Élections régionales : au cœur des enjeux, la réalité familiale
Article rédigé par Elizabeth Montfort, le 27 novembre 2015 Élections régionales : au cœur des enjeux, la réalité familiale

Sur quels critères sélectionner les élus des nouvelles méga-régions ? Les électeurs devront choisir les listes où figurent les candidats les plus déterminés à soutenir l’enracinement de l’activité économique, le rôle majeur des familles dans la vie locale, le financement des lycées de l’enseignement libre.

LA FRANCE est en deuil, la France est en guerre… Dans cette ambiance de tristesse, de peur, d’angoisse et d’insécurité, reste-t-il une place pour le discernement ? L’élan de la campagne si bien commencée s’est rompu. Et chacun de surenchérir sur ce qui pourrait être mis en place comme mesure sécuritaire pour rester dans le tempo. À quelques jours du premier tour, il n’est pas inutile de se poser la question du sens de ces élections, sans se tromper de sujets.

Des espaces déracinés

Alors que la région est, ou était, un espace cohérent sur le plan géographique, historique et culturel, le regroupement des régions décidé sur un coin de table met à mal cette cohérence, déracinant encore un peu plus les habitants de leur attache naturelle, celle du terroir, pour les propulser vers un espace non identifié de production et de consommation.

À la question que je posai en réunion publique sur le lien entre Auvergne et Rhône-Alpes, il me fut répondu : « De toute façon, il y aura trois pôles, l’Auvergne, la Savoie et le couloir rhodanien. »

On sent bien que ce regroupement n’a d’autre raison que de faire des régions les interlocuteurs privilégiés des mannes de l’État et de Bruxelles.

Devant cette incohérence est-il possible de donner un sens aux élections qui dans le contexte actuel pourrait être un début de réponse au vide sidéral du « Tout sécuritaire » ?

La réalité familiale dans les programmes régionaux

Certains se sont étonnés que La Manif pour tous s’ingère dans la campagne en interrogeant les candidats, au motif que la politique familiale n’est pas une compétence des régions. Ce qui est exact. Cependant, il n’est pas absurde de se poser la question de la place réservée aux familles dans les politiques régionales. Si la famille est la cellule fondatrice de la société, selon la Déclaration universelle des droits de l’homme [1], la responsabilité des futurs élus est double :

1/ créer les conditions pour que les familles jouent pleinement leur rôle en leur sein, c’est-à-dire à l’égard de leurs enfants,

et 2/ à l’extérieur, qu’elles soient considérées comme un modèle de solidarité naturelle puisque c’est bien dans la famille que les enfants font leurs premiers apprentissages de la vie en société.

L’enjeu de ces élections, surtout dans le contexte actuel, est donc bien de s’appuyer sur la réalité familiale pour élaborer les programmes régionaux. C’est ainsi que les familles pourront de nouveau retisser les liens rompus entre toutes les familles de France par l’apprentissage de l’enracinement dans leur territoire régional, encore faut-il que celui-ci affirme une cohérence.

La loi NOTRe (Nouvelle organisation des territoires de la République) qui a eu tant de mal à aboutir, fixe les grandes lignes des compétences régionales : développement économique, gestion des lycées et formation professionnelle, gestion des transports, et l’incontournable protection de l'environnement.

Les deux défis majeurs de ces élections régionales sont l’emploi et la formation professionnelle ajustée aux demandes locales.

► Le développement économique

C’est la principale mission des régions et elle a été renforcée. De fait, elles sont responsables de la répartition des aides publiques (nationales et européennes) sans oublier d’impulser la recherche et l’innovation.

C’est bien une vision de l’économie qu’il convient de valoriser : l’homme comme outil de production, au service d’une consommation jamais satisfaite ? Ou la personne humaine qui par son travail peut assurer une vie décente à sa famille et former une communauté vraiment humaine dans son entreprise ?

Comment des pères et des mères de famille vont pouvoir concilier vie familiale et vie professionnelle s’ils n’ont pas d’emploi ou si leur lieu de travail se trouve loin de leur lieu d’habitation ?

Les régions ne sont pas homogènes et la répartition de la population est très diverse selon les territoires. L’objectif des futurs conseillers régionaux sera de corriger les handicaps d’inégalité territoriale par un soin particulier vers ceux qui sont les plus fragiles (territoires ruraux, zones de désindustrialisation…). Tout simplement pour veiller à ce que les familles puissent avoir, autant que possible, un travail près de leur domicile. Or les millefeuilles administratifs ont empilé des collectivités et concentré les zones d’activités économiques autour des villes, selon un schéma identique que l’on retrouve dans toutes les régions françaises.

D’autres pistes pourraient être explorées pour diversifier les activités et les implantations d’entreprise. La tendance actuelle penche plus du côté de la concentration et d’une pseudo-rationalisation de développement économique que d’un ancrage locale dans un territoire disposant d’un savoir-faire, une histoire ou une géographie qui justifie tel ou tel choix.

