Le sommet de l'OTAN à Varsovie.
Article rédigé par Roland Hureaux, le 17 août 2016 Le sommet de l'OTAN à Varsovie.

LE SOMMET DE L'OTAN A VARSOVIE : L'ART DE  PROVOQUER LA RUSSIE SANS PROTÉGER LA POLOGNE.

Le sommet de l'OTAN qui s'est tenu en Pologne les 8 et 9  juillet ne signifie pas encore  la guerre mais il n'en constitue  pas  moins une provocation à l'égard de la Russie dont la nécessité apparait moins clairement que les risques   : ce  n'est pas impunément que l'on va  organiser une réunion aussi large et au plus haut niveau aux portes de la plus grande puissance nucléaire de la planète. Il ne s'agit pas certes de sombrer dans la crainte révérencielle  de cette puissance mais que diraient les Américains  si  la Russie  organisait ce genre de rassemblement  au Mexique ?

Le communiqué final du sommet de l'OTAN dénonce  d'une manière qui serait risible si elle ne touchait à des questions aussi graves  "les actions agressives de la Russie, y compris ses activités militaires provocatrices à la périphérie du territoire de l'OTAN «.  Où se situe donc  cette périphérie de l’OTAN : dans Caraïbes ? Non  "dans la région de la mer Baltique et de la Mer noire» !

Déclarations d'autant plus inquiétantes  qu'au mois de juin a été   organisée en Pologne et  dans les pays baltes, à la frontière russe, une manœuvre portant le nom peu amène d'Anaconda à laquelle pas moins  de 24 pays étaient  associés. Malgré les déclarations apaisantes de Hollande à Varsovie  qui, a-t-il dit,  ne considère la Russie "ni comme un adversaire , ni  comme une menace"   ou du ministre des affaires étrangères  de l'Allemagne  Frank-Walter Steinmeier appelant l'OTAN à la modération,  seules voix discordantes, les  deux pays   ont finalement signé le communiqué final et  sont représentés  à la manœuvre. La France envoie 150 hommes seulement,  ce qui est  bien peu sur le plan  militaire mais exprime sa  solidarité politique avec une entreprise  pour le moins douteuse.

31  000 hommes, c'est suffisant pour une provocation, c'est dérisoire face à la Russie qui peut aligner instantanément   trente fois cet effectif de l'autre coté de la frontière.

 

Pour cacher une faiblesse ?

Quel intérêt alors ?  Au dire de plusieurs spécialistes, la Russie détient aujourd'hui une supériorité claire sur les États-Unis dans  la    guerre classique. A quoi s’ajoute sa capacité avérée de brouillage  et la récente  disposition d'un missile balistique volant à une vitesse qui défie toute contre-mesure (et rend obsolète, soit  dit en passant,  toute idée de bouclier antimissile). 

Au temps de  Staline, l'URSS est restée quatre  ans sans disposer de l'arme nucléaire face à une Amérique qui l'avait déjà. Elle s'était  alors comportée avec le maximum d'agressivité,   notamment par le  blocus de Berlin,   pour  faire oublier son infériorité stratégique. Il n’est pas impossible que la manœuvre de l'OTAN  relève de  la même   logique. Mais il est alors douteux que Poutine soit dupe !

Une autre explication serait le souci de rassurer la Pologne et les Pays baltes, toujours prêts à faire de la surenchère contre la menace russe.  On comprend certes au vu de l'histoire  qu'ils aient quelques inquiétudes. Mais sont-elles aujourd'hui  fondées ? Le sommet de l'OTAN  dénonce  l’annexion de la Crimée et l'aide apportée par la Russie aux rebelles du Donbass. Les néoconservateurs américains, Hillary Clinton en tête,  y voient    le début d'un processus de conquête  qu'elle compare  à celui d'Hitler. N'oublions pourtant pas que ces actions que l'on reproche à   Poutine sont  venues  en riposte à ce que Valéry Giscard d'Estaing  a lui-même  appelé   un coup d'état de la CIA ( les fameux  événements de la place Madian  en février  2013) destiné à renverser à Kiev un pouvoir légitime régulièrement élu  pour le remplacer par un gouvernement hostile à  la Russie. La base de Sébastopol , qui constituait la seule ouverture  maritime de la Russie vers le    Sud  et que le hasard  des découpages soviétiques avait rattachée  à l' Ukraine, risquait    de lui échapper, ce que , compte tenu de la géographie,   elle  pouvait  difficilement  accepter.

Poutine a jusqu'ici  joué en défensive, même en Syrie, seul point d'appui    russe au Proche-Orient que les États-Unis ambitionnaient ouvertement de faire basculer en soutenant les rebellions djihadistes contre le gouvernement Assad. Il  n'a nullement exprimé d’intention hostile vis à vis de la Pologne  et des Pays baltes, bien que la réciproque soit  loin d'être  vraie.

 

Une protection illusoire

Mais à supposer qu'un  risque existe pour ces pays, comment ne pas voir ce qu'a d'illusoire la protection que semble leur assurer  la gesticulation de l'OTAN ?  

Au cours  des années soixante, les Européens de l'Ouest en vinrent  à douter légitimement   de la  valeur de la protection militaire américaine face à une Union soviétique encore virulente. La doctrine de la riposte graduée venait de se substituer  à Washington à  celle des représailles massives, ce qui signifiait, comme le général de Gaulle l'avait vu, que les États-Unis n'étaient pas prêts à risquer  un affrontement nucléaire  direct avec l'URSS pour protéger l'Europe occidentale. Il en avait déduit la nécessité pour la    France de  se doter de l'arme nucléaire. Qui peut croire  sérieusement que ce que les    États-Unis n'étaient  pas prêts à faire alors pour la France et le Royaume-Uni, ils le feraient aujourd'hui pour  la Pologne et la Lituanie ?  

D'autant qu'on se souvient des efforts que le présidant Roosevelt avait déployés en 1938  pour  faire accepter par les Français et les Anglais les accords de Münich où  la Tchécoslovaque avait été  sacrifiée.

C'est dire que  ces pays  n'ont pas vraiment intérêt à jouer avec le feu.  La surenchère à laquelle ils se livrent face à la Russie est aussi coupable  que la   promesse illusoire des  États-Unis de  les protéger. La Pologne est certes un pays sympathique mais chroniquement irresponsable, comme on l'avait vu   entre les deux guerres. L'autorité  du pape Jean Paul II  avait un moment  calmé ses dirigeants. Mais  il n'est  plus  là et il n'est pas sûr que son successeur qui se rend à Cracovie  à la fin juillet ait autant d'autorité sur eux.

Après beaucoup  de  manœuvres maladroites de   leur part, Polonais et Baltes furent finalement les dindons de la farce tragique de 1939.  Ce furent alors la France et la Grande-Bretagne, pas les États-Unis,   qui mirent en jeu leur survie pour leur venir en aide.  En vain.   Il faut espérer pour eux qu'un tel scénario ne se reproduira pas.