José Bové condamne la PMA : grand écart et vieille ficelle

Non à la PMA, non aux OGM. La cohérence de la condamnation de l’écologiste José Bové peut plaire aux chrétiens auxquels il s’est adressé, mais dissimule des confusions que l’Église ne peut suivre. La technique n’est pas nécessairement anti-naturelle. Que dit précisément le magistère catholique sur la PMA et les OGM ?

« JE SUIS CONTRE TOUTE MANIPULATION SUR LE VIVANT, que ce soit pour des couples homosexuels ou des couples hétérosexuels, que ce soit sur le végétal, l’animal et a fortiori sur l’humain. Je pense qu’à un moment, le droit à la vie et le droit à l’enfance sont deux choses différentes. Je ne crois pas que le droit à l’enfant soit un droit. Je vais me faire plein d’ennemis. » Voilà ce qu'a déclaré José Bové, eurodéputé, le 30 avril dans l'émission « Face aux chrétiens » (La Croix/KTO/RND/RCF).

Et voilà les personnes sensibles à l'écologie engluées dans un paradoxe infernal : d'un côté, elles se réjouissent de voir un anti-OGM s'insurger contre la PMA et faire un parallèle entre toutes les manipulations sur le vivant qu'elles ressentent comme étant « contre nature ». Mais d’autres ressentent un malaise, car elles voient dans certaines formes de PMA une solution pour les couples souffrant d'infertilité.

Comme souvent lorsqu'on se sent piégé dans une contradiction, c'est que le problème est mal posé ou que « la ficelle est un peu grosse ». Bonne occasion de remettre les pendules à l'heure vis-à-vis de la PMA et vis-à-vis des biotechnologies.

L'argumentation de José Bové entretient la confusion : il réduit l'homme à une créature comme les autres,

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- en oubliant les vraies souffrances des personnes souffrant d'infertilité et en négligeant les problèmes posés par la PMA,
- en ne reconnaissant pas au reste de la création une ressource voulue par Dieu pour l'homme.

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I- PMA : ne pas confondre manipulation et assistance

Les vraies souffrances des personnes souffrant d'infertilité 

La procréation répond à une vocation naturelle et à un désir légitime des époux, même si cette intention bonne ne suffit pas pour donner une appréciation morale globalement positive à la fécondation in vitro, même entre époux.

Par ailleurs, l'infertilité n'est pas toujours une fatalité, même si elle reste une vraie souffrance qu'il convient d'entendre, et que certaines techniques médicales peuvent résoudre dans le respect de la dignité de l’amour humain [1].

Les véritables problèmes posés par la PMA

Le problème que pose la PMA à l'homme ne relève pas, comme le dit José Bové d’une manipulation sur le vivant. Les questions qu'il convient de se poser montrent qu'il faut savoir rester circonstancié :

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- Les diagnostics prénataux, qui accompagnent la Fivete (Fécondation in vitro et transfert d'embryons), risquent de relever d'une mentalité eugénique, en mesurant la valeur d'une vie humaine seulement selon des critères subjectifs de « normalité ».

- La Fivete implique souvent d’avoir recours à un avortement sélectif, caché sous la sémantique de la réduction embryonnaire qui suivrait une réimplantation multiple.

- La PMA condamnable est celle qui conduit à la « production » d'embryons dits surnuméraires dont l'avenir est sans solution, même si on évoque leur instrumentalisation à des fins de recherches médicales.

- Il convient de ne pas confondre le droit de l'enfant, y compris celui d'être le fruit de l'acte spécifique de l'amour conjugal de ses parents, et le droit à l'enfant, celui-ci n'étant ni un dû, ni un objet de propriété.

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La position prophétique de l'Église

Face à ces problèmes, l'Église se veut claire pour rester prophétique. Le Magistère considère illicite la Fivete dans la mesure où cette technique dissocie l’acte conjugal de la procréation. Cette position, qui ne juge pas les personnes, a pour but d’éclairer les consciences et de fournir un cadre qui « protège » l’amour que Dieu a placé au cœur de chacun.

