Synthèse de l'intervention de Stanislas de LARMINAT[1] au colloque organisé à Nantes, le 4 février, par le cercle Jean-Paul II et la fondation de service politique sur le Développement durable et la doctrine sociale de l’Église. Le texte intégral sera disponible dans la revue de Liberté Politique.
« Face aux questions écologiques, il faut se rappeler ces trois maîtres mots : "Soyez féconds"[2], "faites fructifier"[3], "Choisis la vie"[4].
Mais ce n’est pas sous le seul regard de la foi qu’il faut se placer. L’exercice de la raison est indispensable, autour de quatre pistes. »
Rétablir une nouvelle sémantique
« Que penser de tous nos concepts de « développement durable », d’ « empreinte écologique », de « droits de la terre », de « bien être animal », de « solidarité avec les générations futures » … ! Aucun de ces concepts n’a de contenu réellement défini, mais curieusement, tout le monde est pour. Cette sémantique holistique, dite « fourre tout », participe, faute de vrai consensus, à la déconstruction des esprits et nous fait adhérer à n’importe quoi.
La première des urgences serait de systématiquement tourner le dos à l’ancienne sémantique et de prendre l’habitude d’en utiliser une nouvelle.
[...]
- Parler d’ « écologie », à tout vent, n’a plus de sens. Il ne faudrait plus utiliser ce mot qu’accolé à deux expressions :
- l’ « écologie humaine », et en particulier celle de la famille qui est le premier écosystème, celui où prend naissance la vie,
- et l’ « écologie sociale », et en particulier celle du travail. Si un écosystème est un ensemble dynamique dans lequel s’exercent des relations interactives, pourquoi ne pas observer d’abord l’interaction entre l’homme et le milieu, c'est-à-dire le travail, ou celle entre les hommes eux-mêmes, c'est-à-dire dans leur dimension sociale ? Sans travail ni solidarité sociale, point d’écologie sociale possible.
- La « durabilité » ! [...] Le développement durable ne doit pas se cantonner à la seule croissance durable de l’avoir ou d’un bien être mal défini. Ce qu’il faut intégrer dans le développement c’est la ‘’promotion de tout homme et de tout l'homme pour lui assurer un développement intégral’’. On ne devrait plus parler que de « développement intégral ».
- Quand on parle de « ressources naturelles », il faut toujours se référer aux techniques d’un moment. La ressource naturelle ne se limite pas aux matières premières. Une des ressources que la nature a donnée à l’homme, c’est justement sa capacité d’innovation. Il faudrait ne plus parler que d’« élaboration technique des ressources naturelles».
- Mais comment parler de « progrès technique » ? Notre société, en rendant un culte au Dieu-homme, ne jure que par la technique. C’est illusoire si on oublie la contribution qu’elle doit apporter au progrès social. Il faudrait ne plus parler que de « contribution technique au progrès social ».
- Concernant la « solidarité avec les générations futures », nos descendants auront besoin de nos investissements pour ne pas être mis dans une situation économique insurmontable. C’est plus important que de leur garder des stocks de pétrole. Irait-on porter un chrysanthème, sur la tombe de nos aïeux, pour les remercier d’avoir gardé des stocks de tourbe ? Non bien sûr ! A ne regarder que les stocks de ressources naturelles, on se fige dans le passé. Il faut parler « économique » pour se placer dans la perspective de ressources futures. Il ne faudrait plus parler que de « solidarité économique avec les générations futures»
- La « croissance zéro » ! Elle est suicidaire pour les pays les plus pauvres. Leur développement est un droit dont on ne peut les priver. [...] Il ne faudrait plus avoir peur d’utiliser le concept de « droit au développement ».
- La « protection de la nature » ! [...] Il faudrait prioritairement protéger « la nature de l’homme » car la nature anthropologique de l’homme mérite également respect!
- La « Biodiversité » ![...] La faune et la flore méritent-t-elles respect ? Oui, mais à la seule condition que leur relations à l’homme sont bien posées. C’est pour cela qu’il faudrait ne plus parler que de « biodiversité responsable ».
