Article rédigé par Charles-Eric de Saint Germain, le 16 novembre 2015
Une fois passé l'émotion par laquelle nous avons tous été saisis, et les "sidérations" suscitées par ces attentats terroristes, on ne peut faire l'économie d'une réflexion sur les causes de cette guerre menée par les djihadistes contre l'Occident.
Bien sûr, les terroristes islamistes sont des barbares, bien sûr, rien ne justifiera jamais leurs actes et leurs exactions, mais peut-être faudrait-il s'interroger sur ce qui, dans notre civilisation occidentale, peut générer des réactions aussi virulentes et barbares.
Le moins que l'on puisse dire est que les « cibles » des terroristes ne sont pas choisies au hasard, elles s'attaquent souvent à des symboles : les Twins Towers, c'était le symbole du Dieu Mamon, de l'argent et de la haute finance qui gouverne le monde, le symbole d'un monde « consumériste » qui a fait du matérialisme son Dieu et son unique horizon. Charlie Hebdo, c'était le symbole d'une liberté d'expression dévoyée, d'une grave confusion entre liberté d'expression et liberté d'agression, le symbole de l'ignorance crasse et de l'inculture religieuse généralisée.
Compassion pour les victimes de cet atroce carnage, certes, il faut naturellement l'avoir, en manifestant notre solidarité à leur égard. Mais comment espérer fonder un « vivre-ensemble » quand on ne voit pas que la liberté d'expression ne donne pas droit à rire de tout, et que la première violence est la violence que l'on fait aux croyants, quand on « agresse » ce qu'ils tiennent pour sacré et qui donne sens à leur vie ?
Culture du mépris
Que penser de cette « culture du mépris », de ce « désert spirituel » qui grandit dans un Occident en déficit de transcendance ? Et je ne parle pas de cette régression à des formes de tribalisme primitif que constitue les Femen, et que l'on veut nous faire passer (franchement, de qui se moque-t-on ?) comme le sommet de l'émancipation féminine (leur leader n'est-elle pas devenue notre nouvelle Marianne ?), en tolérant impunément des actes aussi odieux que le saccage de Notre-Dame de Paris ou le mime de l'avortement de l'enfant Jésus réalisé au cœur d'une église parisienne...
Est-ce là tout ce que l'Occident a à offrir à une jeunesse désemparée, privée des repères spirituels et familiaux qui lui permettrait de l'aider à grandir un peu, et dont on s'efforce seulement, aujourd'hui, de flatter les pulsions ?
Parce que beaucoup d'adultes ont démissionné, parce qu'ils ont renoncé à transmettre ce goût pour le beau, pour le bien ou pour le vrai, qui a fait la grandeur de l'Occident à une certaine époque, il ne faut guère s'étonner que la jeunesse d'aujourd'hui puisse se radicaliser et tomber, pour certains d'entre eux, dans une forme d'extrémisme religieux qui sert, hélas, d'exutoire à cette soif spirituelle que l'occident, à force de mensonges idéologiques et d'apostasies permanentes, n'est plus capable d'assouvir.
Tant que l'Occident ne verra pas que la première violence est celle que l'on a faite à l'homme, quand on ne prend plus en compte sa dimension spirituelle, on ne permettra pas de résoudre les problèmes de fond que pose le radicalisme islamique à l'Occident.
Les limites de l’individualisme sans religions
Nous touchons aujourd'hui aux limites d'un individualisme qui, en mettant l'individu (au lieu de mettre la personne) au cœur de la politique, n'a fait qu'abandonner celui-ci aux rouages du marché, en le réduisant à un simple consommateur passif, « qui tourne en rond assis devant son poste de télévision », comme le chantait si justement Zazie.
Ce n'est pas en stigmatisant les religions, mais bien plutôt en leur redonnant toute leur place et toute leur visibilité au sein de l'espace public, en montrant l'impact positif qu'elles peuvent avoir sur la culture en terme de beauté, de profondeur intellectuelle, morale et spirituelle, que l'on pourra espérer restaurer cette dimension de transcendance et de sacré pour laquelle il peut valoir la peine de sacrifier ses petits intérêts individuels et privés.
Certes, il faut le rappeler, ce ne sont pas les « religions » qui « sauvent » (elles peuvent parfois enfermer, ou assouvir une simple soif de domination et de puissance), mais c'est la conversion à Notre Sauveur Jésus-Christ, et la relation personnelle et vivante qu'il nous faut entretenir avec lui.
L’inversion des valeurs
Que les djihadistes se soient aussi attaqués au Bataclan, et au groupe de heavy metal Eagle qui chantait Kiss the Devil (« Embrasse le diable » !) au moment où les terroristes sont entrés en scène (une cible, là encore, manifestement « choisie », car symbole, cette fois-ci, de perdition) doit aussi nous interpeller sur l'inversion des valeurs à laquelle nous assistons : ce fait n'est certes pas nouveau (j'ai moi-même, je le confesse, écouté et dansé frénétiquement sur des musiques de AC-DC, un groupe de hard rock satanique, dans ma jeunesse...) et je ne suis pas favorable, au nom de la liberté, à l'interdiction des Hellfests.
Mais ce qui est nouveau, c'est qu'il n'y a plus rien, en Occident, pour contrebalancer ce glissement inéluctable vers l'abîme, et pour nous tirer, un tant soit peu, vers le haut (les développements récents de l'art contemporain, comme l'exposition du sex toy de la place Vendôme ou du « vagin de la Reine », au château de Versailles, sont, à ce sujet, assez symptomatiques de ce qui n'est ni plus ni moins qu'une décadence).
Renouer avec notre culture
Il ne reste plus qu'à espérer que les politiques sauront prendre leurs responsabilités : vont-ils contribuer davantage au « suicide de l'Occident », aveuglés par leur christianophobie rampante et nauséabonde, ou vont-ils enfin comprendre la nécessité de renouer avec l'inspiration (grecque, juive et chrétienne) qui est à la source vive de notre culture — une culture qui avait fait la preuve de sa solidité, mais qui a été démantelée et mise en pièces par des « idéologies à la mode » aussi vides qu'éphémères ?
Si l'Occident n'a plus rien d'autre à offrir que son propre « nihilisme », alors la barbarie djihadiste lui reviendra en pleine figure comme un boomerang. Et si je ne vais pas, comme certains, jusqu'à voir dans le terrorisme que nous subissons aujourd'hui le « bâton de Dieu » pour punir « l'apostasie occidentale », c'est parce que le rejet, par l'homme occidental, des lois de Dieu — données pour qu'il ait la vie —, le prive d'une « boussole » qui le conduit tout seul à sa propre destruction...
Charles-Eric de Saint Germain est philosophe, a publié La Défaite de la raison (Salvator, 2015).
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