La campagne du premier tour des élections législatives fut morose. A l’UMP, la consigne était de faire des campagnes « locales », sur fond de discorde des chefs à Paris. Au PS, le mot d’ordre était de « donner une large majorité au Président ». Le FN avait l’ambition d’avoir des députés à l’Assemblée et de concrétiser son implantation locale. Le Front de gauche, de laver son honneur à Hénin-Beaumont et d’obliger la nouvelle majorité à composer avec lui. Le Modem et François Bayrou espéraient demeurer dans la course. Quant aux divers droites parmi lesquelles on compte beaucoup de PCD, peu de candidats espéraient figurer au second tour et leurs candidatures avaient plutôt pour objectif celui d’un investissement pour l’avenir.
Les résultats sont sans grande surprise. Marine Le Pen a sèchement battu Jean-Luc Mélenchon. Il faut dire que le PS n’a pas ménagé le candidat du Front de Gauche. Martine Aubry et le Premier ministre lui-même sont venus soutenir son adversaire, Philippe Kermel, le candidat d’un PS rongé par les affaires locales. Quel que soit le soutien indirect reçu du PS, la victoire de Marine Le Pen n’est pas seulement due à des circonstances locales. Son parti s’enracine dans de nombreuses circonscriptions. Peu importe le nombre de députés qu’obtiendra le FN au second tour, il représente désormais une force que L’UMP ne peut plus ignorer. A gauche, les proches du Président ont été avalisés par les électeurs, sauf Ségolène Royale. Malgré le soutien de quelques poids lourds du PS, son parachutage à la Rochelle risque de tourner à la noyade. Sauf incident majeur, François Hollande peut espérer une majorité suffisante pour lui permettre de gouverner pendant cinq ans sans grands problèmes avec le parlement. Les verts comme les rouges resteront pâles dans la nouvelle assemblée.
Deux points ont été largement soulignés par les commentateurs : le record de l’abstention et l’écrasement du centre. La principale victime de ce phénomène de bipolarisation est François Bayrou. En annonçant trois jours avant le deuxième tour de la présidentielle son ralliement à François Hollande, le béarnais pouvait espérer un renvoi d’ascenseur. La rue de Solferino ne l’a pas entendu de cette oreille. Le PS redoute l’extrême gauche et n’aime pas le Centre. L’appel du Président du Modem au « refus du sectarisme » et à la «logique d’appareil » n’a obtenu qu’une fin de non-recevoir de Martine Aubry. Alors qu’en 2007 l’UMP avait retiré son candidat, le PS a maintenu contre lui la sienne. Dès dimanche soir le Président du Modem a commenté son échec : « «Les raisons du résultat sont très clairs : une partie importante de mon électorat traditionnel n’a pas compris, n’a pas accepté la décision qui a été la mienne de voter pour François Hollande». Ailleurs, les candidats du Modem qui avaient trois députés sortants ne sont pas en meilleure posture, huit sont arrivés en position de se maintenir au second tour, aucun n’est en ballotage favorable. Avec 1, 76% des voix (458 046) sur l’ensemble de la France, c’est pratiquement la fin du Modem.
Cette bipolarisation ne pose pas seulement un problème au Centre. Les candidats dits « divers droite » sont eux aussi laminés par le clivage PS / UMP. Il est devenu presque impossible pour un candidat de se maintenir au second tour dès lors qu’il n’a pas l’investiture de l’UMP ou du FN. Béatrice Bourges dans la 1ère circonscription des Yvelines avec 3508 voix fait (7, 13%) presque autant que le FN qui enregistre 3 904 voix, mais ne résiste pas face à François de Mazières, maire de Versailles investi par l’UMP (19 227 voix, 39,08%). De même Christian Vanneste ,député sortant de la 10 ème circonscription du nord, très implanté sur le terrain, et qui avait été réélu en 2007 avec 52, 67 % des voix, ne fait plus que 8, 82% après que l’UMP lui ait retiré son investiture et lui ait opposé Gerald Damarin (19, 26 %). Sauf bon report des voix de Jean Richard Sulzer, FN (18, 89), la candidate de la gauche Zina Dahmani (38%) pourrait être élue dimanche prochain. Dominique Souchet en Vendée est lui aussi largement battu sur ses terres avec 17, 9 % des voix contre 27, 65% à Joël Sarlot, candidat officiel de l’UMP. Philippe Brillault, 23,01%, maire du Chesnay et Olivier Delaporte (6, 34%), maire de La Celle-Saint-Cloud, ne font pas non plus le poids face à Henri Guaino (28, 12%) parachuté de fraîche date dans une circonscription acquise à la droite. Il n’y a guère que Nicolas Dupont-Aignant, en ballottage très favorable, qui sauve à Yerres son siège dans l’Essonne, 42, 82%, contre 9,52% à Laurent Beteille, candidate de l’UMP.
Il est donc devenu presque impossible de figurer au second tour d’une élection législative sans l’appui d’un grand parti. Si Jean-Frédéric Poisson du PCD (34, 65%) est élu dimanche prochain dans la 10 ème circonscription des Yvelines contre l’écologiste Anny Poursinoff (34,67%), il le sera grâce à l’investiture de l’UMP et à un bon report des voix du Front National (11,83%) et de François de La Villardière, divers droite (4,38%).
Les partis ont donc préempté la vie politique française. Cette tendance n’est pas nouvelle. Mais le quinquennat, en couplant les élections législatives et l’élection présidentielle, la renforce.
Les grosses machines, dont le FN, sont désormais les arbitres de la vie politique. Les dissidents de tous bords sont marginalisés.
Le rapport de force politique pour les cinq ans qui viennent ne sera connu définitivement que dimanche mais, dès à présent, nous devons nous mettre au travail. Même si le second tour corrige – un peu – les résultats du premier, c’est dans l’opinion et au sein des partis que vont se jouer les batailles de l’avenir. L’UMP en a pris acte, il y aura aussi à droite des courants et des primaires.
Cette nouvelle donne invite à réfléchir à nos responsabilités et à la manière de nous engager dans les batailles futures. Pour ce qui nous concerne, l’Association pour la Fondation de Service politique publiera sa feuille de route pour les prochaines années afin de préparer le renouveau et réveiller la France endormie par les berceuses de la social-démocratie et fatiguée par le laxisme de la génération de 1968. Plus que jamais nous avons besoin de votre soutien.
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