Article rédigé par Christian Vanneste, le 08 décembre 2016
[Source : blog de Christian Vanneste]
A Cuba, Ségolène Royal y est allée de son couplet à la gloire de la révolution cubaine et de son dictateur, imitateur selon elle de la révolution française.
On peut remercier Mme Royal, la mal nommée, de cet aveu. La ministre a cru bon associer la France à ce panégyrique pour le moins déplacé. Elle était un des rares représentants de gouvernements qui s’affirment démocratiques. Sa présence était déjà inopportune, ses propos ont été inconvenants. On lui reconnaîtra toutefois le mérite de l’aveu. On ne sait à quoi l’attribuer. Une certaine bêtise ? De la candeur ? De la provocation ? En fait, la légitimité morale, totalement usurpée, de la gauche dans notre pays, lui a depuis longtemps fait perdre la notion des limites. Cela se voit dans une politique de fuite en avant dans les prétendus progrès sociétaux qui déconstruisent pierre à pierre la Maison France mais aussi dans les écarts des comportements de nos élus. Le Président aura du mal à dire à son ministre et « ex-compagne » : « Un ministre ne devrait pas dire ça ». Mais le locataire en fin de bail de l’Elysée était lui à Abou Dhabi, un autre haut lieu de la démocratie mondiale.
La distinction entre l’ami et l’ennemi est pour Carl Schmitt le point de départ de toute action politique. La sélection opérée entre l’un et l’autre par la gauche manque de ce point de vue de cohérence apparente. Sa politique extérieure mêle des préférences idéologiques à des intérêts mercantiles.
Le tropisme idéologique l’amène à moins distinguer la démocratie et la dictature que les gouvernements de droite et de gauche. Une dictature de gauche a des excuses et des intentions louables. Un gouvernement de droite, vraiment conservateur, même dans un cadre parfaitement démocratique, est suspect à ses yeux. Castro a droit à des propos plus amènes que Margaret Thatcher ou Georges W. Bush. Et ne parlons pas de Donald Trump. A première vue, l’ennemi de la gauche, c’est donc la droite lorsqu’elle ne se prête à aucune compromission, lorsqu’elle est conservatrice. Elle sera alors ultra-libérale et ultra-conservatrice, voire populiste si elle défend davantage l’identité nationale et la protection des frontières que l’initiative privée ou les valeurs traditionnelles. En France, la droite qu’elle préfère, tout en la méprisant, c’est celle du front républicain, c’est-à-dire la droite qui se rallie aux avancées sociétales, à l’avortement comme droit fondamental, au pacs ou au mariage unisexe, avec quelques années de retard, mais reste suffisamment proche du patronat pour entretenir le fantasme de la lutte des classes dans les discours… La droite disposée à apporter ses voix à la gauche contre le populisme, cet étrange ennemi ciblé par les démocrates… la droite des beaux quartiers ravie d’être élue par les reports de voix de la gauche contre l’extrême-droite et son électorat plus populaire que la gauche a oublié. En Europe, les gouvernements « de droite » les plus fréquentables sont évidemment ceux qui pratiquent les grandes coalitions pour produire une politique timorée. En revanche, de part et d’autre de ce centre mou, le manichéisme est une fois de plus visible : Tsipras, lui aussi présent à La Havane, est un ami. Viktor Orban, beaucoup moins. Pour la gauche, il y a une extrême-droite diabolisée qui contamine toute la droite dès lors que celle-ci la rejoint sur des thèmes pourtant bien légitimes comme la préférence nationale ou l’exigence de sécurité, mais l’extrême-gauche n’existe pas car elle est très fréquentable quelque soit son passé. L’alliance avec les communistes n’a jamais été un problème. Même les groupuscules les plus violents semblent jouir d’un traitement de faveur par rapport à leurs homologues d’extrême-droite.
La tendance de la gauche à se draper dans les plis de la vertu pour stigmatiser comme « nauséabonds » les discours de ses adversaires et pour instaurer une censure à l’encontre de leurs idées, comme en témoigne la prolifération des prétendues « phobies » ou le récent délit d’entrave à l’avortement sur internet, prend une étonnante orientation sur la scène mondiale. La richesse des pays du Golfe, la générosité de leur accueil dissipent les velléités de toute critique à l’encontre de leur situation politique et sociale. Avec eux, pas question d’évoquer la dignité des travailleurs immigrés, la liberté religieuse ou l’égalité des sexes. De telles interrogations seraient déplacées. Pour la gauche, la victoire de Norbert Hofer eût été une catastrophe politique européenne quand bien même elle fût issue d’un scrutin démocratique et de peu de portée en raison des limites du pouvoir présidentiel en Autriche. L’alliance avec des monarchies absolues qui ignorent la liberté de pensée et se soucient peu de l’égalité va de soi même lorsque le réalisme de la politique étrangère, qui ne doit pas se limiter à favoriser des échanges commerciaux, devrait s’inquiéter du rôle joué par ces Etats dans la propagation du salafisme, y compris en France, et dans l’extension du terrorisme djihadiste. Là encore, la désignation de Bachar Al-Assad comme ennemi et d’Al-Nosra comme ami, qui « fait du bon boulot » comme disait Fabius, relève d’un aveuglement irresponsable, qui a entraîné, au détriment de l’intérêt national, le refus par Manuel Valls de collaboration entre les services français et syriens.
Puisse la désinvolture de Mme Royal éclairer l’opinion sur la gauche de notre pays, qui, décidément n’a aucune leçon de morale à donner.