- Le « principe de précaution » ! [...] Qu’est ce qu’un principe s’il oublie l’homme ? […] [La précaution] est une pratique nécessaire. On parle d’ailleurs de « précautions d’usage ». Mais en faire un principe conduit tout droit à la paralysie. C’est pourquoi, il vaut mieux parler de « confrontation préalable entre risques et bénéfices ».
- Dernier sujet : la « gouvernance mondiale ». L’écologie est un formidable alibi pour justifier la disparition des états au nom de problématiques prétendument planétaires. Il ne faut plus parler que de « subsidiarité dans la gouvernance mondiale ». Sans cela, de nouveaux messianismes verront le jour, avec leurs faux lendemains qui chantent !
Voilà ma première piste de réflexion. Elle consiste à promouvoir une nouvelle sémantique. Faute de cela, il est impossible de mettre le doigt sur les risques idéologiques de l'écologisme actuel. »
Evacuer les dogmes dépourvus de bon sens.
« Dans mon ouvrage « les contrevérités de l’écologisme »[5], sont abordées les questions philosophiques relatives aux concepts de messianisme et de gnose, de culture de mort ou de culture de vie. On y lit, également, en quoi l’écologisme est une religion post-moderne avec son culte à de vieilles divinités: le dieu-homme et Gaïa.
Il faut surtout dénoncer tout ce qui entretient les peurs car elles fondent, le plus souvent, de fausses prophéties. »
Stanislas de Larminat cite ces dogmes (les « OGM », le réchauffement climatique, la question démographique) et leur magistère (l'Organisation Mondiale du Commerce et l'éducation). Ces problématiques sont approfondies dans son ouvrage.
Fonder une écologie positive sur la doctrine sociale de l’Eglise
« Notre conviction est que rien n’est possible sans une référence à la doctrine sociale de l’Eglise, conviction qui peut être partagée par tout homme soucieux d’en appeler à sa raison peut arriver à la même conclusion. »
En effet, la doctrine sociale de l'Eglise est un « appel de chacun à contribuer à l'épanouissement » des inclinations naturelles et positives de l'homme, qu'une conscience libre veut et doit suivre. Il y a trois types d'inclinations.
Les inclinations conservatrices (survie, reproduction) :
« L’homme, pour satisfaire à ses désirs de survie et de reproduction doit avoir à sa disposition un minimum de biens matériels, de biens propres, donc appropriables, et de biens qui se consomment.
C’est parce qu’ils sont indispensables à la vie et à la survie que ces biens sont appelés à une « destination universelle des biens »[6].
[...]
Ce principe ne concerne pas que les biens de base. Il en est de même pour les « biens nouveaux », issus de la technique et du savoir: « ils doivent être mis au service des besoins primordiaux de l’homme, afin que le patrimoine commun de l'humanité puisse progressivement s'accroître » [7]
[...]
Notre inclination à la survie nous pousse à l’appropriation de ces biens. C’est pourquoi, l’Eglise ne récuse pas le « droit de propriété ».[8]
[...]
Enfin, on ne peut pas parler de « destination universelle des biens », sans parler du sens du travail. En effet, comme le dit Saint-Paul : « Aucun chrétien … ne doit se sentir en droit de ne pas travailler et de vivre aux dépens des autres » (2 Th 3, 6-12) »
Les inclinations altruistes (don, justice, union...) :
« D’une manière plus générale, tout ce qui pousse à la justice, la paix, la sécurité, relève de ce que l’Eglise appelle le « bien commun ».
Qu’en dit l’Eglise ? « Le bien commun est et demeure commun, car indivisible et parce qu'il n'est possible qu'ensemble de l'atteindre, de l'accroître et de le conserver… Le bien commun peut être compris comme la dimension sociale et communautaire du bien moral.»[9]
Parler de « bien moral » n’est pas facile aujourd’hui. Pourtant l’Eglise est claire: « Par bien commun on entend cet ensemble de conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu'à chacun de leurs membres, d'atteindre leur perfection d'une façon plus totale et plus aisée ».[10]
Les inclinations supérieures (vers le beau, le vrai, l'unité, la dignité et même le divin) :
Ces valeurs fondamentales sont la vérité[11] et la liberté[12]. Elles fondent les principes de dignité[13] et d’unité[14] de la personne humaine, les principes d’universalité et d’indivisibilité[15] et le principe de solidarité et de collaboration ou principe d’amitié[16].
