Article rédigé par Jean-Michel Castaing, le 17 novembre 2015
Le 13 novembre, la réalité s'est rappelée au souvenir des Français : nous sommes en guerre. Comme il était à prévoir dans une société émolliente, ramollie par le consumérisme, la majorité d'entre nous désiraient continuer de l'ignorer. Le principe de réalité, cette fois, a eu raison du principe de plaisir. Nous ne pouvons plus nous cacher la tête dans le sable. Nous allons devoir vivre longtemps dans cette condition inédite pour la plupart d’entre nous.
NOTRE PAYS n'a plus connu de conflit sur le sol national depuis 1944. Même si cette guerre est d'un genre très spécial (l'entité contre laquelle nous luttons est un proto-État qui n'est reconnu par aucun pays du monde, et qui n'a, en théorie, aucun ami sur la scène internationale — spécificités auxquelles s'en ajoutent bien d'autres), il n'en demeure pas moins qu'elle nous fait quitter plusieurs décennies de paix. C'est un basculement considérable auquel les mentalités vont devoir s'habituer. Pourra-t-on gérer moralement cette rupture sans tomber ni dans le catastrophisme, ni l'extrémisme ou la haine ? Comment concilier fermeté et sérénité, détermination et paix intérieure ?
Le point sur lequel je voudrais insister dans ce bref article, qui me paraît essentiel pour répondre à cette question, est le suivant : la pire méthode pour mener cette guerre serait de la subir, et de caler notre agenda sur celui de nos ennemis. Si nous voulons que notre riposte ait des chances de réussir, elle ne doit pas se contenter d'être uniquement réactive. Il nous revient de reprendre l'initiative, de telle sorte que nos concitoyens gardent la conviction que nous restons maîtres de notre destin. Sinon, les pires réactions sont à prévoir.
Reprendre la main se concrétisera par exemple par la volonté de brusquer les institutions européennes en ce qui concerne le PNR [1]. Il est hors de question que nous demandions aux autres l'autorisation de pouvoir continuer à vivre. Si les choses devaient traîner de leur part sur ce point, nous passerons outre.
Bien qualifier nos ennemis
En dehors du volet sécuritaire de notre combat, il est un autre domaine sur lequel il est urgent de reprendre la main. C'est le domaine idéologique. Le temps est désormais révolu de qualifier nos ennemis de « terroristes », de « barbares », de « fous sanguinaires ». Ces imprécisions, qui entretiennent la confusion mentale, ne sont plus de saison. Les hommes qui nous attaquent se réclament d'une vision extrême de l'islam. C'est donc du terme d'« islamistes », ou de « djihadistes fondamentalistes » qu'il s'agit de les nommer. Le chef de l'État a eu le grand tort de rester pendant trop longtemps dans le flou à ce sujet.
Bien sûr, il ne s'agit pas de stigmatiser la religion musulmane. Mais de nous rappeler que nos ennemis invoquent une lecture fondamentaliste du Coran lorsqu'ils passent à l'acte. Si les hommes politiques occultent ce point, il est à craindre que ce déni de réalité ne contribue à fragiliser encore un peu plus la confiance qu’ils demandent aux citoyens, et par ricochet la démocratie.
En effet, pour mener moralement cette guerre avec le plus de sérénité possible, il est nécessaire que les Français aient le sentiment que nos responsables leur disent la vérité. C'est-à-dire qu'ils ne soient pas bâillonnés par le politiquement correct. Nommer les terroristes des « islamistes », ce n'est pas stigmatiser l'islam. C'est reconnaître qu'un courant dévoyé de celui-ci a résolu notre perte. Longtemps, la classe politique a cru que la vérité était antinomique avec la paix sociale et le « vivre ensemble ». C'était une illusion. Les Français sont de grandes personnes. Sur ce terrain également le temps est venu de reprendre la main, et de ne pas se laisser imposer ce qu'il est licite de dire et ce qui ne l'est pas.
D'autant plus que bien nommer nos ennemis favorisera l'efficacité de la riposte. Rien ne serait pire que de rester dans le flou au sujet des motifs pour lesquels nous menons cette guerre (ou de quelque autre terme que l'on appelle ce combat). Nous ne combattons pas seulement des « barbares », mais des islamistes organisés appartenant à Daech.
Sérénité et vérité
Nous ne vaincrons pas sans dire la vérité. Cette exigence de lucidité, loin de contribuer à exacerber les tensions, contribuera au contraire à apaiser le climat social en cette période difficile et inédite.
Nous avons cru être sortis de l'histoire. Les actes de guerre du 13 novembre nous rappellent à la réalité. Nous n'avons pas choisi d'entrer en guerre. Les chrétiens aiment la paix, comme la majorité des humains sur cette terre. Cependant une idéologie meurtrière nous menace. Il ne s'agit pas de renier ce que nous sommes, mais de faire face et de vaincre.
Une des meilleures choses que nos responsables aient à faire, c'est encore de parier sur la majorité morale et intellectuelle des Français. Nous voulons rester libres, et à cette fin nous désirons reprendre la main, non seulement au niveau de l'action, mais aussi en ne nous laissant pas impressionner par des idéologies tendancieuses qui voudraient travestir la réalité, et chloroformer notre détermination par des euphémismes ou des tabous.
La paix de l'esprit peut très bien s'accommoder, chez des personnes animées des vertus de force, de courage et de conseil, avec la faculté de voir les choses telles qu'elles sont, aussi désagréables soient-elles. En ses profondeurs, la France, vieille civilisation multiséculaire, reste capable de concilier détermination implacable et sérénité. Encore faut-il pour cela qu'elle soit sûre de son droit à se défendre, et donc sûre de son identité — cette identité qui intime à notre conscience l'ordre de le faire pour le bien de nos descendants et de l'héritage que nous désirons leur léguer.
Jean-Michel Castaing
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[1] Passenger name record : fichier européens des passagers aériens.