La doctrine de l’Église en matière d’assistance médicale à la procréation est précisée en particulier dans deux instructions :

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  • Donum Vitae – « Instruction sur le respect de la vie humaine naissante et la dignité de la procréation » (22 février 1987).
  • Dignitatis Personae – « Instruction de caractère doctrinal » (8 décembre 2008).
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Ces instructions se comprennent avec l’éclairage de la théologie du corps enseignée par Jean-Paul II lors de ses audiences hebdomadaires de 1979 et 1980. La position de l'Église se résume ainsi :

Les techniques qui apparaissent comme une aide à la procréation « ne sont pas à rejeter parce qu’artificielles. Comme telles, elles témoignent des possibilités de l’art médical. Mais elles sont à évaluer moralement par référence à la dignité de la personne humaine, appelée à réaliser sa vocation divine au don de l’amour et au don de la vie » (Dignitatis Personae, II, n. 12).

II- Les OGM : un appel à la prudence

On connait la position idéologique de José Bové sur le sujet. Nous en resterons à quelques pistes de réflexions que nous propose l'Église qui peuvent être approfondies sur le site ordinatissima.com :

Les OGM sont-ils dangereux ?

 Certes, les avis exprimés par l’Académie pontificale des sciences et ses membres n’engagent qu’eux-mêmes et l’Église n’a aucune autorité en matière de vérité scientifique. Il n’empêche qu’il n’est pas anodin que Werner Arber, président de l’Académie soit intervenu en personne au synode du 13 octobre 2012, devant 259 évêques, pour leur parler des OGM :

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« L’Académie pontificale des sciences a dédié une semaine d’études en mai 2009 à ce thème, avec une attention particulière aux plantes transgéniques pour la sécurité alimentaire dans le cadre du développement. Notre Académie a conclu que les méthodes récemment adoptées dans la préparation des organismes transgéniques suivent les lois naturelles de l’évolution biologique et ne comportent aucun risque lié à la méthodologie de l’ingénierie génétique. »

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 Quelles sont donc les approches qui conduisent l’Église à ne pas condamner formellement les OGM ?

Les OGM sont-ils contre-nature ?

Sur le plan éthique, la technique des OGM n’est donc pas à rejeter. Au contraire, le Compendium dit apprécier

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« les avantages qui résultent — et qui peuvent résulter encore — de l’étude et des applications de la biologie moléculaire, complétée par d’autres disciplines comme la génétique et son application technologique dans l’agriculture et dans l’industrie ».

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Toutefois, il est important de réaffirmer le concept de juste application, car « nous savons que ce potentiel n’est pas indifférent : il peut être utilisé pour le bien de l’homme comme pour son avilissement ». Voilà pourquoi « il est [...] nécessaire de conserver une attitude de prudence et d’être très attentifs à la nature, aux finalités et aux styles des diverses formes de technologie appliquée [2] ».

C'est pourquoi le Compendium de la doctrine sociale de l’Église insiste sur les conditions d’application des biotechnologies : « La technique correctement appliquée pourrait constituer un précieux instrument pour résoudre de graves problèmes, à commencer par ceux de la faim et de la maladie, grâce à la production de variétés de plantes améliorées (Compendium DSE, 458). »

Le Compendium sait que, par leurs décisions, « les entrepreneurs et les responsables des organismes publics intéressés peuvent orienter les développements dans le secteur des biotechnologies vers des objectifs très prometteurs en matière de lutte contre la faim, en particulier dans les pays les plus pauvres » (Compendium, 478).

Ne pas se réjouir trop vite

On ne peut donc que rejoindre le Compendium qui appelle les hommes de science à utiliser « vraiment leurs recherches et leur habilité technique au service de l’humanité », en sachant les subordonner « aux principes et valeurs d’ordre moral qui respectent et réalisent la dignité de l’homme dans toute sa plénitude (Compendium, 458) ».

C'est pourquoi il n'y a pas dans le Compendium une condamnation en bloc des OGM, mais une recommandation pour une mise en œuvre prudentielle et ajustée, selon les cas.

 Une sensibilité écologique ne doit pas se réjouir trop vite d'une déclaration de José Bové contre la PMA pour les personnes homosexuelles. Le problème ne peut pas être réduit à une simple déclaration d’intention, toute positive qu’elle soit, mais destinée, avant tout, à relancer un discours idéologique contre les OGM.

 

Stanislas de Larminat est ingénieur agronome, diplômé de IIIe cycle de bioéthique, auteur de deux ouvrages sur l'écologie : Contrevérités de l’écologisme (Éditions Salvator, 2011) et L'écologie chrétienne n'est pas ce que vous croyez (Éditions Salvator, 2014).

 

 

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[1] Le lecteur intéressé par plus de détails pourra se reporter au site ordinatissima.com
[2] Compendium de la doctrine sociale de l'Église, § 458.