Article rédigé par Samuel Pruvot, le 06 octobre 2016
[Source : Famille Chrétienne]
Le cardinal Robert Sarah, dans La Force du silence, se plaît à souligner combien Dieu agit en nous avec puissance, mais sans bruit. Aux antipodes de notre époque bruyante menacée d’impuissance spirituelle.
Le cardinal Robert Sarah est un original. Au sein de la curie romaine, ce prélat guinéen ne cesse d’étonner par sa manière bien à lui de mettre toujours Dieu au centre. « Dieu ou rien », selon sa belle formule. C’est un cardinal excentrique, car théocentrique. Et pourtant il sait parler au plus grand nombre. Son dernier essai intitulé La Force du silence ne décevra pas.
L’auteur martèle une vérité immémoriale : le silence et Dieu vont souvent de pair. Il cite le Père Marie-Eugène : « Dieu parle dans le silence et seul le silence paraît pouvoir exprimer Dieu. Aussi, pour retrouver Dieu, où l’homme pourrait-il aller, sinon dans les profondeurs les plus silencieuses de lui-même ? » Voilà la destination étrange et secrète où le cardinal veut conduire le lecteur. Loin des affaires du monde, loin des pressions qui s’exercent au sein même de la Curie. Mais non en dehors de la réalité !
L’auteur explique combien Dieu agit en vérité, mais sans bruit. À l’image de cette brise légère où le prophète Élie reconnaît sa présence mystérieuse. « Si nous observons les transformations intérieures les plus extraordinaires et les plus éclatantes que Dieu opère en l’homme, nous sommes contraints de constater qu’Il travaille en silence. » On sait que le cardinal Sarah n’est pas muet. On lui reproche même son parler-vrai dans certains milieux ecclésiastiques où le mezza voce est de mise. Cela dit, il sait que le silence est d’or dans l’Église.
« N’ayons pas peur de faire silence »
En plusieurs points, le cardinal Sarah fait penser à Benoît XVI, façonné par la tradition bénédictine, vivant en quasi-ermite au Vatican et tellement libre par rapport aux fureurs mondaines qui viennent faire le siège de l’âme. « Nous vivons, écrit le pape émérite, dans une société dans laquelle chaque espace doit être rempli par des activités, souvent nous n’avons pas le temps d’écouter. N’ayons pas peur de faire silence à l’extérieur et au-dedans de nous-mêmes, si nous voulons être capables de percevoir la voix de Dieu. »
L’actuel préfet de la Congrégation pour le culte divin est lui aussi persuadé que la prière est le vrai moteur du catholicisme. Le cardinal Sarah, soixante-dix ans après la parution de La France contre les robots, semble répondre à Georges Bernanos qui dénonçait la civilisation moderne comme « une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ». Le but du cardinal n’est évidemment pas de jeter l’anathème sur notre siècle. Mais il entend rappeler que le silence est la condition de vie du croyant. Son biotope. « Les faux prêtres de la modernité, qui déclarent une forme de guerre au silence, ont perdu la bataille. Car nous pouvons rester silencieux au milieu des vacarmes de ces machines qui invitent à l’activisme. »
Loin du bavardage savant, cette longue méditation ressemble aux Pensées de Pascal. Chaque paragraphe est une perle d’un collier contemplatif invisible. Il fait appel à toute la tradition monastique, en particulier celle issue de saint Bruno. On lira avec intérêt l’échange entre le cardinal Sarah et le supérieur de la Grande Chartreuse. « Le silence, dans la vie de l’Église, estime Dom Dysmas, me semble lié à la délicatesse de la voix divine. Pour l’entendre, il faut tendre l’oreille, car le Saint-Esprit ne parle pas fort. »
Tous ceux qui ont goûté cette petite voix aspirent à l’entendre de nouveau. C’est le cas du cardinal Sarah qui, jeune archevêque de Conakry, avait pris l’habitude de s’isoler : « Je m’étais créé un désert intérieur. Il n’y avait aucune présence humaine. Je vivais dans le jeûne, la prière, simplement nourri par l’eucharistie. » Original, non ?