Article rédigé par Gabrielle Cluzel, le 21 novembre 2017
source[Boulevard Voltaire]Chacun se souvient de cette pétition de février 2013, portée en procession solennelle au CESE par tout un aréopage de militants de la Manif pour tous…
« Qu’est-ce qui pèse le plus lourd ? Un kilo de plume ou un kilo de plomb ? » Qui ne connaît pas cette bonne blague de cour de récréation ? Comme pour la couleur du cheval blanc d’Henri IV, celui qui se fait prendre est un crétin : passé 10 ans, tout cela, n’est-ce pas, est évident. Sauf au CESE. Dont les membres, eu égard à leur moyenne d’âge, sont pourtant plus proches de la maison de retraite que de l’école primaire.
Mercredi, le CESE a annoncé sa décision de « se saisir sur la question de la fin de vie », une « pétition de plus de 200.000 signatures [circulant] actuellement, adressée nominativement au conseil ».
Qu’est-ce qui pèse le plus lourd ? 200.000 signatures pour l’euthanasie ou 700.000 signatures contre le mariage pour tous ? 200.000 citoyens de gauche ou 700.000 citoyens de droite ? 200.000 copains ou 700.000 adversaires ?
Car, évidemment, chacun se souvient de cette pétition de février 2013, portée en procession solennelle au CESE par tout un aréopage de militants de la Manif pour tous, les mains pleines de cartons encombrants et les têtes d’illusions candides sur l’exercice de la démocratie en France, écartée aussi sec du revers de la main.
Chacun se souvient aussi – honneur à lui -, de la démission fracassante de l’un des membres, Jean-François Bernardin (ancien patron de l’assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie), après la décision du CESE de rendre irrecevable la pétition : « On se ridiculise et on insulte les 700.000 pétitionnaires que l’on balaie d’un trait de plume […], il s’agit de la première pétition qui rassemble autant de monde dans notre pays. »
Chacun se souvient, enfin, de cet embarrassant courrier, adressé le jour même du dépôt des pétitions, par le président du CESE, Jean-Paul Delevoye, au Premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault, que l’on pouvait résumer, peu ou prou, en trois mots : « On fait quoi ? »
Chacun a sans doute oublié, en revanche, – s’il l’a jamais su – la chute de cette histoire, aussi tardive que discrète : en juin 2014, « le tribunal administratif de Paris a donné raison […] à la Manif pour tous contre le Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui avait rejeté la pétition citoyenne demandant son avis sur la réforme du mariage » (La Croix).
Une victoire pour le symbole et pour la gloire. La loi dite du « mariage pour tous » était passée depuis plus d’un an, rendant de facto cette revanche caduque.
Dimanche, dans le JDD, Patrick Bernasconi, successeur de Jean-Paul Delevoye, est revenu sur cette pétition piétinée, ce « rendez-vous manqué », comme il dit pudiquement, expliquant avec un ingénu toupet et sans s’étouffer, qu’à « l’époque », le « CESE était dans l’impossibilité juridique d’y répondre ». Ah bon ? Parce que le tribunal administratif, c’est quoi ? Une instance en chocolat ? Comme il y a des citoyens de plume et des citoyens de plomb, il y a des décisions de justice que l’on porte aux nues et d’autres que l’on peut faire mine de ne pas les avoir lues ?
En janvier dernier, le même JDD avait évoqué le même CESE dans un article intitulé sans détour « Enquête sur la gabegie au sein de la troisième assemblée de la République. ». En ces temps de rigueur forcée, le sujet présente indiscutablement un certain intérêt, non ? Comme le demande finement sur son compte Twitter Maître de Beauregard, l’un des avocats de la Manif pour tous, si une pétition rassemblant 200.000 signatures demandait sa dissolution, cette « troisième assemblée » y porterait-elle attention ? Chiche ! On peut essayer ?