Après avoir montré qu’il manque aux politiques « une vision anthropologique globale, systémique et cohérente de l’écologie », Jean-Marie Le Méné trace les axes d’une véritable écologie humaine.
Refuser la banalisation de l’IVG
Trop de problématiques de santé, sociétales, scientifiques sont encore appréhendées à notre époque à l’aune des repères relatifs à l’avortement qui datent des années 70.Il faut admettre que l’on s’est beaucoup trompé dans les années 70. L’avortement n’est pas un marqueur du progrès de la société. C’est un suicide collectif dont on voit les conséquences, par exemple, dans le déséquilibre du système des retraites. Il serait temps de lever les tabous.L’IVG n’est pas non plus un curseur démocratiquemais plutôt une remise en cause permanente de la première règle de base de la société, une infraction continuelle au pacte social : « il est du devoir du souverain de protéger les citoyens ».La lutte contre la peine de mort dans les années 80 a été un modèle de détermination politique - contre l’opinion - qui n’a souffert d’aucune exception. Tout est donc possible.
En 2012 le paysage a changé, les référents des années féministes ont vieilli :
- Il est urgent de faire émerger et de concrétiser un refus de la banalisation, de la revendication d’un droit, de sa promotion politique et de son affichage médiatique régulier.
- En 2011, la mortalité routière représente 1,8 % de la mortalité due à l’avortement. Pourtant, on ne nous épargne ni les images, ni la culpabilisation, ni une prévention routière coercitive. Pourquoi cette distorsion de traitement ?
- Toutes les études montrent que la contraception ne réduit pas l’avortement. Elle le rend au contraire inéluctable en cas d’échec. Pourquoi se rendre sans réflexion aux arguments commerciaux des firmes pharmaceutiques ?
- Il faut en 2012 afficher une politique d’aide aux femmes enceintes en difficulté dans le but de réduire la prévalence de l’avortement qui augmente notamment chez les femmes jeunes. Informer sur la réalité, les conséquences de l’avortement et l’objection de conscience est un devoir moral.
- Un homme politique français sera-t-il capable de dire « stop » à l’idéologie dominante du « Planning familial » alors que l’Allemagne prépare une prime pour les parents prêts à renoncer à travailler pour garder leurs enfants ?
Pour une politique de soulagement de la douleur
Le principe de la médecine, c’est d’abord de ne pas nuire et ensuite de soulager la douleur. Le développement de la connaissance scientifique ne justifie pas l’effacement de la morale.Il importe donc de restreindre le développement d’une médecine du désir, du confort, du fantasme, qui rencontre davantage d’intérêts financiers que d’intérêt pour la santé (voir les scandales du Médiator, des prothèses PIP, etc. qui sont des crises morales plus que sanitaires). Tel est le cas surtout pour toute l’ingénierie procréatique qui n’est pas une victoire de la médecine mais un triomphe de la techno-science et du marché.
En tout état de cause, l’acte de donner la mort et de disposer de la vie d’un être humain n’est jamais un acte médical ni scientifique, c’est un acte politique que l’on a fait porter par médecins et scientifiques. Dès lors :
- Le Diagnostic Préimplantatoire (DPI), de même que le DPI-HLA (création de bébés médicaments), qui consiste à trier les embryons en gardant les « bons » et en rejetant les « mauvais » devrait être considéré comme une pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes, interdite par l’art. 16-4 du code civil.
- La recherche sur l’embryon est en principe interdite mais la loi de bioéthique de 2011 a élargi les possibilités de déroger à cet interdit pour modéliser des pathologies et cribler des molécules. Cette transgression est injustifiable puisque le besoin des laboratoires peut être satisfait avec l’usage d’autres cellules qui ne posent aucun problème éthique.
- La création d’embryons en nombre supérieur à ce qui sera implanté aurait dû être interdite depuis longtemps pour ne pas tenter les techniciens indélicats.
- L’euthanasie – quelque soit l’âge ou la pathologie du sujet – n’est pas non plus un acte médical.
Bannir la sélection eugéniste (diagnostics avant la naissance)
La vision eugéniste, qui empêche l’acceptation de l’autre et son intégration, a été consacrée par les trois lois de bioéthique de 1994, 2004 et 2011. L’article 16-4 du code civil qui interdit toute pratique eugéniste tendant à la sélection des personnes n’a jamais été appliqué.Depuis la loi de bioéthique de juin 2011, pour la première fois, la loi oblige tous les médecins à délivrer à toutes les femmes enceintes une information sur le dépistage prénatal de la trisomie 21 permettant de détecter tous les enfants trisomiques et d’avorter à tout moment.Le consentement éclairé de la femme est une circonstance aggravante puisqu’il s’agit de détruire,par l’interruption médicale de grossesse, cet enfant-là en raison de son handicap.
Avant la loi de 2011, les médecins pratiquaient déjà cette sélection, ce qui aboutissait à l’avortement de 96 % des enfants trisomiques. Au cours des débats, un parlementaire s’est d’ailleurs demandé pourquoi il en restait encore 4 %… Dès lors, assortir cette pratique d’une obligation légale nous fait passer d’un eugénisme de fait à un eugénisme de droit.Les médecins généralistes – nonplus seulement les spécialistes de la naissance - sont inquiets car ils sont maintenant en première ligne et devront rendre des comptes à la justice des efforts déployés pour ne plus faire naître d’enfants indésirables. Ils passent désormais d’une obligation de moyens à une obligation de résultats.
Il faut bien réaliser le caractère inédit de ce dépistage prénatal généralisé de la seule trisomie 21 pour lequel il n’y a pas de demande de la population (mais une offre des laboratoires qui leur rapporte 200 M€/an financés par l’assurance maladie), pas de facteur de risque a priori, pas de prévention et pas de bénéfice pour l’intéressé, puisqu’il est avorté dans la plupart des cas. Cette destruction d’un groupe, sélectionné par son génome, en exécution d’un plan concerté, signe une politique eugéniste qui n’a rien à faire dans une société civilisée.Le cas particulier de la trisomieaujourd’hui, pathologie symbolique, est précurseur des pratiques qui s’appliqueront aux autres pathologies demain.
Il est urgent de revenir sur ces dispositions :
- en libérant le monde de la santé de cette obligation indigne de l’art médical et d’une politique sociale ;
- en consacrant à la recherche et à la prise en charge les sommes consacrées chaque année à ce qu’il faut bien appeler une chasse au faciès.
En matière d’écologie humaine, il n’y a pas de solution technique à la folie des hommes.
Jean-Marie Le Méné est président de la Fondation Jérôme Lejeune.
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