Profanations, condamnations : le temps des États voyous
Article rédigé par Yves Meaudre, le 02 juillet 2010

L'Église catholique n'en a pas fini avec les attaques outrancières : la profanation de la tombe du cardinal Suenens par des policiers belges, la cour suprême américaine foulant le droit régissant les États souverains en confirmant de fait la décision d'une cour d'appel de lever l'immunité du Saint-Siège, nous rappellent les pratiques impudentes des régimes païens totalitaires du XXe siècle. Le cardinal Bertone a qualifié avec courage ces comportements de pratiques de vieux régimes communistes .

Derrière une jurisprudence de marchand de tapis , les juges couverts par leurs États remettent au goût du jour des méthodes de voyous. Au Vietnam, l'État libère des repris de justice, les encadre pour les envoyer, appuyés par des chiens d'attaque, tabasser les chrétiens qui réclament la jouissance de la propriété de leurs lieux de culte. Ces violences seraient justifiées pour rétablir la paix publique . Sous harcèlement et persécution nuit et jour, l'archevêque d'Hanoï a démissionné.
Si on suit l'odieuse accusation américaine contre le pape (pour une affaire de prêtre pédophile dans l'Oregon), on pourra inculper demain le ministre des Sports et le chef de l'État dès qu'un professeur de sport sera impliqué dans une affaire de mœurs. Les ministres américains devraient réfléchir. Il faut en effet qu'ils se rappellent des chiffres qui ne sont pas de la même échelle : Pour les cinquante ans écoulés — on remarquera que la loi élémentaire de la prescription n'est plus respectée — sur 100 prêtres accusés, il y a eu 6.000 professeurs d'éducation physique condamnés ! (cf. l'étude de John-Jay College of criminal justice, City University of N.Y).
Je serais M. Obama, je ne dormirai pas la nuit car dès qu'un fonctionnaire volera un carambar dans une épicerie il risquera de se trouver devant les tribunaux !
Dangereuse candeur
Une fois écrit cela, il est vrai que l'Église américaine a été naïve. Généreuse, mais naïve d'accepter d'indemniser des victimes pour des actes commis par un adulte autonome, créant une jurisprudence calamiteuse de responsabilité collective. Naïve de céder à la pression mercantile de cabinets d'avocats cupides et sans scrupule. Naïve, plus gravement, en laissant certains évêques imprégnés de relativisme moral et d'idéologie freudo-marxiste, considérer que toute faute n'est pas personnelle mais le résultat du conditionnement de la société. Ce qui n'est pas totalement faux, mais ce raisonnement poussé jusqu'au bout, comme le veut le principe marxiste, retire toute responsabilité personnelle et accuse la société. Nous y sommes. L'accusation se déplace sur la potentialité délictueuse de notre appartenance à une catégorie supposée criminelle a priori : l'Église.
Dans la bourrasque, notre pape est extraordinaire d'autorité. On a l'impression qu'il est le seul à émerger par la liberté de sa parole et la force de ses propos. Il est confronté à de nouvelles violences comparables à celles en cours lors de la montée du nazisme. Nous sommes face à des rustres ivres de leur puissance juridique ou policière. Ils croient en toute certitude jouer les Starsky et Hutch dans un scenario à la Da Vinci Code ! Une sorte d'adolescents en plein délire dans l'univers fantasmagorique d'un jeu de rôle , passant sans conscience du roman virtuel au réel.

