Article rédigé par Roland Hureaux, le 03 mars 2020
Tou(te)s les excité(e)s qui protestent contre les nominations de Roman Polanski à la cérémonie des César pour son admirable film J’accuse, ignorent sans doute les tenants et des aboutissants géopolitiques de l’affaire.
Au point de départ : Roman Polanski est accusé du viol d’une adolescente de 14 ans dans une réception hollywoodienne de 1977, soit il y a plus de quarante ans. Affaire classée depuis longtemps par la justice américaine non sans que le réalisateur ait versé une indemnité conséquente à la mère de l’adolescente.
Les points obscurs sont nombreux : que faisait cette jeune fille dans ce genre de réception dont on sait comment elle tourne le plus souvent ? S’agit-il vraiment d’un viol ou d’une simple relation sexuelle ? Ne s’agit-il pas d’une manipulation de la mère de la jeune fille pour extorquer le maximum à Polanski, ce à quoi elle est parvenue ? Circonstance atténuante pour Polanski : le choc qu’avait représenté pour lui l’assassinat de sa jeune femme enceinte, Sharon TATE, par le démoniaque Manson quelques années plus tôt (1969).
Toujours est-il que, bien l’affaire soit classée depuis longtemps, elle est réveillée en 2009 par un juge américain qui demande l’extradition de Polanski, résidant en Suisse .
Pourquoi ce cold case est-il soudain sorti du tiroir ? Alors même que la jeune fille, devenue sexagénaire, déclare ne plus en vouloir du tout au cinéaste.
Comme par hasard, la justice américaine (dont l’affaire Alstom a montré aux naïfs qui l’ignoraient la politisation) réveille l’affaire au moment où Polanski termine son tout aussi admirable film : The ghost writer (intraduisible, disons le « nègre). Ce film, sorti en 2010, raconte comment un jeune diplômé est embauché par un ancien premier ministre britannique pour rédiger ses mémoires. Le ghost writer enquête et découvre peu à peu comment toute la carrière du premier ministre a été programmée dès le commencement par les services secrets d’une grande puissance d’outre-Atlantique pour s’assurer du contrôle du Royaume-Uni. Toute ressemblance avec Tony Blair (ou d’autres de ce côté-ci de la Manche) est bien sûr purement fortuite.
Un film essentiel : c’est tout le système de domination de l’Europe occidentale par l’Amérique depuis un demi-siècle qui est mis au jour.
Si ce film avait été l’œuvre d’un obscur cinéaste pour salles d’art et essai, il serait passé inaperçu. Mais là, c’est le grand Polanski, membre à part entière du Système, qui vend la mèche.
Les représailles ne se sont pas fait attendre et si les Européens se sont gardés d’extrader Polanski (encore heureux), sa vie continue d’en être sérieusement empoisonnée, avec la participation d’extrémistes de tout bord toujours prêt(e)s à jouer les soutiers des puissants.
Comme on le voit le fond de l’affaire Polanski n’a rien à voir avec la question féministe, mais tout à voir avec la résistance à l’ordre mondial.
Roland HUREAUX