Depuis le 1er juillet 2012, la France et de nombreux autres pays européens n’importent plus de pétrole iranien. Cette nouvelle sanction fait partie d’un dispositif d’embargo élaboré par les Etats-Unis et l’Union européenne pour accroître la pression sur la Banque Centrale Iranienne (BCI) et imposer au gouvernement l’abandon du programme d’armement nucléaire dont la plupart des observateurs internationaux soupçonnent l’existence.
La BCI en quarantaine
Ces sanctions qui voient leur application mise en place aujourd’hui ont en réalité été prises il y a déjà 6 mois. Le 31 décembre 2011, les Etats-Unis ont décidé de forcer les institutions financières en commerce avec l’Iran à choisir entre l’empire américain ou la Banque Centrale Iranienne (BCI). Il existe cependant une échappatoire aux réfractaires qui souhaitent malgré tout continuer à traiter avec les deux parties. Washington exige alors seulement une baisse significative d’achat du pétrole iranien de la part des pays épargnés par l’embargo.
A la suite des Etats-Unis, l’Europe a donc interdit le 23 janvier dernier tout nouveau contrat pétrolier avec l’Iran, qu’il s’agisse d’importation ou de simple transport, de brut ou de produits pétroliers. Les contrats antérieurs devaient quant à eux être résiliés d’ici le 1er juillet 2012. C’est aujourd’hui chose faite pour la France ! A partir de cette date, les avoirs de la BCI en Union européenne seront également gelés et les assureurs européens ne devraient plus pouvoir assurer les transports pétroliers par bateau.
Le but déclaré de cet embargo est de faire pression sur les gouvernants iraniens. On peut cependant douter que de telles mesures soient réellement efficaces.
Une pression économique aisément contournable
Tout d’abord, parce que ce système de pression existe depuis longtemps. Si les modalités en ont été renforcées ces six derniers mois, il faut cependant reconnaître que toutes les pressions passées semblent jusqu’ici n’avoir jamais affecté la politique iranienne générale.
Ensuite, parce que si l’impact semble important sur le papier – le pétrole représenterait en Iran 80% de l’ensemble des exportations et 50% des revenus du gouvernement ; les pays de l’UE importaient environ 14% du pétrole iranien – dans les faits les choses ne semblent pas aussi claires. Ardavan Amir-Aslani, iranien spécialiste des relations internationales, en témoigne dans une conférence retransmise sur www.libertepolitique.com. Selon cet iranien de naissance, l’embargo européen n’aurait aucune espèce de conséquence car 80% de la production iranienne destinée à l’Europe aurait déjà été pré-vendue.
Concernant l’embargo américain, dans la mesure où il ne vise pas directement l’achat de pétrole, mais seulement les transactions avec la BCI, il est contournable. Les iraniens vendent donc leur pétrole aux Indiens ou au Chinois (80% des marchés de pétrole iranien sont en Asie) qui le revendent ensuite aux Américains. Bien entendu, les Iraniens veillent à vendre leur pétrole en monnaie locale qu’ils utilisent ensuite pour leurs propres importations sur les marchés du pays acheteur. De cette manière, rien ne transite par la BCI et l’embargo est sauf.
Pour échapper à l’embargo américain, l’Iran a donc mis en place d’après Ardavan Amir-Aslani une sorte de « troc déguisé » entre les pays alliés américains à la fois clients du pétrole iranien et vendeurs de produits exportables pour l’Iran (aliments et biens d’équipement qui représentent 65% de l’approvisionnement extérieur de l’Iran).
Un bilan mitigé : l’Iran freiné mais toujours dans la course au nucléaire
Malgré la résolution du Conseil de l’ONU 1929 qui notait la connexion potentielle entre les revenus iraniens provenant de son secteur énergétique et le financement de ses activités nucléaires sensibles de prolifération, il semble donc bien que les sanctions actuelles ne soient pas réellement de nature à inquiéter le gouvernement iranien ou à endiguer ses recherches pour se doter de l’arme nucléaire.
Ces mesures ne sont cependant pas totalement inefficaces. Depuis que les sanctions sont en place, la valeur de la monnaie iranienne a considérablement chuté, conséquence directe de l’embargo sur la BCI. L’Iran est également revenu à la table des négociations ce qui peut être analysé soit comme un progrès, soit comme une volonté de l’Iran de gagner du temps, stratagème en quoi ils sont devenus maîtres.
Concernant les recherches de l’Iran pour se doter de l’arme nucléaire, un panel d’experts du Comité des sanctions contre l’Iran du Conseil de sécurité de l’ONU a estimé que « les sanctions ralentissent l’approvisionnement par l’Iran de certains articles critiques nécessaires à son programme nucléaire interdit. » L’Institut pour la Science et la Sécurité Internationale (ISIS) note cependant que l’Iran a déjà produit assez d’uranium faiblement enrichi pour fabriquer cinq armes nucléaires. L’Agence Internationale pour l’Energie Atomique (l’AIEA) a conclu en mai dans son dernier rapport que l’Iran continuait malgré tout à étendre son programme de recherche nucléaire.
A l’aune de ce que l’on sait des sanctions nouvelles prises par les Etats-Unis et l’Europe, il ne semble donc pas qu’elles soient en mesure d’exercer une pression économique suffisante sur le gouvernement pour arriver à leur premier objectif : l’abandon par l’Iran de son programme nucléaire et un revirement de sa stratégie en la matière. L’embargo n’est cependant pas le seul élément de ce que certains appellent déjà la crise iranienne. Il reste encore les négociations internationales et l’évolution géostratégique de la région du Moyen-Orient avec le conflit syrien, la nouvelle situation irakienne, et… les élections iraniennes de 2013 auxquelles Ahmadinejad ne pourra pas se représenter (la constitution iranienne le lui interdit).
Tout ceci rend l’avenir fort difficile à prévoir !
Photo : Mahmoud Ahmadinejad © Wikimedia Commons / Kremlin.ru
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