Article rédigé par Hélène Bodenez, le 22 juin 2012
Ça monte ! ça grossit à vue d'oeil ! Alliances et collectifs fleurissent partout en Europe pour protéger le dimanche. Face à la puissance de la déréglementation du temps de travail qui méprise toujours plus les temps de repos fixes et collectifs, une union sacrée s’organise dans les pays européens autour du repos dominical.
C’est ainsi qu’une alliance nouvelle en faveur du dimanche vient d’être lancée, en Suisse cette fois-ci, l’Alliance pour le dimanche. Les membres de cette alliance s’indignent du « contournement sournois » de l’interdiction du travail le dimanche. Un vrai ras-le-bol s’élève. Les différentes votations sur la question, toutes majoritairement favorables au respect du dimanche chômé, sont régulièrement niées. Le dimanche, demandent les membres, ne doit pas être « sacrifié pour des considérations économiques ». Ce regroupement de syndicats, de représentants des Églises, d’organisations féminines et de médecins du travail a rejoint, à son tour, l’European Sunday Alliance qui grossit de mois en mois.
Psychodrame, vraiment ?
Pendant ce temps-là, en France - rien ne les arrête - les tenants d’une libéralisation à tous crins du dimanche continuent leur travail de sape et persistent dans leur mauvaise foi, y compris au détour d’autres sujets. Le journal des Échos n’a vraiment pas peur du ridicule en qualifiant la bataille du dimanche en 2009 de « psychodrame ». Autrement dit, pour Véronique Le Billon, il y aurait eu dramatisation, exagération ! Non, jamais au grand jamais, personne n’aurait voulu la généralisation du travail le dimanche ! Si le refrain est usé jusqu’à la corde, les faits sont néanmoins têtus : les constats d’ouvertures illégales sont là. Les astreintes à payer, énormes, également. L’enseigne d’électroménager Darty a été condamnée récemment à verser à un salarié 27 000 euros ! Voilà pour la pseudo « irrationalité » dont on avait habillé un peu vite les défenseurs du repos dominical et dont Les Échos voudrait remotiver l’argument : il est réputé caduc. La raisonnable justice a tranché dans le sens du raisonnable débat, débat exemplaire tenu par des députés, des syndicats, des associations dont les arguments brillaient par leur intelligence même, leur culture, leur sens de l’histoire. Il n'en était pas de même du côté des fascinés jusqu'à l'irrationnel de l'argent.
Défendre le dimanche au moins pour la santé
Une chose est sûre : tous les défenseurs du repos dominical (c’est ainsi qu’on nomme la protection d’un dimanche sans travail dans la loi française) s’accordent pour dire que les raisons de protéger le dimanche sont multiples, et en France, nous les avons depuis longtemps mises en avant. Parmi toutes ces raisons importantes, l’une demeure encore quand la plupart sont minées par notre modernité : la raison de santé. La toute nouvelle Alliance suisse le redit avec force grâce à une étude mise en ligne, s’ajoutant aux études téléchargeables en ligne sur le site de l’ESA, celle du Professor Dr. Friedhelm Nachreiner et celle de Madame Anna Wirtz. Cette nouvelle étude scientifique ne devra sans doute pas être la dernière. D’autres expertises, mettant en évidence les méfaits du travail le dimanche sur la santé comme l’augmentation du stress, des troubles du sommeil, des problèmes cardiaques, des cancers ou des accidents du travail, seraient les bienvenues pour donner au débat plus de poids encore. Appel donc est lancé…
Toutes les alliances formées réaffirment au fond un principe d’importance, celui d’un dimanche pilier du modèle social et culturel de l’Europe. Y toucher, c’est remettre tout bonnement en cause un certain humanisme européen. Le conserver en l'encadrant, comme le souhaite notamment l’Alliance suisse pour le dimanche, c’est hisser haut un véritable humanisme protecteur. Si le dimanche n’existe plus, tout est permis !
Cet article est également publié sur le blog d'Hélène Bodenez : raison garder
Déclaration de fondation de l’Alliance « Pour un dimanche sans travail » en Suisse
Les dimanches et jours fériés sans travail sont un bien précieux. Ces jours sont voués au repos, à la communauté, la liberté et la famille. Le dimanche doit rester réservé aux loisirs. Ce jour de repos hebdomadaire est un cadeau. Il procure le temps libre nécessaire à la réflexion et aux retrouvailles. Il profite aussi aux nombreuses personnes engagées dans les domaines culturel, religieux, sportif, social ou politique. Le dimanche non travaillé est un ancien acquis social qui fait partie de notre culture.
