Écologie : les outrances du Vert extrême
Article rédigé par Tugdual Derville*, le 08 décembre 2009

Quelques jours avant l'ouverture de la conférence de Copenhague, les ultra-écologistes de Greenpeace ont défié les institutions démocratiques en manifestant au sein même de l'Assemblée nationale. Cette propension à l'outrance ne sert sûrement pas la cause du respect de la nature, mais montre à quoi peut conduire l'extrémisme écologique.

Les larmes aux yeux, Catherine Lemorton, député PS, se désole d'avoir été abusée . Des inconnus lui avaient demandé des billets d'entrée pour assister, à l'Assemblée nationale, au débat précédant la réunion internationale de Copenhague sur le climat. Mais c'étaient des activistes de Paixverte .
Profitant de la bonhomie de la République, ceux que Christian Jacob (UMP) nomme les clowns ont donc fait leur cirque en manifestant dans l'hémicycle le 2 décembre, après être montés sur le toit du Palais Bourbon. La jeune Karine Gavand, chargée de la campagne climat-énergie de l'organisation, a même osé descendre dans l'espace réservé aux députés, à l'aide d'une corde, tandis que des complices, restés au balcon du public, tentaient de déployer leur banderole jaune. Slogan savamment choisi par une armée de communiquants : Aux actes, Monsieur le président.
Mince exploit sportif (un saut aurait suffi) mais retentissement médiatique garanti. Comme pour la récompenser d'avoir fourni une actualité spectaculaire, Karine Gavand est aussitôt invitée au journal de 13 heures de France 2, pendant que ses amis ont tout loisir de justifier leur coup d'éclat sur les ondes. À les entendre, la maison du peuple appartient à leur comité de salut public puisqu'eux seuls savent quel défi l'humanité doit relever, et comment.
Après s'être offert des minutes gratuites de télévision publique, ils continueront, ces prochains jours, à être reçus avec déférence par les plus hautes autorités de l'État. La République, bonne poire, s'est habituée à courber l'échine devant ceux qui bafouent ses principes. Que les naïfs qui voudraient imiter Paixverte, parce qu'ils pensent défendre une noble cause – par exemple la protection de la vie humaine déjà conçue – ne s'enflamment pas trop vite : seule la terreur climatique (dont le mobile reste à prouver) autorise aujourd'hui qu'on mette impunément la démocratie entre parenthèses.
Certes, les députés sont choqués. Quelques collègues Verts, en applaudissant leurs amis, ont accentué leur malaise. Surtout Noël Mamère, car l'ancien présentateur du journal télévisé en a rajouté dans la provocation. La plupart des élus ont donc dénoncé l'irruption verte, et le président de l'Assemblée nationale a porté plainte contre l'organisation écologiste. Bernard Accoyer juge son comportement violent, insupportable, extrémiste et anti-démocratique . Mais c'est ailleurs, dans les médias, que tout se joue. Or, il est facile de surfer sur l'antiparlementarisme en opposant à l'image insipide d'un député lisant son journal en séance celle d'un coup de force télégénique, avec son slogan réducteur.
Visage totalitaire
Habituée à transgresser la loi, Paixverte a tout de même franchi un nouveau pas en défiant ceux qui la font. Et l'organisation a pris le risque de montrer son visage totalitaire. En démocratie, manifester est un droit qui s'exerce à l'extérieur des enceintes parlementaires. Pour ceux qui respectent les règles, les hémicycles sont sanctuarisés. On y débat – parfois durement – mais sans subir de pression directe. Chaque député est appelé à représenter la nation tout entière, en son âme et conscience : il doit être protégé des minorités agissantes.
Certes, le public peut entrer dans l'Assemblée nationale : une partie du balcon lui est réservée. Un député peut offrir des billets à qui le lui demande. Il suffit ensuite de montrer ses papiers d'identité et de franchir un portique de sécurité. On s'assoit alors, mais en silence, avec interdiction de parler, de contester ou d'exprimer le moindre assentiment. Ceux qui se laisseraient entraîner par les réactions de certains députés en se joignant à leurs applaudissements ou huées sont rappelés à l'ordre et éconduits illico par des huissiers vigilants. C'est le jeu.
Enfants gâtés de la République, certains écologistes savent que tout leur est permis, y compris de cracher dans la soupe. Résultat : il sera désormais difficile au sage citoyen d'assister au débat démocratique. On le fouillera au corps (la militante a caché sa corde en faisant croire qu'elle était enceinte...). Ceux qui ont choisi comme fonds de commerce la provocation de la puissance publique dénonceront la dérive sécuritaire dont ils sont responsables. Mais s'ils étaient au pouvoir, que ferait leur police verte de nos libertés ?
*Tugdual Derville est délégué général de l'Alliance pour les droits de la vie.
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