François Hollande nous a prévenus : dès qu’il aura la majorité législative qu’il souhaite, il fera les réformes de société de son quinquennat selon le calendrier prévu, en particulier sur l’euthanasie et le mariage de personnes du même sexe.
Beaucoup de français sont indifférents. Ils ne sont pas pour, mais cela ne les gênent pas : « que chacun fasse ce qu’il veut ». Ils ne voient, ni la portée symbolique de telles réformes, ni leurs conséquences. Celles-ci, parce qu’elles sont indirectes et à long terme, sont comme en dehors de leur champ de conscience prisonnier de la culture dominante.
D’autres, dont nous faisons partie, sont très inquiets. Ils estiment que ces réformes, en apparence sans coût direct, achèveront de détruire les fondements de la société française et pèseront très lourdement sur notre avenir : on ne se proclame pas maître de la vie, on ne définit pas l’identité sexuelle à partir des comportements, on ne fonde pas des « droits » sur la base de choix individuels et on ne subordonne pas le respect de l’enfant au le désir des adultes, sans entrer dans une logique de mort avec tous les drames qui s’ensuivent inévitablement. L’inquiétude d’un grand nombre de français est donc légitime et beaucoup se demandent comment s’opposer à ce changement de société.
Chaque jour nous recevons des mails ou des messages qui nous demandent de soutenir, qui une protestation, qui une manifestation, qui une pétition. Une certaine effervescence a gagné les rangs d’un grand nombre de chrétiens. Mais l’inquiétude est mauvaise conseillère.
L’Association pour la Fondation de service politique, (AFSP) s’en tiendra à la ligne de conduite qu’elle s’est fixée de longue date. Nous aborderons ces problèmes non de façon réactive ou pour simplement « témoigner », mais en mettant toujours au premier plan l’intérêt général et en cherchant à promouvoir des propositions qui aient une chance d’aboutir. Nous travaillons aujourd’hui sur trois axes.
Les législatives
La victoire des socialistes aux élections législatives est plus que probable : on en connait les raisons et la logique institutionnelle. Mais d’une part rien n’est jamais joué d’avance, d’autre part, comme je l’ai déjà écrit, quel que soit le résultat de ces élections, la campagne aura révélé de nombreux hommes et femmes qui se battent sur le terrain pour défendre des valeurs de société. Il faut les soutenir. Pour beaucoup d’entre eux c’est un premier engagement. Ce témoignage collectif de vitalité doit être connu et relayé. C’est le sens de notre travail d’information actuel. Cette minorité agissante prépare la relève. Les conditions d’un renouveau politique se mettent en place.
La crise financière
La Grèce est au bord du gouffre ; l’Espagne est en grandes difficultés. Les solutions données hier comme avant-gardistes apparaissent presque timorées aujourd’hui. (Cf l’article de Pierre de Lauzun). L’explosion de la zone euro est un risque que les français sont loin de mesurer. Le discours du nouveau Président, largement relayé par une presse complaisante, a endormi l’opinion. Les socialistes font comme si l’abîme n’était pas à leur pied.
Comme chrétiens nous ne pouvons pas ignorer ces enjeux économiques et sociaux. La sous information des français sur la réalité économique et la gravité de la crise est l’une des causes de la victoire de François Hollande et plus encore de l’incapacité de la France à se réformer. Ce sont tous les référentiels de la pensée dominante qui sont remis en cause : il va falloir repenser les fondements même de nos économies pour sortir de la spirale de l’endettement et la refonder sur des fonds propres (dans tous les sens du terme). C’est pourquoi nous allons poursuivre notre effort d’information et de formation avec le soutien de nos amis de l’association des économistes catholiques. Notre soirée débat du mercredi 14 juin prochain au centre Bernanos y sera consacrée.
Le mariage homosexuel
Nous ne sommes pas maitres de l’agenda : il dépend du Président. Il l’a redit sur France 2. Il appliquera son programme s’il dispose de la majorité pour le réaliser. Pour éviter le pire nous risquons de ne disposer que de très peu de leviers. La majorité des médias, les syndicats, les pouvoir locaux, la Présidence de la république, et peut-être même les deux assemblées, vont être aux mains des socialistes ou sous leur contrôle indirect. C’est une situation inédite. Pour la première fois une majorité dispose, non seulement de la gouvernance médiatique, mais aussi du pouvoir institutionnel de modeler la société française selon une vision politique directement dérivée de la pensée post-moderne. Face à eux, les autorités morales et religieuses ont été plus ou moins marginalisées, voire récusées d’avance, et seront confrontées au risque d’un combat frontal auquel elles ne sont pas préparées. Nous ne sommes ni en Espagne, ni en Italie, moins encore en Pologne ou en Slovaquie. Au nom de la laïcité, on les fera taire.
La voie est donc très étroite. Lors de notre soirée débat au centre Bernanos le 23 mai dernier, Samuel Pruvot, directeur de l’hebdomadaire Famille Chrétienne, évoquait la possibilité d’explorer la voie ouverte par l’article 11 de la constitution. La réforme de 2008 prévoit une possibilité de référendum d’initiative populaire. « Un référendum… peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi… ». Autrement dit, si un peu plus de 80 parlementaires (députés et sénateurs) en prennent l’initiative, et si un peu plus de 4 millions d’électeurs la soutiennent, il est possible de déposer une proposition de loi. Évidemment, il faut commencer par déterminer quelle proposition de loi pourrait être soumise au vote, qui entre dans le champ ouvert à cette procédure par l’article 11 de la Constitution et qui, sur la question du mariage, permettrait à la fois de bloquer le projet annoncé, et de réunir une large adhésion. L’équation n’est pas simple à résoudre. Ensuite, la procédure est lourde et complexe ; elle exige de gros moyens et de très nombreux relais ; elle ne garantit nullement le succès. Mais il serait difficile pour un gouvernement, quelle que soit sa couleur, de refuser d’examiner un texte soutenu par une initiative populaire de cette dimension.. Si 4 millions de Français, qu’ils soient chrétiens, juifs, musulmans ou agnostiques, font ainsi savoir qu’ils refusent que les règles élémentaires de la vie sociale soient bafouées, aucun gouvernement ne pourra les ignorer.
Sans doute le temps n’est pas encore venu de s’y lancer. Mais c’est une des hypothèses sur lesquelles nous allons travailler rapidement. Pour l’heure et jusqu’au 18 juin le temps est à la campagne des législatives et à la mise en exergue de tous ceux qui défendent nos valeurs. Après le 18 juin, le temps de la résistance viendra.