Article rédigé par Le blog de Jeanne Smits, le 07 mai 2021
Source [Le blog de Jeanne Smits] Le pape François vient de faire publier son message pour la 107e Journée mondiale du migrant et du réfugié, célébrée le 26 septembre prochain, pour inviter le monde à aller « vers un nous toujours plus grand ».
Il y décrit le projet de Dieu pour l’humanité, faisant référence à la Genèse : « Dieu nous a créés homme et femme, des êtres différents et complémentaires pour former ensemble un nous destiné à devenir toujours plus grand avec la multiplication des générations. Dieu nous a créés à son image, à l’image de son Être Un et Trine, communion dans la diversité. »
Et d’ajouter : « … lorsque, à cause de sa désobéissance, l’être humain s’est détourné de Dieu, celui-ci, dans sa miséricorde, a voulu offrir un chemin de réconciliation non pas à des individus, mais à un peuple, à un nous destiné à inclure toute la famille humaine, tous les peuples : “Voici la demeure de Dieu avec les hommes ! Il habitera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu.” Voilà qui renvoie à un leit-motiv récent dans les déclarations pontificales : « personne ne se sauve tout seul, (…) il n’est possible de se sauver qu’ensemble », et ce serait la leçon de la « récente pandémie » pour atteindre « la paix, le bien, la sécurité et le bonheur ». C’est une vision horizontale du salut, et un oubli, au mieux, et une contradiction, au pire, de cette vérité : la Rédemption et le salut éternel sont offerts aux personnes, individuellement, le Christ meurt en Croix pour chacun d’entre nous, pour vous et pour moi, donnant la dernière goutte de son Précieux Sang pour que vous, pour que moi, puissions accéder personnellement à la vie éternelle à condition d’accueillir et de répondre à sa grâce.
Et voilà donc le rêve du pape exprimé dans ce message : « En réalité, nous sommes tous dans le même bateau, et nous sommes appelés à nous engager pour qu’il n’y ait plus de murs qui nous séparent, qu’il n’y ait plus les autres, mais un seul nous, aussi grand que toute l’humanité. C’est pourquoi je profite de cette journée pour lancer un double appel à marcher ensemble vers un nous toujours plus grand, m’adressant d’abord aux fidèles catholiques puis à tous les hommes et femmes du monde. » C’est une utopie et comme toutes les utopies, elle est dangereuse. Dangereuse et trompeuse, lorsque le pape en fait la condition pour accéder à une « Eglise toujours plus catholique », confondant les plans de la « fraternité humaine » sur le plan matériel, et celui de l’incorporation dans le Christ par le baptême et la pratique de la foi en vue de figurer au nombre des élus dans l’autre vie. Une telle confusion répond fondamentalement à l’idée qu’on ira tous au paradis… Comment faire pour répondre au souhait de François ?
« Les fidèles catholiques sont appelés à s’engager, chacun à partir de la communauté dans laquelle il vit, pour que l’Église devienne toujours plus inclusive, poursuivant ainsi la mission confiée par Jésus-Christ aux Apôtres : “Sur votre route, proclamez que le royaume des Cieux est tout proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons. Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement.” » (C’est moi qui souligne.) « Inclusive » : outre que le mot relève de la Novlangue politiquement correcte, avec ses tonalités antiracistes dont on connaît la charge idéologique, il faut noter qu’elle fait de l’Eglise l’agent de l’inclusion, alors que c’est dans un premier temps la personne qui demande le baptême, la foi, la grâce de devenir enfant de Dieu, que l’Eglise alors lui procure en communiquant la grâce du trésor qui lui est confié par le Christ. Heureusement le pape ajoute : « Aujourd’hui, l’Église est appelée à sortir dans les rues des périphéries existentielles pour soigner les blessés et chercher les perdus, sans préjugés ni peur, sans prosélytisme, mais prête à élargir sa tente pour accueillir tout le monde. Parmi les habitants des périphéries, nous trouverons de nombreux migrants et réfugiés, des personnes déplacées et des victimes de la traite, auxquels le Seigneur veut que Son amour soit manifesté et Son salut proclamé. » Passons sur le prosélytisme pour retenir que le pape veut voir le salut du Christ proclamé aux migrants. Cependant la question demeure, au vu du contexte : quel est ce « salut » que l’on proclame ? Le pape poursuit un peu plus loin : « L’avenir de nos sociétés est un avenir “en couleurs”, enrichi par la diversité et les relations interculturelles.
C’est pourquoi nous devons apprendre aujourd’hui à vivre ensemble en harmonie et dans la paix. (…) C’est l’idéal de la nouvelle Jérusalem (cf. Is 60 ; Ap 21,3), où tous les peuples se rassemblent dans la paix et l’harmonie, célébrant la bonté de Dieu et les merveilles de la création. Mais pour atteindre cet idéal, nous devons tous nous efforcer de faire tomber les murs qui nous séparent et de construire des ponts qui favorisent la culture de la rencontre, conscients de l’interconnexion intime qui existe entre nous. Dans cette perspective, les migrations contemporaines nous offrent l’opportunité de surmonter nos peurs pour nous laisser enrichir par la diversité du don de chacun. Ensuite, si nous le voulons, nous pouvons transformer les frontières en lieux de rencontre privilégiés, où le miracle d’un nous de plus en plus grand peut s’épanouir. » Et cela se double, en conclusion d’un message écolo-politique bien plus que d’un appel à la conversion en vue du salut éternel : « Je demande à tous les hommes et à toutes les femmes du monde de faire bon usage des dons que le Seigneur nous a confiés, afin de préserver sa création et de la rendre encore plus belle. “Un homme de la noblesse partit dans un pays lointain pour se faire donner la royauté et revenir ensuite.
Il appela dix de ses serviteurs, et remit à chacun une somme de la valeur d’une mine ; puis il leur dit : ‘Faites-les valoir jusqu’à ce que je revienne’” (Lc 19,12-13). Le Seigneur nous demandera de rendre compte de nos actes ! Mais pour garantir que notre maison commune soit correctement entretenue, nous devons nous constituer en un “nous” toujours plus grand, toujours plus coresponsable, avec la ferme conviction que tout bien fait au monde l’est pour les générations actuelles et futures. Il s’agit d’un engagement personnel et collectif, qui prend en charge tous les frères et sœurs qui continueront à souffrir tandis que nous cherchons à atteindre un développement plus durable, équilibré et inclusif. Il s’agit d’un engagement qui ne fait aucune distinction entre autochtones et étrangers, entre résidents et hôtes, car il s’agit d’un trésor commun, et personne ne doit être exclu de ses soins et bénéfices. »
Décidément, la confusion entre le spirituel et le temporel a encore de beaux jours devant lui.
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