Les travailleurs, grands sacrifiés de la gestion de la zone euro

Source [Atlantico] : Mais qui se préoccupe du fait que la zone euro prenne structurellement les revenus des travailleurs comme principale variable d’ajustement face aux chocs économiques ?

« Le rôle du gouvernement est de garantir la protection sociale du peuple », Disraeli

Je ne sais pas si les gens vont perdre leur sang-froid, mais ils sont pris après des années de service dans une gangue de politiques « sociales » qui sont en réalité antisociales :

1/ la remontée perverse et anachronique des taux d’intérêt

Présentée comme sociale (« tuer l’hydre inflationniste ») ; il ne faut pas manquer d’air : en quoi le renchérissement du prix du crédit va-t-il améliorer le sort des classes moyennes anxieuses, alors que de toute façon l’inflation allait retomber (les prix du gaz ne vont pas faire x10 tous les ans, les prix du fret et des semi-conducteurs rechutent depuis des mois, les salaires peinent à gagner 3% dans la meilleure configuration possible, etc.) ? Regardons un peu d’où vient cette affirmation baroque :

Des banquiers commerciaux : si vous demandez à un chef de rayon chez Darty ce qu’il pense de la perspective d’une hausse des prix de ses lave-linges, il va montrer de l’enthousiasme. Les banquiers veulent toujours des hausses de taux, et ils font semblant de ne pas voir les conséquences antisociales. Comme le dit le dicton, “il est difficile pour un homme de comprendre une chose si son salaire depend de ce qu’il ne le comprenne pas”. Car admettons, pour simplifier, que les dépôts bancaires des particuliers atteignent en zone euro 10 000 milliards d’euros. Si les banques commerciales paient 1% aux déposants et achètent des obligations d’État à 3 %, la marge des banques est de 200 points de base, soit une subvention (n’ayons pas peur du mot) de 200 milliards d’euros par an au profit des banques… en fait au profit des actionnaires des banques !

Des banquiers centraux : en 2013, Mario Draghi a répondu à une question à propos de la baisse des prix : «…elle permet aux gens d’acheter plus de choses ». En 2022, Lagarde suggère que l’inflation ne permet plus d’acheter autant de choses (problème de logique : si on achète moins, l’inflation baisse…). Avec un logiciel pareil, biaisé dans un sens pro-germanique, toute restriction monétaire fait un peu le travail de Dieu. Pour paraphraser et détourner un peu Bourdieu, la BCE « confère le privilège aux privilégiés de ne pas apparaitre privilégiés aux yeux des non-privilégiés ». Sa calinothérapie est entièrement branchée sur le secteur bancaire, a fortiori depuis 2012 puisqu’elle le supervise. Milton Friedman avertissait : « … une banque centrale indépendante aura tendance à accorder une importance exagérée au point de vue des banquiers. Il est extrêmement important de distinguer deux problèmes que l’on confond trop souvent : le problème de la politique du crédit et le problème de la politique monétaire ». Son texte date de 1962 et n’a pas pris une ride ; il n’est guère étudié de nos jours, et cela nous coûte un pognon de dingue depuis 2007 (au moins).

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