« Le bien commun découle des inclinations les plus élevées de l'homme ».[17]
« Mais il faut aller plus loin encore.
En disant que « la liberté est obéissance à la Vérité », on réalise qu’au plus profond de notre conscience, toute vérité donnée a d’abord été reçue : j’ai donc une dette. « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8)
C’est une réflexion sur le don et la dette qui permet de fonder deux autres principes: celui de subsidiarité et celui de gratuité.
a) Le don ne se délègue pas. C’est pourquoi on peut parler de principe de subsidiarité.
Cela signifie que « toutes les sociétés d'ordre supérieur doivent se mettre en attitude d'aide (« subsidium ») par rapport aux sociétés d'ordre mineur ».[18][...]
b) Pourquoi le don fonde-t-il le principe de la gratuité en économie?
L’Eglise, on l’a vu, ne récuse pas le droit à la propriété. Mais cela peut ne pas suffire à la satisfaction des besoins primaires. Les concepts de prêt et d’échange peuvent donc permettre à qui n’a pas de bien d’emprunter une partie de ceux des autres. [...]
Mais sous l’influence du mal, le créancier, en quelque sorte, est tenté de s’approprier le débiteur et d’en faire son esclave. Le marché, dès lors, peut ne plus servir le « bien commun » si le débiteur perd sa liberté.[...]
Parce que dans l’échange, je suis « ton créancier » et autrui est « mon débiteur ». Dans le don, je deviens « ton obligé » et autrui devient « mon frère ». Par là, l’économie du don atteste de la présence de Dieu. Grâce à l’économie de la gratuité, la surface de la sociabilité augmente, car sa capacité d’imagination est accrue. On peut dire que l’économie de l’échange est une forme atténuée de l’économie de la gratuité. »
S’engager dans des actions concrètes
Cette théorie demande à être appliquée, l'ingénieur-agronome propose donc six perspectives et dix-huit mesures concrètes.
Pour une « écologie du futur », de nouvelles technologies :
Dans le cadre du principe de solidarité, il nous faut investir pour mettre les générations futures dans des situations économiques viables. Stanislas de Larminat suggère :
- l'organisation d'une grande Conférence Nationale sur les Technologies du Futur (sélection des « vraies pollutions », soulagement des coûts indispensables aux générations futures, technologies respectant l'être humain) ;
- la réévaluation par cette Conférence des technologies nouvelles à exploiter et subventionner (par exemple, les éoliennes ont faible potentiel d'innovation pour le futur) ;
- Réserver les augmentations de budgets à quelques grand pôles pluridisciplinaires plutôt qu'à des instituts spécialisés.
Pour une « écologie lucide », lutter contre les vraies pollutions :
Le réchauffement climatique est un faux problème (d'autant plus que le GIEC manque de transparence) devant la pollution de l'air et de l'eau, il nous faut « tendre continuellement vers la vérité » et pour cela :
- accroître les budgets des « agences de bassin » et des « agences de l'air » ;
- abolir les quotas d'émissions de CO² affectés aux entreprises et supprimer la propagande à ce sujet ;
- mettre sous le régime fiscal du mécénat d'entreprise tous les investissements faits par les entreprises pour réduire les vraies pollutions de l'air et pour améliorer la qualité des eaux.
Pour une véritable « agro-écologie » :
De nombreux pays pauvres n'ont plus la capacité d'exploiter leurs terres, leur autonomie alimentaire est donc menacée, à rebours du principe de destination universelle des biens. D'après les études de l'INRA, la terre peut nourrir 9 milliards d'habitants en 2050 si le Nord investit dans le foncier du Sud, qu'il ne s'enferme pas dans l'agriculture biologique à faible rendement tandis que le Sud se protège de l'importation des produits du Nord. Concrètement, cette « agro-écologie » pourrait s'établir par :
- l'obligation de résultats identiques pour les utilisateurs de label « Agriculture Biologique » et « Agriculture Intensivement Ecologique » ;
- l'obligation faite aux agriculteurs bénéficiant d'aides européennes de faire certifier leur activité (avant d'utiliser les labels « bio » ou « intensivement écologique ») ;
- l'incitation des agriculteurs à intervenir, directement et « gratuitement » dans le transfert de technologies à des coopératives de paysans du Sud.
