Article rédigé par Antoine Besson, le 16 mars 2012
Ce week end à Villepinte, notre très européen président-candidat a remis en cause les accords de Schengen prédisant même une sortie de la France si ces derniers ne sont pas très rapidement revus afin de permettre un meilleur contrôle des flux migratoires.
L’autre europe de Sarkozy
Réconcilier la France du oui et la France du non. C’est le pari en parti gagné du Président candidat Sarkozy le week end dernier à Villepinte. En abordant la question de l’Europe et en montrant que malgré ses vues très européennes, le candidat de la majorité était conscient des imperfections de l’institution et prêt à imposer au 26 autres Etats membres sa volonté de réforme, il a réussi dans un même discours à faire la synthèse des européistes et des eurosceptiques.
Réformer l'accord de Schengen : une fausse bonne idée ?
C’est donc sur l'accord de Schengen que Nicolas Sarkozy a misé dimanche à Villepinte pour rassembler les Français et les réconcilier avec l’Europe. Il faut dire que cette dernière est très souvent montrée du doigt depuis le début de la crise. Beaucoup de Français lui attribue la responsabilité de tous nos malheurs. Cet état d’esprit a notamment participé au succès du discours de Marine Le Pen qui caracolle dans les sondages.
Il fallait donc un discours capable à la fois de rappeler pourquoi l’Europe est aujourd’hui nécessaire sans en faire une évidence. Un discours qui puisse montrer que la France est encore capable d’être un acteur incontournable, capable de transformer l’Europe pour le plus grand bien de tous. Un discours qui mette en evidence les capacités du président-candidat à être un leader européen. « Maintenant pour les Européens que nous sommes, nous attend une tache immense : changer l’Europe. »
Que prévoit l'accord de Schengen ?
Actuellement, 26 pays sont membres des accords de Schengen. Vingt-deux sont des Etats européens (Chypre, l’Irlande et le Royaume-Uni n’ont pas adhéré à l’accord) et quatre sont des pays tiers (l’Islande, la Norvège, la Suisse et le Lichtestein). Tous ces pays constituent l’espace Schengen au sein duquel est garantie la libre circulation de tous les ressortissants des Etats signataires. Ces derniers peuvent ainsi voyager sans montrer leurs passeports – Les contrôles aux frontières intérieures de l’Union Européenne sont abolis – avec leur seule carte d’identité.
Seules les frontières extérieures des pays de l’espace Schengen sont maintenus sous contrôle. Les pays s’engagent à en assurer la surveillance. Le niveau de sécurité est d’ailleurs l’une des conditions permettant à un pays d’entrer dans l’espace Schengen. En 2011, la Bulgarie et la Roumanie ont été recalées en raison de l'opposition des Pays-Bas (les pays candidats doivent obtenir l’assentiment des 26 autres membres), insatisfaits des progrès réalisés en matière de surveillance des frontières extérieures et de lutte anti-corruption.
Pour aider les pays disposant de frontières extérieures, le Système d’Information de Schengen (SIS) a été mis en place et à disposition des services de police et des consulats. Il s’agit d’une base de donnée répertoriant les personnes portées disparues et indésirables ainsi que les objets et voitures volés.
Cet accord autorise également la police d’un Etat à passer la frontière en cas de poursuite d’un criminel et facilite la coopération anti-drogue. Il instaure des règles communes en matière d’asile politique. Une liste de pays non membres de l’Union Européenne est établie. Les ressortissants de ces pays doivent acquérir un visa coutant 60 euros pour pénétrer dans l’espace Schengen. Une autre liste (noire) de personnes interdites de visa existe également. Seules les « raisons humanitaires » ou les « obligations internationales » permettent des dérogations.
Que souhaite Nicolas Sarkozy ?
« Dans la situation économique et sociale qui est la nôtre, si l’Europe ne maîtrise pas les entrées sur son territoire elle ne pourra plus accueillir dignement ceux qui arrivent (…). Les décisions d’entrée sur notre territoire doivent être l’expression d’une volonté politique décidée par la souveraineté nationale. (…) Il y a urgence car il n’est pas question que nous acceptions de subir les insuffisances de contrôle aux frontières extérieures de l’Europe. »
Nicolas Sarkozy veut une réforme sur le modèle de celle engagée pour l’Euro. Cela impliquerait un « gouvernement politique de Schengen » qui applique « une discipline commune dans le contrôle aux frontières », des sanctions prises à l’encontre d’un « Etat défaillant » et des « instruments de gestion des crises ». En bref restructurer l' accord afin qu’ils soient plus engageants envers les Etats et qu’ils soient l’application d’une politique commune des Etat européens préalablements définis comme l’a été la politique vis-à-vis de l’Euro à la suite de la crise grecque.
Un raisonnement qui s’arrête en chemin !
Cette annonce a immédiatement été tournée en ridicule par l’opposition dénonçant un appel à une Europe répliée sur elle-même. Autrement dit, la réforme des accords est interprétée par la gauche comme un acte de repli identitaire et une nouvelle tentative de Nicolas Sarkozy de rallier à sa cause l’électorat du Front national.
Mais la critique la plus profonde, et ce n’est pas celle de la gauche, ne serait-elle pas de demander au Président sortant sur quoi il fonde sa volonté de renégocier l’espace Schengen ? Il en appelle aux principes fondateurs de l’Europe :
« Si la France a choisi d’exercer sa souveraineté avec ses partenaires européens, c’est au nom d’un idéal humaniste farouchement opposé à la sauvagerie, à la barbarie dans lesquelles deux guerres mondiales et le crime inouï de la Shoah avaient failli anéantir pour toujours la civilisation européenne. Si la France a choisi de partager sa souveraineté, c’est pour être plus forte, non pour être plus faible. Pour promouvoir une civilisation et des valeurs européennes pas pour les laisser détruire. »
Mais quelles sont ses valeurs européennes ? Affirmer que c’est un idéal humaniste suffit-il ? Sur le sujet Nicoals Sarkozy reste très discret jusqu’ici. Menacer l’Europe d’un retrait de la France s’il n’y a aucun progrès sérieux d’ici douze mois est une chose. Dire au nom de quoi on veut construire l’Europe et la protéger de la barbarie donnerait du sens aux mesures qu’il exige. Mais cette question Nicolas Sarkozy l’évite. Pourquoi ? Pour éviter un débat périlleux pour lui ou pour le bien de l’Europe. La réponse hélas ne laisse pas beaucoup de doute.
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