Liberté scolaire : vive inquiétude des chefs d'établissement catholique
Article rédigé par Emmanuel Tranchant, le 22 décembre 2006

Les chefs d'établissement de l'Enseignement catholique sont mécontents. L'application de la loi Censi pour le mouvement annuel des maîtres a donné lieu à une circulaire du ministère de l'Education nationale très menaçante.

Signée le 24 novembre 2006 par le directeur des affaires financières, Michel Dellacasagrande, cette circulaire impose des règles administratives rigides pour le recrutement des professeurs et restreint de façon drastique la possibilité de choix des chefs d'établissement.

Le Syndicat national des chefs d'établissement de l'enseignement libre (SNCEEL), le plus représentatif, y voit une menace réelle sur le principe même de liberté d'enseignement. Son vice-président, Yves-Jean Thomas, en appelle au devoir de vigilance pour ne pas glisser vers une intégration progressive de nos établissements... Nos établissements sont à la base de l'Institution, ajoute-t-il, et il nous faut défendre sans cesse l'idée que le chef d'établissement en est le cœur vivant, le défenseur d'une liberté réelle et aujourd'hui menacée (Fiches syndicales n° 618). Le même Y.-J. Thomas constate que l'écart entre nos établissements et les établissements publics se réduit comme peau de chagrin tandis qu'un autre vice-président, Philippe Mignot, conscient des difficultés et de l'inquiétude partagées par de nombreux collègues qui expriment le sentiment d'avoir perdu la maîtrise des opérations , invite ses confrères à reprendre la main (Fiches syndicales n° 619).

De concession en concession

Cela semble à beaucoup une surprise quand ce n'est que le résultat de la politique du cliquet menée par le Secrétariat général de l'enseignement catholique depuis les accords Cloupet-Lang : de concession en concession, l'alignement administratif induit par le statut public des maîtres de l'enseignement sous contrat entraîne l'érosion de l'autorité des directeurs et pose à frais nouveaux la question du caractère propre dont ils sont les principaux garants.

Il faut se souvenir que la Loi Debré reconnaît le chef d'établissement et lui seul comme responsable légal et seul interlocuteur du rectorat qui signe le contrat avec lui. L'interface des directions diocésaines, qui n'ont aucun pouvoir légal, a puissamment contribué à éroder l'autorité des directeurs avec la complaisance des autorités académiques qui voient beaucoup d'intérêt à ce filtre.

Toujours est-il que la situation nouvelle met en lumière le nivellement du système éducatif : les établissements ne sont plus choisis par les enseignants pour leur projet pédagogique ou éducatif et moins encore pour le charisme particulier d'une congrégation, ni les professeurs choisis par les chefs d'établissement pour constituer des équipes motivées : exit la notion de projet. Seuls prévalent les critères abscons qui font du professeur une variable d'ajustement en ressources humaines dans un système éducatif de plus en plus bétonné. Nous revendiquons le droit d'opérer un choix entre plusieurs candidats , demande Philippe Mignot, ce qui est bien la moindre des libertés.

Déni d'autorité

Le déni de l'autorité des directeurs est un signe supplémentaire de la crise d'identité de l'enseignement catholique. La réflexion des évêques à Lourdes et les propositions de Mgr Cattenoz pour Avignon s'y réfèrent sur des registres différents. On pourra trouver irréaliste le projet de Charte diocésaine de l'archevêque d'Avignon, notamment au regard de la Loi Debré, mais il contient une parole prophétique dont on aurait tort de négliger la substance.

Cette parole ne doit pas occulter le travail de fond réalisé par les instances de l'Enseignement catholique et par son actuel secrétaire général, Paul Malartre, pour remettre sur l'ouvrage le caractère propre concédé in extremis par la Loi Debré. Il est en tout cas significatif que la question de l'enseignement préoccupe à nouveau nos évêques. Ils avaient un peu oublié la place que leur réservent les statuts de 1992 dans le gouvernement de l'enseignement diocésain : la première.

La bataille du caractère propre

J'oserai avancer, disait Paul Malartre en 2000, que le caractère propre, c'est, en communauté éducative, de vouloir vivre un certain sens de la personne de l'élève éclairé par l'Evangile. Ce qu'explicite Marguerite Léna comme la manière libre, conséquente et responsable de penser et de mettre en œuvre la tâche d'éducation dans le cadre scolaire, reposant sur le fondement immuable de la foi en Jésus-Christ (Fiches syndicales du SNCEEL n° 618).

La mission de l'école catholique est vaste : ouverte à tous, elle doit déployer son offre auprès de tous ceux qui ont besoin de son expertise éducative. C'est un vaste champ à réensemencer qui ne doit pas masquer le besoin de former des élites à travers une culture chrétienne aujourd'hui exténuée par la forte osmose du relativisme pratique dans le système éducatif.

Car c'est l'école de l'intériorité, battue en brèche par le barnum médiatique, que doit revendiquer aujourd'hui l'enseignement catholique. Sa liberté l'autorise à remettre à l'honneur les humanités, ferment de la culture chrétienne, à développer cette piété envers les chefs d'œuvre dont se sont affranchies les pédagogies à la mode. Et dans certains établissements, à faire une proposition plénière d'éducation chrétienne : la prière quotidienne, les sacrements et la vie liturgique sont des moyens éducatifs dont l'école catholique ne peut faire l'économie. Elle doit répondre aux demandes pluralistes de l'Église et de la société et sans doute lui faudra-t-il inventer de nouveaux types d'établissements.

Plus que jamais, les chefs d'établissement doivent être des créateurs d'écoles .

COMMUNIQUE

La Communion Missionnaire des Educateurs

tiendra son congrès annuel les samedi 27 et dimanche 28 janvier 2007 au lycée Saint-Jean-de-Passy (Paris XVIe), sur le thème :

Des éducateurs chrétiens, pour quoi faire ?

Educateurs, nous n'avons plus le droit de garder notre foi comme un trésor à usage privé, ou comme une option facultative pour la génération suivante. Quand "le désert croît", il faut se faire sourcier des nappes profondes (Marguerite Léna).

Interviendront notamment :

■ Fabrice Hadjadj, philosophe : Eveiller le goût de la vérité, un défi pour l'éducation.

■ Xavier Lacroix, philosophe et théologien : Pour une éducation à la responsabilité affective.

■ Xavier Dufour, philosophe : Les enjeux de la culture religieuse.

■ Père François Potez : L'accompagnement spirituel.

Renseignements :

Communion Missionnaire des Educateurs

18, rue de la Glacière - 75013 Paris

Tél. 06 63 79 15 16

E-mail : communioneduc@free.fr

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