Article rédigé par Yann Vallerie, le 06 juillet 2016
[Source : Breizh Info]
Le 29 juin 2016, l’Assemblée nationale a adopté (à 32 voix pour contre 17 contre) l’article 14 bis du projet de loi égalité et la citoyenneté, – un article déposé par le Gouvernement – qui vise notamment :
- Au renforcement des contrôles de l’enseignement dispensé aux enfants instruits dans les familles.
- A la soumission de l’ouverture d’établissements privés d’enseignement scolaire hors contrat à une autorisation préalable.
- A l’admission, à titre expérimental, des bacheliers professionnels dans les sections de techniciens supérieurs.
Paul Molac député de gauche régionaliste du Morbihan, ainsi que Chantal Guittet député PS, ont voté pour cet article, tandis qu’Isabelle Le Callennec, Marc le Fur et Gilles Lurton ( Les Républicains) s’y sont opposés bec et ongle. Ces derniers avaient d’ailleurs déposé des amendements de rejet des cet article, balayés eux aussi par une minorité de députés présents dans l’Hémicycle. Alors qu’elle est constituée normalement de 577 élus du peuple, ils n’étaient qu’une cinquantaine à être présents ce mercredi. Il est vrai que que les parlementaires absents ne risquent aucune sanction, ce qui explique que ce phénomène se répète massivement tout au long de l’année.
Les familles privilégiant l’école à la maison ou dans des établissements hors contrat – pour toutes sortes de raisons, qu’elles soient pédagogiques, confessionnelles, ou médicales – sont particulièrement inquiètes vis à vis de ce qui constitue – sous couvert de lutte contre la radicalisation – une tentative de mettre le grappin sur tous les enfants de France. Sur le blog « Apprendre avec bonheur », une maman s’indigne : « Grâce à ces amendements des enfants seront maltraités, ce seront des enfants maltraités de trop. (…) Il oublie les enfants en souffrance à l’école, il oublie les enfants phobiques qui pourront être convoqués dans un lieu où ils ont souffert. Ils oublient les enfant qui subiront des contrôles non respectueux de leur mode de fonctionnement, de leur mode d’apprentissage.
Il évoque la présence de plus en plus fréquente des huissiers et des avocats lors des contrôles de l’instruction en famille. S’est-il demandé pourquoi? Il parle de médiatisation et de refus de l’accès au domicilie. S’est-il demandé pourquoi? J’invite M. le Ministre et ceux qui ne comprennent pas pourquoi à lire ce rapport d’Alain Quatrevaux.». Un rapport passionnant sur le système scolaire face à l’instruction des familles.
Les amendements sont votés mais la loi n’est pas encore validée à l’Assemblée nationale (elle le sera certainement) puis, il y aura une navette, un passage auprès du Sénat. Les familles sans école devraient continuer à se battre, à informer, à expliquer.
Isabelle Le Callennec, député de Vitré (LR) est revenue avec nous sur cette nuit agitée, dans un Hémicycle presque vide.
Breizh-info.com : Mercredi 29 juin, 49 députés ont participé au vote concernant l’article 14 bis du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Vous avez voté, comme vos collègues Marc Le Fur ou Gilles Lurton, contre. Pouvez-vous nous expliquer pour quelles raisons ?
Isabelle Le Callennec (LR) : L’article 14 bis risque de remettre en cause la liberté constitutionnelle de l’enseignement. Il dispose en effet que l’autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation détermine dans le cadre de l’instruction à domicile « les modalités et le lieu du contrôle ».
Nous ne refusons absolument pas les contrôles, ils sont nécessaires, mais nous nous interrogeons sur leurs modalités. Nous défendons l’idée qu’ils doivent être effectués sur le lieu d’enseignement, c’est-à-dire à domicile. Par ailleurs, nous estimons que s’agissant des compétences et des connaissances des enfants, c’est la progression qui doit être évaluée, chaque enfant ne progressant pas au même rythme.
En outre, nous affirmons que la législation comporte déjà des dispositions pour lutter contre les risques de maltraitance ou de radicalisation le cas échéant, puisque ce sont les arguments qui nous sont opposés par les rapporteurs socialistes du texte pour refuser nos amendements de suppression. Enfin, il faut bien rappeler que l’instruction en famille ne concerne que 0,09% des enfants en âge d’être scolarisés ! Nous considérons donc cet article comme une atteinte à la liberté d’enseignement.
Breizh-info.com : Est-il normal, dans une démocratie parlementaire, que lors de débats sur des lois aussi importantes (et c’est assez fréquent à l’Assemblée nationale) , aussi peu de députés soient présents, alors qu’ils sont élus et rémunérés pour l’être ?
Isabelle Le Callennec (LR) : Ce qui est d’abord inadmissible, c’est l’absence de la Ministre de l’Education nationale dont nous avons demandé la présence à plusieurs reprises, mais qui l’a systématiquement refusée. Remettre en cause la liberté de l’enseignement, l’instruction en famille mais aussi l’enseignement dans les établissements hors contrat (article 14 decies) à la faveur d’amendements gouvernementaux dans une texte dans lequel ils n’ont absolument rien à voir, sans venir s’expliquer devant la représentation nationale, est proprement irresponsable !
S’agissant des députés, ils sont d’abord les victimes d’un ordre du jour et d’une organisation des travaux à revoir totalement. Nous examinons le projet de loi Egalité/citoyenneté dans l’hémicycle quand, dans le même temps nous examinons, en seconde lecture, le projet de loi «Travail » en commission des affaires sociales.
Nous n’avons pas le don d’ubiquité. En outre, le déroulement de l’examen de la loi « égalité-citoyenneté » a été bousculé à plusieurs reprises depuis lundi, pour permettre à des Ministres concernées par des articles ou des amendements d’être présents lorsqu’eux, étaient disponibles ! Cela a par exemple été le cas du Ministre de l’Intérieur hier soir.
Breizh-info.com : Les associations qui défendent l’école à la maison ainsi que les écoles hors contrat sont particulièrement inquiètes avec cette nouvelle loi. Ont-elles des raisons de l’être ?
Isabelle Le Callennec (LR) : Oui. Les articles 14 bis et 14 decies remettent en cause la liberté de l’enseignement et le gouvernement s’expose à un recours auprès du Conseil constitutionnel.
Breizh-info.com : La droite au pouvoir reviendra-t-elle sur ce projet de loi – qui consacre par ailleurs à nouveau les banlieues au détriment de la ruralité ?
Isabelle Le Callennec (LR) : Les Républicains ont d’ores et déjà fait des propositions sur la ruralité. Nous proposons un plan Marshall pour la ruralité : à un euro investi en ville doit correspondre un euro investi en zone rurale.. Nous souhaitons y rénover l’habitat, encourager l’installation de médecins, accélérer le déploiement du très haut débit, maintenir des réseaux de transports pour faciliter le domicile-travail.