Pour une « écologie commerciale équitable » :
« Le commerce dit équitable entretient trop souvent une double illusion: celle d’un très léger surprix payé par le consommateur du nord qui détourne le producteur du Sud de cultures vivrières indispensables et l’enferme dans des cultures d’exportation dont les cours sont globalement à la baisse. La seconde illusion est la bonne conscience que se donne le consommateur du Nord », alors qu'elle justifie le libéralisme de l'OMC qui met les moissonneuses et les charrues en concurrence. Il faudrait procéder, pour arriver à une économie du don et de la gratuité à :
- l'annulation de tous les mandats de négociations avec l'OMC ;
- l'institution d'une Organisation Mondiale de l'Agriculture incitant à intégrer les PMA dans des zones régionales de coopération ;
- l'institution d'un Fonds Mondial d'Aide Alimentaire.
Pour une véritable écologie de l'homme, et une nouvelles gouvernance mondiale :
Le principe de subsidiarité et de participation demande que certaines ONG restent à leur place plutôt que développer des problématiques minoritaires et douteuses, quitte à :
- interdire aux déléguer nationaux auprès de grandes institutions de voter sans un débat public préalable ;
- supprimer les budgets des agences internationales ne respectant pas le principe de subsidiarité ;
- demander au FMI de soutenir des sortes de Zones d’Intérêts Communs et de Solidarité Economique et Financière (ZICSEF), incluant des PMA.
Pour une « écologie sociale », une démographie responsable et un accès à l'éducation et à la santé :
Derrière des objectifs angéliques, certaines institutions écorchent le bien commun par des outils mortifères. Que penser de l'UNESCO qui apprend à lire avec des manuels de protection contre le SIDA ? Stanislas de Larminat veut réagir par :
- la création d'une « agence de vigilance » chargée de dénoncer les actions politiques des Etats, des agences internationales et des ONG ;
- la demande à l'OMS d'accorder aux PMA qui le souhaiteraient de quoi financer les campagnes « ABC » contre le SIDA ;
- l'obligation à l'UNESCO d'apprendre à lire sans utiliser du contenu idéologique
Conclusion
Au-delà du caractère singulier de certaines de ces mesures, il s'agit d'alimenter notre réflexion car seule la Vérité rend libre, libre de construire cette écologie de l'homme dont Sa Sainteté Benoît XVI fait dépendre l'autre : « Quand l’"écologie humaine" est respectée dans la société, l’écologie proprement dite en tire aussi avantage... Si le droit à la vie et à la mort naturelle n’est pas respecté, …la conscience commune finit par perdre le concept d’écologie humaine et, avec lui, celui d’écologie environnementale. »[19]
Synthèse rédigée par Nicolas Bagory
Retrouvez les articles de la présidentielle sur l'environnement dans le dossier :[1] Stanislas de LARMINAT : né en 1946, Ingénieur Agronome INAPG, retraité de l’industrie Agro-alimentaire, diplômé de 3ème cycle IPLH de Bioéthique, étudiant en « formation des responsables » aux Bernardins, auteur de « Les contrevérités de l’Ecologisme » (Editions Salvator – 2011)
[2] Gen I, 28
[3] Mat XXV
[4] Deut XXX, 19
[5] Stanislas de LARMINAT : « Les contrevérités de l’écologisme » (Editions Salvator-2011)
[6] Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église, § 171-172
[7] Ibid, § 179
[8] Ibid, § 171
[9] Ibid, § 164
[10] Ibid, § 164
[11] Ibid, § 198
[12] Ibid, § 200
[13] Ibid, § 107, 160
[14] Ibid, § 127, 49
[15] Ibid, § 154
[16] Ibid, § 103
[17] Ibid, § 167
[18] Ibid, § 186
[19] Caritas in Veritate, 51
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