La République dite française n’a pas toujours rimé avec la liberté politique, ni avec l’égalité, ni avec la fraternité

Source [Le Salin Beige] : De Michel De Jaeghere dans Le Figaro Histoire :

La Constitution de la Ve République réaffirme l’attachement des Français à la forme républicaine de gouvernement. On croit comprendre qu’en dépit de la concentration des pouvoirs qu’elle organisait entre les mains du chef de l’État, des contraintes dans lesquelles le régime avait enserré le parlementarisme, cette précision avait été conçue pour rappeler qu’elle tournait le dos à l’éventualité d’une restauration monarchique dont ne rêvait, du reste, qu’une partie ultra-minoritaire de courants contre-révolutionnaires devenus eux-mêmes marginaux.

Le renversement de la République, son remplacement par une autre forme de régime n’est plus guère envisagé aujourd’hui par personne, au moins depuis la mort de Jean Raspail. Les élections consécutives à la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, l’accueil fait à leurs résultats, la crise qu’ils ont ouverte n’en ont pas moins été marqués par l’expression de l’inquiétude suscitée par les dangers qui en menaceraient l’existence. C’est au nom de la défense républicaine qu’ont été mis en place, entre-deux-tours, des accords de désistement entre des partis qui proclamaient, depuis de longs mois, n’être d’accord sur rien ; sous le signe du « front républicain » que s’est formée la coalition qui a vu des libéraux appeler à voter pour des communistes, des insoumis venir au secours de macronistes qu’ils vilipendaient depuis sept ans pour « faire barrage » au Rassemblement national. Son efficacité a été incontestable : assurant le succès de partis que rien ne préparait à gouverner ensemble, elle a ouvert la voie à la séquence politique inédite à laquelle nous assistons.

L’invocation de la République et de ses valeurs a cessé de surprendre, tant elle est devenue rituelle. Elle remonte aux années 1970, où les désistements entre communistes et socialistes face à leurs adversaires gaullistes et giscardiens se faisaient (déjà !) au nom de la « discipline républicaine » (l’expression se réfère aux débuts de la IIIe République, où elle désignait l’alliance de second tour des républicains contre leurs adversaires monarchistes ou bonapartistes), sans qu’on sache en quoi la menace d’une victoire de la droite en justifiait alors la mise en œuvre. Elle a été au cœur de la distinction, communément admise depuis l’émergence du Front national durant les années 1980, entre « extrême droite » et « droite républicaine ». Elle est réactivée pour délégitimer aujourd’hui un Rassemblement national dont on estime qu’il n’est pas un parti politique ordinaire, contesté, contestable : qu’étranger à « l’arc républicain », il doit rester voué à la marginalité, quel que soit le nombre de ses électeurs. Mais, comme l’a observé Frédéric Rouvillois, professeur de droit public à l’université Paris-Descartes et analyste incomparable du discours politique contemporain (Être [ou ne pas être] républicain, Les éditions du Cerf, 2015), elle a la particularité de s’appuyer sur un mot, un concept, des principes qui n’ont pas de définition.

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