Article rédigé par Brigitte Lundi, le 26 février 2018
source[Boulevard Voltaire]Et si nous imaginions l’inverse ? Soyons fous !
Le comité Jeanne d’Arc d’Orléans a désigné une jeune Métisse d’origine polono-béninoise pour représenter notre sainte héroïne nationale, Jeanne d’Arc, lors des prochaines Fêtes johanniques à Orléans. L’indignation et la polémique enflent, depuis, sur les réseaux sociaux et les avis sont on ne peut plus partagés entre les pour, les contre, les pourquoi pas, mais sainte Jeanne d’Arc n’était pas colorée, etc. Charlotte d’Ornellas, dans ces colonnes, ancienne Jeanne d’Arc elle-même, a très bien expliqué pourquoi cette jeune fille, Mathilde, française, catholique et – cerise sur le gâteau – guide aux Scouts d’Europe, est tout à fait légitime. Quand il s’agit de célébrer la culture française, on ne regarde pas à la couleur de peau. Quant à la religion, George Michel l’a également très bien expliqué dans un brillant article.
Pour ma part, j’ai quand même tiqué quand l’annonce est tombée. Car il faut bien l’avouer, dans le contexte actuel où tout est fait pour dénigrer la culture chrétienne et européenne, où l’homme blanc est soit un immonde esclavagiste soit un obsédé harceleur et violeur, ce genre d’événement ne vient pas apaiser l’atmosphère mais va bien remettre de l’huile sur le feu. Dans le même temps, on apprend que des productions cinématographiques anglo-saxonnes vous proposent leurs versions de l’histoire et de la culture européennes ; Achille et Lancelot sont joués par des acteurs noirs quand Marguerite d’Anjou, femme d’Henri VI, roi d’Angleterre, sera jouée par une actrice… métisse.
Et si nous imaginions l’inverse ? Soyons fous ! Toussaint Louverture, Marthin Luther King, Rosa Parks ou même Aretha Franklin et pourquoi pas Mao Tsé-toung, l’empereur Hirohito joués par des acteurs blancs ? Cela a un nom, dans les milieux bobo-branchés – l’appropriation culturelle – et cela est fortement déconseillé ou vous serez taxé de raciste voire – pire ! – de négationniste. Non, l’appropriation culturelle est à sens unique ; c’est l’homme blanc qui pique chez les autres ce qu’il n’a pas. Les populations extra-européennes, surtout celles d’origine africaine, peuvent parfaitement prendre dans notre histoire et notre imaginaire européens. Car, comme l’a dit Sarkozy en son temps pas si lointain que ça, « aucun homme africain n’est assez entré dans l’Histoire ». Vraiment ?
Voici une liste non exhaustive d’hommes et de femmes africains bien entrés dans l’Histoire (si, si, j’ai vérifié ; vous pouvez les trouver sur n’importe quel moteur de recherche) : Hannibal de Carthage (bien connu, celui-là, il a traversé les Alpes avec des éléphants !) ; sainte Monique et saint Augustin, saint Cyprien avec les saintes Perpétue et Félicité, tous tunisiens ; Jugurtha et Massinissa, rois berbères, et Bagas, roi de Maurétanie ; Ramsès II et Néfertiti, souverains d’Égypte ; la reine de Saba ; les rois d’Éthiopie ; le peuple Massaï, composé d’éleveurs et de guerriers ; en Ouganda, Charles Lwanga et ses compagnons martyrs, victimes du roi Mwanga II et de son Premier ministre le Katikiro, un vrai méchant, celui-là ! Je ne vous parlerai pas d’Amin Dada, le tyran ougandais, ni de Nelson Mandela, interprétés respectivement par Forest Whitaker et Morgan Freeman, noirs tous deux et très bons acteurs dans Le Dernier Roi d’Écosse et Invictus. Cela prouve donc que les acteurs de couleur n’ont pas besoin de se battre pour jouer des héros européens et blancs ; l’Histoire et l’imaginaire africains sont connus ; les scénaristes ont l’embarras du choix !