les Béatitudes ou la Révolution
Le pape François semble plus aimable dans ses propos qu’un Ben Laden ou que le métallique Robespierre. Je préfère l’exemple à suivre que me donne l’Église catholique dans la personne de St Vincent de Paul, St François d’Assise, St Antoine de Padou ou de Mère Térésa que les cavaliers du Jihad. J’avoue préférer les Béatitudes aux sourates, notamment celles-ci : « Tuez les polythéistes partout où vous les trouverez, ne faites pas la paix quand vous êtes les plus forts » (Coran 47-35), etc. appelant à l’élimination des chrétiens et des juifs. Pour les fondamentalistes des loges, je penserai utile qu’on rejette certaines paroles de notre Marseillaise nationale — « Qu’un sang impur abreuvons nos sillons ! » — sous peine de manquer de crédibilité lorsqu’on demande aux musulmans d’effacer certaines sourates.
Je n’envie pas plus les martyrs de la Révolution, Marat assassiné alors qu’il dressait la liste des futurs guillotinés, Danton le fondateur des tribunaux révolutionnaires ou Saint-Just dont les hystéries oratoires réclamaient la purification de la société par la « sainte guillotine » (sic). Question de survie. Décidemment j’aime mieux la petite Thérèse et ses parents.
Vouloir extirper de la conscience de nos enfants toute référence à notre culture chrétienne procède du même esprit que les fous d’Allah détruisant les trésors de Palmyre. En attendant que Bouygues « bulldozerise » l’essentiel de notre patrimoine, je ne vois pas comment nos compatriotes pourraient traverser notre géographie nationale sans poser des questions essentielles sur leur origine.
À moins de leur bander les yeux, comment pourraient-ils ne pas voir à chaque carrefour de nos campagnes des calvaires, au milieu des places centrales des villages des églises ? À Paris, si on ne les met pas en prison, comment peuvent-ils éviter de marcher dans les 315 rues, avenues, boulevards, places dédiées à des saints, aux archanges, à des prélats (cardinal Amet, place Jean XXIII, place Jean-Paul II…), des ordres religieux (Blancs-Manteaux, Saints-Pères…) et à la méditation du rosaire (rue de l’Annonciation, de la Visitation, du Calvaire…). Comment feront les Français pour s’interpeller sans dire leurs prénoms qui, pour quatre vingt pour cent d’entre eux sont celui d’un saint ?
La laïcité dogmatique désarme la France
Gérard Leclerc disait sur les ondes de RND que la laïcité n’est pas un dogme mais une praxis. Or aujourd’hui les tenants de la rue Cadet dont M. Baroin semble être le chantre veulent imposer le vide existentiel. Pour l’ancien élève de la très catholique école (autant que celles-ci peuvent l’être à Paris !) la responsabilité est grave. Parce qu’elle se situe à la hauteur d’une intelligence qui semble faire défaut. Mais plus grave encore, c’est retirer sciemment à un peuple ensanglanté et dans les cordes les ressources morales nécessaires à une épreuve qui ne fait que commencer. Pour un politique, c’est une très grave erreur de jugement car elle refuse définitivement aux jeunes générations en recherche pathétique de repères une chance de s’assimiler à une des plus prestigieuses civilisations.
On sait que les dérives de nos banlieues répondent à la rencontre de deux logiques : celles d’une nation qui enseigne la détestation de soi et l’appel guerrier de communautés identitaires particulièrement viriles, sommairement religieuses et maximalement hétérogènes à ce qu’est la civilisation française.
L’absence de discernement de cette bourgeoisie qui se définit comme « républicaine » n’a d’équivalent que la pensée du Gribouille de la comtesse de Ségur. Pour se protéger de la pluie ce dernier, s’était précipité dans la rivière.
L’enfant de famille de la bourgeoisie maçonnique a vécu loin des banlieues où opère avec une générosité parfois héroïque un nombre croissant de chrétiens, respectés encore parce qu’ils sont chrétiens mais exposant leur vie. On n’expose pas sa vie pour un monde sans Dieu ni culture, on l’expose par amour. Et l’Amour de Dieu est le propre de notre civilisation.
Paix à nos santons
Cette obsession d’une laïcité dogmatique cherche à s’emparer et à travestir le vocabulaire pour imposer une norme qui, si elle n’est pas religieuse n’en n’est pas moins pour eux sacrée.
Prenons le mot « républicain ». Celui-ci contiendrait le bien, le bon, le vrai, le juste : une sorte de credo des vertus mais sans les décliner, quelque chose d’immatériel et de volatile mais de… sacré. On est « républicain » comme si cela voulait dire qu’on était honnête, fidèle, courageux, charitable, ardent au travail, etc.
Pourtant le mot définit une mécanique de gouvernement, une praxis comme le précise Gérard Leclerc. Dans le passé, dans la bouche de nos rois, la république signifiait le bien public, ou le bien commun. On ne voit pas très bien la valeur morale de ce nom commun devenu sous le mandat de M. Chirac un adjectif qualificatif habité d’une substance éthique. On aurait pu dire « il est constitution, il est loi, il est maison commune » !
La priorité aujourd’hui n’est pas de faire la guerre à nos malheureux et charmants santons de Provence — nos juges ont peut-être d’autres urgences — mais d’unir nos jeunes et particulièrement ceux de nos banlieues sur la base d’un patrimoine que le monde entier nous envie.
Yves Meaudre
Illustration : Crèche de l’Ormel, Québriac (Ille-et-Vilaine).
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