Par exemple en Auvergne, on peut s’étonner qu’une entreprise aussi performante qu’Aubert et Duval (Eramet) qui construit des pièces en superalliages, en acier spéciaux ou en titane pour l’aéronautique, se soit installée au fin fond des Combrailles au pied de la chaîne des Puys. Tout simplement, parce que ce site se trouve entre une rivière abondante et des bassins miniers propices à l’activité métallurgique. Cette implantation a forgé une histoire, une culture d’entreprise sur un territoire donné, alors qu’elle est située loin d’une autoroute ou d’une voie ferrée. Certains diraient que ce n’est pas rationnel.

Cet exemple comme d’autres montrent que les élections régionales sont une magnifique opportunité pour enraciner l’activité économique dans une histoire locale qui prenne en compte toutes ses dimensions (familiales, sociales et culturelle), sans empêcher une coopération avec d’autres secteurs d’activités, situés sur d’autres territoires, notamment pour la recherche et l’innovation, comme le sont les pôles de compétitivité.

Il va falloir du courage et une détermination sans faille aux futurs élus pour sortir d’une vision idéologique de l’économie où seul compte la rentabilité et la consommation, sans frein.

► L'éducation et la formation professionnelle

C’est la deuxième compétence importante de la région. Sans être en charge des programmes scolaires, celle-ci gère les lycées professionnels et généraux. Pour répondre aux défis de l’emploi, les élus régionaux devront privilégier les formations en lien avec les besoins des entreprises, et favoriser l’apprentissage, pour cesser de pousser des jeunes dans des impasses et en finir avec les formations qui ne servent à rien et qui coûtent chers. C’est ainsi que la formation pourra coller à l’emploi et que le jeune une fois formé pourra rester s’il le souhaite, dans sa région.

Pour réussir à relever ces défis, il faudra impérativement mettre fin à la gabegie des dépenses de fonctionnement, d’une part, aux constructions absurdes des hôtels de région pharaoniques, et aux subventions données à des associations de propagande spécialement destinées aux jeunes. Ces associations dont le militantisme idéologique ne fait de doute à personne, sont une atteinte aux valeurs portées par les familles et n’ont pas leur place dans les lycées. Mais c’est aussi un détournement des deniers publics. Car les élus doivent respecter les jeunes, quel qu’ils soient, dans leur liberté de conscience.

Les familles seront également attentives aux intentions des élus qui soutiendront sans faiblir les financements de la région pour l’entretien et l’investissement immobilier des lycées de l’enseignement libre, notamment pour couvrir le coût des mises aux normes, l’accessibilité des élèves handicapés et les aménagements de sécurité. Durant le mandat qui s’achève, les dotations de la part des régions socialistes avaient été singulièrement réduites, obligeant l’Enseignement catholique à recourir à d’autres ressources (emprunts, contribution financière des familles et dons défiscalisés…).

Choisir les élus qui protégeront les familles

Les élections régionales sont un sujet majeur. Si les régions ne sont pas compétentes en matière de politique familiale ou de questions dites de société, un discernement est indispensable pour choisir des élus « family friendly ». Des élus qui tout au long de leur mandat et dans chacune de leur décision se poseront la question en amont de la promotion de la vie des familles et à chaque décision celle des conséquences des programmes sur la vie des familles.

Les familles ont besoin d’un environnement satisfaisant pour les écoles, sécurisé dans les transports, diversifié pour la formation professionnelle. C’est une garantie pour que les enfants puissent trouver à proximité de leur famille tout ce qui fera d’eux les adultes de demain.

Des élus enracinés

Les régions se sont agrandies, elles ont perdu leur cohérence pour devenir des ensembles interchangeables, déracinés de leur histoire et de leurs atouts culturels. Jour après jour, les élus devront tisser des liens entre les territoires différents. Ce ne sera pas facile. Mais c’est indispensable pour que chaque région redevienne ce petit bout de France à l’héritage reçu et partagé et au destin commun. Seuls des élus enracinés dans leur propre terroir et conscients de l’importance de leur mandat en seront capables pour permettre aux familles d’oser porter leur regard au-delà de leur région, sur la « France que nous sommes ».

L’avantage d’un scrutin de liste, c’est de trouver au moins un élu, ou deux, ou trois… qui seront porteurs de cette espérance et de cette volonté. Élire des conseillers régionaux ne suffit pas. Tout au long du mandat, il nous faudra continuer à dialoguer et à coopérer avec eux pour qu’ils ne défaillent pas. C’est notre responsabilité d’électeurs.

Mais c’est aussi la survie et l’avenir de la France !

 

Élizabeth Montfort est maire-adjoint de Riom, ancien député européen, vice-présidente du Conseil régional d’Auvergne (1998-2004).

 

 

 

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