L'inquiétant proverbe : On sait comment cela commence on ne sait jamais comment cela se termine ne peut être retenu, car on sait malheureusement comment cela se termine ! La persécution montera régulièrement d'un cran, habituant la population par dose progressive à l'idée que le droit doit s'adapter aux sanctions pour des criminels catégoriels. Certains jeunes prêtres m'ont avoué qu'on les avait menacés. À quand la croix jaune ?
Les chrétiens doivent se guérir de toute ingénuité. La réaction du porte-parole du diocèse de Bruxelles et de la conférence épiscopale Eric De Beukelaer critiquant le secrétaire d'État du Vatican est typique d'une certaine candeur. On croit apaiser la bête en lui reconnaissant une légitimité à exercer une puissance sans limite. Cette limite a été scandaleusement franchie comme elle l'avait été franchie en termes de droit dans l'affaire d'Outreau. On consent aussi à reconnaître une certaine légitimité à des actes qui sont objectivement inacceptables et qui doivent être dénoncés comme tels... sous prétexte que nous sommes tous pécheurs.
Cette manière de voir est une tentation. Il y a une sorte de confusion entre la vocation au martyre qui est un appel personnel et celui de la responsabilité collective qui est d'ordre politique. On a pu constater l'ambivalence de quelques prélats et de laïcs prenant leur distance avec les AFC qui voulaient faire interdire le festival Helfest. Lors de ce rassemblement dont le nom situe déjà l'esprit, des phrases absolument terrifiantes et insupportables sont énoncées, des phrases qui, si elles étaient prononcées contre la communauté juive ou musulmane provoqueraient — à juste titre — l'interdiction immédiate du préfet et la condamnation unanime de toute la classe médiatico-politique, chef de l'État en tête.
Ce courant est porté par des personnes sincères et souvent admirables. Elles pensent qu'il faudrait faire comprendre aux chanteurs de ce rassemblement, par la douceur et le respect, que Jésus les aime — ce dont nul ne doute. Il faudrait d'abord faire une lecture au premier degré de l'Évangile. Celui-ci met dans la bouche du Christ des mots d'une rare violence si on les situe dans le contexte oriental. Il y a un temps pour dire des vérités insupportables à notre monde aujourd'hui, avec la perspective du martyre qui nous fait peur, et un temps pour exiger le respect d'une communauté qui n'est pas négociable : la communauté chrétienne et ses serviteurs (les prêtres). Cette attitude est d'ordre politique (usage de la force et du droit).
La vertu de force...
Si le cardinal Bertone rappelait son légat de Bruxelles, il serait dans son droit. L'État belge ou ce qu'il en reste a le devoir de s'excuser et de réparer un affront digne de toutes les dictatures passées ou présentes, affront ignoble, excessivement violent et d'une rare idiotie. Les explications du ministre de la Justice Stefaan De Clerck, estimant ne pas avoir été surpris par les perquisitions (photo) était lamentable d'indignité. Elles sont inadmissibles en Europe. Malheureusement, cette insulte faite à l'Église est une fissure dans le barrage du droit. La poussée de la haine jointe à la pusillanimité des bons va forcer le mur.
Les chrétiens doivent méditer sur la vertu de force. Ils doivent méditer sur le principe de résistance comme nous y invitent si courageusement les chrétiens du Vietnam qui ont lu l a Cité de Dieu. Ils doivent comprendre qu'ils vivent dans un monde de plus en plus hostile au Christ et à Rome. Le monde réclame qu'un sang impur abreuve les sillons . Ce monde est autiste et indifférent au message d'amour et de paix dont les innocents sont les courageux témoins. Il importe aussi de penser en termes politiques, c'est-à-dire en termes de rapports de force : on ne lutte pas avec les armes de ses adversaires, on sert le bien commun envers et contre tout, mais on se fait respecter. Jamais l'Église n'a cédé sur la liberté religieuse.
... et de prudence
On sait combien la presse chrétienne, à quelques exceptions près, a été maladroite à traiter le dossier de la pédophilie avec la meilleure intention du monde. Quand pendant huit mois, tous les jours que Dieu fait, le même journaliste reprenant les dépêches de l'AFP révèle des histoires atteignant l'honneur des prêtres, il croit rendre hommage à l'objectivité. Il ne soupçonne pas qu'en livrant régulièrement cette information sans considération de temps, sans faire de distinction entre la mise en examen, l'inculpation, l'accusation et la condamnation, c'est comme un goutte-à-goutte qu'on injecte dans l'inconscient, notamment des plus jeunes, qui sont amenés à croire que la pédophilie est un véritable problème de comportement d'Église.
Pour avoir pratiqué pendant vingt-huit ans les pays de non-droit, je crois pouvoir affirmer l'extraordinaire morgue et habileté des hommes de ces pouvoirs. Un ministre d'un de ses pays très réputé avec qui la France entretient des relations privilégiées me disait au sujet des minorités Hmongs chrétiennes génocidées : C'est la loi de la nature, les faibles doivent disparaître car seuls les forts peuvent bâtir ! Je lui ai rappelé que c'était des théories en cours il y a soixante-dix ans. Rien à voir , me répondit-il de façon péremptoire. Je sais par de nombreux témoins que des hommes trouvent une jouissance extrême à humilier et à détruire leurs prochains, en s'attaquant de préférence aux plus faibles et aux innocents.

Et si on laisse chanter publiquement aujourd'hui qu'il faut saigner les prêtres comme on saigne des porcs , c'est que demain ceux qui vocifèrent ces injures passeront aux actes. Il faut prendre très au sérieux ces paroles qui ne sont pas des jeux de provocation mais, comme en 1933, les prémices d'une violence qu'on inculture.
Les chrétiens (évêques en tête) doivent s'organiser, ils doivent s'équiper en utilisant fermement le droit et la contrainte. Ils ne doivent pas se laisser prendre au piège d'une miséricorde sans justice et sans honneur. Solidarnosc a été un exceptionnel exemple d'une juste utilisation de la relation de force et d'opposition physique face à des médias sous les ordres d'un État voyou qui usait de la calomnie et du terrorisme.
Aujourd'hui, nous sommes encore en France sous l'administration d'un État neutre, démonétisé pour son indifférence morale. Demain, il sera balayé et remplacé par une autorité qui sera ouvertement opposée à l'Église. Aurons-nous anticipé ? Serons-nous prêts ?
***