Crise sanitaire, renseignement et guerre économique
Article rédigé par Revue Conflits, le 10 octobre 2020 Crise sanitaire, renseignement et guerre économique

Source [Revue Conflits] Après une crise sanitaire qui n’a pas été vue depuis longtemps (grippe espagnole, deux pandémies de grippe en France, dans les années 1950-1960), et une crise économique sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale, le coronavirus a révélé l’action de tous les services de renseignement de la planète, sous fond de guerre économique.

Si les services de renseignement ont un rôle à jouer dans des situations de pandémie, c’est qu’il en va de la sécurité même de la Nation, et pas seulement en matière sanitaire. C’est pourquoi cette menace a été prise en compte dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013. Si le risque sanitaire comme une pandémie massive est « plus difficile à évaluer, […] leur impact peut être majeur. C’est pour l’État une obligation que d’y faire face »[1].

Le but est non seulement de procéder à une analyse de la situation sanitaire, mais aussi de prévenir des risques annexes aux conséquences funestes : panique de la population, contestation des règles de sécurité imposées pendant cette période, accroissement de la délinquance, et plus encore.

Confronter services de renseignement et Covid-19 ne doit cependant pas être l’objet d’élucubrations. La discussion sur l’origine de ce virus ne saurait souffrir d’affirmations catégoriques, quand bien même le renseignement extérieur britannique (MI6) estime dans un rapport que le coronavirus se serait accidentellement échappé du laboratoire chinois P4 de Wuhan[2]. Ce même laboratoire avait déjà été l’objet d’une alerte en 2018. L’ambassadeur des États-Unis à Pékin avait alors averti le Département d’État, afin de lui signaler l’insuffisance des mesures de sécurité de ce laboratoire.

L’urgence a d’abord été de lutter contre la propagation de l’épidémie. Si la CIA et le Mossad ont travaillé à la collecte des renseignements sur le nombre exact de personnes contaminées en Chine et sur l’origine précise du coronavirus, le renseignement intérieur israélien (Shabak) participa à l’analyse des données dans les smartphones pour cartographier les mouvements des individus contaminés[3].

Les services de renseignement sont donc actuellement sur le pied de guerre, en plus des menaces préexistantes et permanentes : terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, espionnage politique et industriel, et cyberattaques. C’est d’ailleurs sur ces deux derniers points (en lien avec le coronavirus) que les services spécialisés ont dû principalement s’atteler.

Dans un monde globalisé où les économies sont devenues interdépendantes, les conséquences afférentes majeures se sont ajoutées à la crise sanitaire. C’est la raison pour laquelle États et entreprises se livrent une guerre économique acharnée. Chaque État ayant les moyens d’agir participe à ce processus, par exemple l’association de l’État français avec Sanofi, et un investissement à hauteur de 490 millions d’euros pour la recherche d’un vaccin.

Cette guerre économique ne concerne pas uniquement les vaccins, mais aussi les médicaments. Quand le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique a avoisiné les 1 200 milliards de dollars pour la seule année 2019, il n’est pas étonnant que les grands groupes pharmaceutiques (et les lobbyistes) souhaitent avoir leur rôle à jouer face au coronavirus. C’est notamment le cas pour la société Gilead, qui produit le Remdésivir, un antiviral qui serait potentiellement un traitement efficace, avec un coût non négligeable de 2 340 dollars (2 076 euros) pour un traitement de cinq jours.

Le médicament est, en tout état de cause, un outil essentiel dans la guerre économique, surtout avec les pays émergents : « 80 % des médicaments vendus légalement en Europe et aux États-Unis sont fabriqués à partir de principes actifs importés d’Inde et de Chine »[4]. Les pays émergents disposent là d’un atout majeur face aux puissances occidentales, dépendantes de leurs principes actifs.

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[1]Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale 2013, La Documentation française, Paris, 2013, p. 49.

[2]https://www.dailystar.co.uk/news/world-news/top-secret-mi6-dossier-claims-21963975

[3]https://www.asafrance.fr/item/coronavirus-covid-19-et-services-de-renseignement.html

[4]https://www.revueconflits.com/medicaments-guerre-economique-david-simmonet/

10/10/2020 06:00