Le 5 octobre 2011 avait lieu à la faculté de Bordeaux III la remise des insignes de docteur Honoris Causa à Judith Butler. Féministe homosexuelle, elle est l'auteur de Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion (publié en France en 2005) et milite activement pour la reconnaissance et la diffusion des théories du genre sur lesquelles elle travaille depuis les années 70.
Après la polémique autour de l'enseignement du gender à Sciences Po et celle plus récente de l'introduction de ces théories dans les manuels de SVT de premières, cette distinction délivrée par Patrice Brun, président de la faculté, à la philosophe américaine qui a théorisé le gender est un signe flagrant de l'ouverture progressive de l'université française à ces théories.
Il existe cependant une réaction en France à la diffusion de cette idéologie du gender. De nombreux parents d'élèves et près de 200 parlementaires. Hier, une dizaine d'étudiants bordelais représentait cette contestation et ont manifesté leur désapprobation en lançant des slogans hostiles à Judith Butler et en agitant des pancartes dans l'amphithéâtre de l'université Bordeaux III où se déroulait la cérémonie.
De son côté le Président de l'université de Bordeaux III répondait par mail à la lettre qu'Elizabeth Montfort et Francis Jubert lui avait adressé. Nous remercions le Président de sa réponse que nous publions in extenso sans aucune correction ni autre commentaire ; une précision cependant :
Monsieur le Président, ne prenez pas de haut vos interlocuteurs, ils ont également lu Judith Butler et sont ouverts au débat.
T.B.
Chère madame,
J'ai bien reçu la lettre que vous m'avez adressée, lettre qui à servi, si j'en crois les reprises que d'autres associations en ont faite, de base à quelques avatars. C'est donc à vous seule que je répondrai et je vous charge, si vous le souhaitez, de mettre ma réponse sur votre site de façon à ce que ceux qui vous ont plagiée en prennent connaissance.
La venue de Mme Judith Butler à Bordeaux a été décidée bien avant que n'éclate la polémique à propos d'un livre scolaire. c'est en effet par une délibération - à l'unanimité de ses membres du mois de janvier 2011 qu'a été voté l'arrêté délibératif proposant le titre de docteur honoris causa à Mme Judith Butler. Et c'est le 17 mai 2011 que, par une lettre émanant des services du ministère des Affaires Etrangères dont M. Alain Juppé est le responsable depuis le 27 février dernier, que nous avons eu communication de l'acceptation de cette distinction (l'accord du MAE est en effet obligatoire pour l'octroi de ce titre honorifique).
Il est parfaitement possible que l'université de Bordeaux 2 ait été en mesure de lui conférer cette distinction. Mais l'université Bordeaux 3 ne l'est pas moins. Elle possède en effet un département de philosophie particulièrement actif et une équipe de recherche reconnue comme l'une des meilleures de France.
Surtout, une université n'a pas à décréter une "vérité officielle". Sans débats actuels, l'université devient un congélateur d'idées. L'étude de la philosophie ne saurait en effet se limiter à Platon, Descartes, Spinoza ou Hegel. La philosophie est une science vivante, qui se nourrit des débats intellectuels qui agitent le monde et c'est toujours ainsi qu'elle a avancé - au moins depuis Thalès de Milet. Et c'est le rôle d'une université de participer à ces débats, voire de les susciter, car c'est dans le débat d'idées que vérités et faussetés s'affrontent et non au moyen de fatwas ni d'oukases d'interdiction que l'on fait triompher ses idées.
Il ne s'ensuit pas que tous ceux qui assisteront à la cérémonie d'aujourd'hui adhèrent à l'ensemble des thèses défendues par Madame Butler, qui ne doivent néanmoins pas être caricaturées comme vous le faites et, sur ce point, je doute que vous ayez lu l'ensemble de son œuvre, sans quoi vous n'auriez pas avancé des arguments à mon sens excessifs.
Madame Butler est, même si cela peut vous chagriner, considérée comme l'une des plus grandes philosophes de notre temps. Elle honore, par sa venue l'université qui l'accueille plus encore que cette dernière ne l'honore en lui décernant le titre de docteur honoris causa.
En espérant que cette lettre répondra à votre attente, je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'assurance de mes sentiments les meilleurs.
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Patrice Brun
Président de l'Université Bordeaux 3
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