Churchill
Article rédigé par , le 11 septembre 2008 Churchill

Géant du XXe siècle, Winston Churchill (1874-1965) a profondément marqué l'histoire de son temps, au point d'entrer de son vivant dans la légende. L'œuvre du " Warlord " d'une Angleterre seule en guerre, entre 1940 et 1941, face à l'Allemagne hitlérienne a ainsi été érigée en épopée.

" Contribuer à restituer la figure du vrai Churchill " constitue donc une œuvre ambitieuse. C'est la tâche que s'est fixée François Bédarida qui tentant de démêler " l'entrelacs qui s'est opéré très tôt entre l'histoire et le mythe ". Directeur de recherche au CNRS et fondateur de l'Institut d'histoire du temps présent, l'auteur livre une analyse talentueuse d'une carrière politique exceptionnellement longue : près de 65 ans !. Il présente avec pénétration les échecs et les ambiguïtés comme les succès remarquables de son sujet.L'auteur met en exergue les " ambiguïtés " churchilliennes. Politicien ambitieux, Churchill n'a pas hésité à pratiquer des retournements d'alliance qui furent tenus pour de véritables trahisons par ses collègues parlementaires et lui valurent des haines tenaces. Élu comme député conservateur en 1900, il rejoint ainsi les bancs libéraux en mai 1904. Son tempérament impulsif, lui a fait prendre des décisions gravement erronées. Ainsi, durant la Première Guerre mondiale, alors qu'il était Premier lord de l'Amirauté, il se fit l'ardent promoteur de l'expédition maritime des Dardanelles. L'opération visait à s'emparer de la péninsule de Gallipoli puis à prendre le contrôle de Constantinople. Poursuivant un objectif d'un intérêt stratégique incertain (en quoi la chute de Constantinople pouvait-elle provoquer la défaite de l'Allemagne ?), mal préparée et mal exécutée, l'expédition (18 mars 1915-8 décembre 1915) se solda par un fiasco pour les Alliés : 250000 morts, disparus, blessés et malades... Même s'il ne fut pas seul en cause, Churchill, qui a été l'un des principaux promoteurs du projet et qui a fit preuve d'une énergie brouillonne dans cette affaire, a porté une lourde responsabilité dans un échec qui le hanta toute sa vie.Capable de démesure, Churchill est en même temps un homme à l'énergie et aux intuitions peu communes. D'où de remarquables succès, qui l'ont fait entrer de plain pied dans l'Histoire. L'un de ses grands mérites est d'avoir fait preuve d'une lucidité politique hors du commun dans les années 1930. Il a saisi, dès 1933, que l'arrivée au pouvoir d'Hitler mettait en péril l'ordre international. C'est pourquoi, il défendit une politique d'alliance solide avec la France et prôna avec vigueur le réarmement. Cette profondeur d'analyse le conduisit à critiquer avec force les accords de Munich : " Nous venons de subir une défaite totale et absolue " dit-il à la Chambre.Devenu Premier ministre le 11 mai 1940, Churchill a joué un rôle essentiel dans la poursuite de la guerre, par la Grande-Bretagne, après la défaite franco-britannique sur le continent. Une partie de la classe politique anglaise, notamment Lloyd George, envisageait, en effet, à l'été 1940, la conclusion de la paix avec l'Allemagne, via Mussolini. C'est Churchill qui a défendu et imposé la politique de résistance à outrance, comme le souligne Norman Brook, membre du secrétariat général du cabinet : " Sans Winston, le pire aurait pu arriver " (p. 297). À partir de 1941, il a été, au nom de la realpolitik, l'artisan de la grande alliance entre la Grande-Bretagne, les États-Unis et l'URSS.Orateur hors pair, Churchill a fait montre d'une capacité sans pareil à galvaniser les énergies grâce à la rhétorique. Il a su mobiliser la langue anglaise au service de la lutte contre l'Allemagne, à travers de multiples discours devenus fameux. Par exemple, il déploie sa maîtrise du verbe à la Chambre des communes, au lendemain du rembarquement de Dunkerque : " Même s'il y faut des années, même si nous sommes seuls [...], nous ne fléchirons pas, nous ne faillirons pas. Nous marcherons jusqu'au bout, nous nous battrons en France, nous nous battrons sur les mers et sur les océans, nous nous battrons dans les airs avec une force et une confiance croissantes, nous défendrons notre île quel qu'en soit le prix [...], nous ne nous rendrons jamais " (discours du 4 juin 1940, cité p. 291).La biographie que signe François Bédarida constitue un livre de haute tenue, grâce à la grande richesse d'information et à la parfaite connaissance de l'Angleterre contemporaine sur lesquelles s'appuie l'auteur. Très vivant, l'ouvrage fait revivre, avec brio et sans complaisance, un personnage hors norme dont De Gaulle disait : " Dans le grand drame, il fut le plus grand. "ARNAUD LIZEArticle paru dans Liberté Politique N°13

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