Les lois protègent le dimanche et les jours fériés sans travail
Le législateur en a tenu compte. L’art. 18 de la Loi sur le travail protège les dimanches – et donc la santé des travailleuses et travailleurs – et interdit en principe le travail du dimanche. Le travail dominical n’est autorisé que lorsque des raisons techniques ou économiques le rendent indispensable ou si un besoin urgent est établi.
Les exceptions mettent en péril le repos dominical
Les différents aspects de la vie de l’homme sont toujours plus souvent subordonnés à l’approche économique. Une large interprétation de la loi et un nombre toujours plus élevé de réglementations dérogatoires en faveur de branches comme le commerce de détail ou différentes entreprises menacent de saper l’interdiction générale de travailler le dimanche. Une nouvelle exception est souvent précédée d’une transgression de l’interdiction de travailler. À chaque étape de la libéralisation, les partisans du travail du dimanche avancent que l’exception ne s’applique qu’à un domaine limité et qu’elle est donc pratiquement insignifiante. Le rapport entre le travail et le repos réglé par la loi est donc toujours plus souvent remis en question.
Cela a des conséquences considérables : les temps de travail deviennent toujours plus flexibles, les travailleurs se sentent toujours plus souvent obligés d’adapter leurs temps de travail aux souhaits des employeurs, resp. aux carnets de commandes et aux besoins des clients. Ils doivent être disponibles 24h/24 et prêts à être mobilisés à tout moment dans les secteurs du commerce et du tourisme, dans les processus de production et dans les services. Le nombre d’employé-e-s travaillant le dimanche a augmenté de 12% entre 2003 et 2009 pour se situer à plus de 400’000 (source : ESPA).
Le dimanche ne doit pas être sacrifié aux intérêts économiques
L’évolution décrite ci-dessus réduit l’homme à sa force de travail et met en péril la cohésion sociale. L’affaiblissement du principe du repos dominical favorise une désintégration sociale progressive. Également sur le plan de l’économie nationale, on assiste toujours plus souvent à un déplacement du chiffre d’affaires plutôt qu’à son développement.
Encourager le dimanche sans travail
Les organisations, groupements et personnes signataires s’opposent donc à une nouvelle extension du travail du dimanche et encouragent le dimanche sans travail comme :
- Jour de repos et de détente – également un atout pour la protection de la santé
- Jour de la famille, de la rencontre et de la communauté
- Jour de la réflexion religieuse et spirituelle
- Jour de culte
- Jour de la liberté, de l’engagement et des nombreuses activités de loisirs, sportives, culturelles ou en faveur du bien commun
L’Alliance pour un dimanche sans travail exige :
- Le repos du dimanche et des jours fériés doit rester protégé d’une manière générale par la loi.
- Les exceptions existantes doivent être constamment examinées de très près en fonction de leur nécessité. Il doit exister des dispositions dans la loi et les conventions collectives de travail pour les exceptions.
- Le travail du dimanche et pendant les jours fériés doit rester l’exception et doit être mieux rémunéré que la durée normale du travail. L’employeur doit verser un supplément pour le travail du dimanche, qu’il soit régulier ou irrégulier.
- Le contrôle et la préservation du dimanche et des jours fériés comme jours de repos doivent être garantis. Toute infraction doit être systématiquement punie par les autorités compétentes.
Les membres de l’Alliance s’engagent pour une protection du dimanche et des jours fériés sans travail et contre l’extension du travail du dimanche et des jours fériés.
26.04.2012/L’assemblée constitutive (présents : PCS Suisse, Femmes Protestantes en Suisse, Église Évangélique Méthodiste, PEV Suisse, syndicat Unia, Les Verts suisses, Conférence des évêques suisses/Justitia & Pax, Société Suisse de Médecine du Travail, Fédération des Églises protestantes de Suisse, Union syndicale suisse, Ligue suisse de femmes catholiques, Schweizerischer Verein Sonntagsfeier, PS Suisse, Syna, syndicom, Travail.Suisse).