Quotas : la triple erreur de François Hollande
Article rédigé par Olivier Audibert-Troin, le 14 septembre 2015 Quotas : la triple erreur de François Hollande

Alors que la crise des migrants devient un feuilleton sans fin qui divise les États européens entre eux, les Français entre eux, alors que l’insoutenable vient d’éclater aux yeux du monde par la diffusion d’une photo choc, le président de la République, à contrepied de ses dernières déclarations vient d’approuver le Plan Juncker de répartition des migrants par pays européen selon un principe de quotas.

Le chrétien que je suis, ou devrais-je dire simplement l’humain que je suis doit-il se réjouir du revirement de François Hollande ? À la vérité, cette annonce « sèche », impréparée, révèle une triple erreur :

- celle d’une diplomatie française inexistante,
 - celle d’une impréparation stupéfiante,
 - celle d’un laxisme consternant de notre politique migratoire.

Une diplomatie française inexistante

Depuis 2012, la France s’isole dangereusement dans la gestion des affaires du monde, et ne pèse plus dans la prise de décision. Les relations avec Barack Obama sont certainement courtoises, mais jamais François Hollande n’a réussi à créer avec le président américain ce degré de proximité et de respect qui font la marque des dirigeants écoutés. Cela s’est tout naturellement traduit par le lâchage en août 2013 de la France par les Américains à propos des frappes contre le régime de Bachar el-Assad en Syrie.

De la même manière, jamais la France n’a été consultée ni impliquée par les Américains au sujet de l’accord sur le nucléaire iranien. Nous avons été au mieux un spectateur attentif.

De la même manière, le président de la République française entretient avec le président russe Vladimir Poutine des relations exécrables qui ont vu leur paroxysme dans la rupture du contrat de vente des deux navires Mistral, et entaché de façon durable nos relations avec ce grand pays.

Nos relations avec l’Iran sont inexistantes. Le chef de la diplomatie française aurait dû se saisir des discussions engagées avec les Iraniens dans le cadre de l’accord sur le nucléaire pour revenir à la table des négociations.

Il a fallu attendre le 29 juillet 2015 et la conclusion de l’accord sur le nucléaire entre l’Iran et les grandes puissances pour que le ministre des Affaires étrangères se rende à Téhéran afin d’y rencontrer le président Hassan Rohani.

Or la crise syrienne, et donc en partie celle des migrants, ne trouvera d’issue favorable sans mettre à la table des négociations la Russie et l’Iran, principaux alliés et soutien de Bachar El-Assad.

La coalition des pays arabes, de l’armée irakienne et de l’opposition syrienne s’est montrée incapable de freiner Daech dans son expansionnisme assassin, criminel et barbare.

Seule aujourd’hui une coalition intégrant la Russie et l’Iran permettra, aux côtés des autres grandes puissances, de porter un coup fatal à Daech, sous l’égide des Nations-unies.

Il est d’ailleurs symptomatique qu’à ce jour ni la Russie, ni l’Iran, principaux alliés de Bachar El-Assad n’aient accueillis de migrants en provenance de Syrie.

Une totale impréparation dans l’accueil des migrants

« Danke, Fraü Merkel » peut-on lire sur les affichettes portées à bout de bras par les migrants syriens accueillis depuis samedi en Allemagne.

Il faut dire que de l’autre côté du Rhin, la chancelière a tout à la fois fait preuve d’humanité en organisant très en amont l’accueil des migrants au niveau de l’État fédéral et su mobiliser 6 milliards d’euros dès 2016 dont la moitié en direction des Länders en charge du logement. Autant le dire, à des années-lumière de la position française où le système D a repris ses lettres de noblesse dans les départements : communauté chrétienne, associations humanitaires, caritatives, mairies font l’objet depuis 48h d’appels répétés des autorités préfectorales afin de connaître les intentions d’hébergement des uns et des autres, le tout remontant en temps réel au ministère de l’Intérieur.

Cette abjecte « bourse au migrants » sur le refrain « Monsieur le Maire, vous en prenez combien ? » dénote l’impréparation totale du gouvernement à cette crise qui dure pourtant depuis plusieurs mois.

La France est aujourd’hui dotée de 25.000 places d’accueil pour demandeurs d’asile. Or déjà, ce chiffre est notoirement insuffisant et nous oblige à reloger bon nombre de réfugiés à l’hôtel pour une facture annuelle de 25 millions d’euros. Demain, ce sont donc 24.000 migrants supplémentaires que nous devrons héberger sans aucune solution d’État !

Après les 10.000 réfugiés arrivés en France en juillet, les nouvelles annonces de la Commission européenne ont été saluées par des scènes de liesse en Syrie. Il y a fort à parier que le Plan Juncker d’aide aux réfugiés sans mesures contraignantes et dissuasives, tant pour les passeurs que pour les candidats à l’exode, entraînera le fameux appel d’air logiquement redouté. Qu’en sera-t-il alors des dizaines de milliers de places supplémentaires (et actuellement inexistantes) nécessaires pour l’accueil de ce nouveau flux ?

Le laxisme de notre politique migratoire

Alors même qu’Angela Merkel assortissait l’accueil des réfugiés en Allemagne (en plus des 6 milliards d’euros mobilisés) de mesures de contrôle renforcées, de mesures d’expulsion simplifiées concernant les migrants déboutés, ainsi que d’une accélération de la procédure d’examen des dossiers de demande d’asile et du remplacement de certaines aides financières en avantages en nature, la politique migratoire de la France reste d’une redoutable inefficacité. Par un manque évident de volonté, les reconduites aux frontières ont chuté de 16 % depuis 2012 ; si pratiquement 18.000 personnes par an bénéficient d’un statut de protection, un nombre infime de déboutés sont refoulés (5 % selon la Cour des comptes).

Enfin, alors que notre pays s’est largement mobilisé dans la bande sahélo-saharienne afin de délivrer nos amis africains du joug islamiste, souvent même en payant le prix du sang, il est surprenant et incompréhensible qu’aucun accord n’ait été passé avec les dirigeants du Mali, du Niger, du Burkina, du Centre-Afrique et de la Côte d’Ivoire afin de stopper l’immigration économique d’une part, et faciliter le retour au pays d’origine.

Ces trois erreurs historiques du Président Hollande pèseront lourd sur notre capacité d’intégration des peuples martyrs dans notre pays ; contribueront à diviser les français entre eux en l’absence de contrepartie à l’accueil des réfugiés ; éloigneront plus encore la France du grand concert des nations à l’aube de la mise en place d’une nouvelle architecture institutionnelle au Moyen-Orient et altèreront pour longtemps l’image de la patrie des droits de l’homme à l’étranger.

 

Olivier Audibert-Troin est député du Var, membre de la Commission de la Défense nationale et des forces armées.

 

 

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