Vincent : une non-décision heureuse mais trouble
Article rédigé par Philippe de Saint-Germain, le 24 juillet 2015

Contre toute attente, et heureusement, l’équipe médicale chargée de se prononcer sur l'arrêt des soins de Vincent Lambert a choisi de ne pas choisir. C’est une bonne nouvelle, car tout indiquait que le Dr Simon, responsable de la nouvelle « procédure collégiale » engagée le 15 juillet, était favorable à la décision fatale, autrement dit à la mort de Vincent, par suspension de l’alimentation. C’est d’ailleurs en ce sens que le médecin conseillait Rachel Lambert, l’épouse du patient.

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Rien n’empêchait cette décision : un dossier législatif en béton, l’appui du Conseil d’État et de la Cour européenne des droits de l’homme, la presse au taquet pour entériner l’enclenchement d’un processus inévitable pour mettre fin à un « état végétatif irréversible ».

Arrêter de soigner Vincent ou non ? Daniela Simon a botté en touche. Elle a transféré le dossier au ministère de la Santé et indiqué vouloir saisir le procureur de la République, pour que soit désigné un représentant légal du patient et « pour mettre Vincent sous protection globale », après que les parents ont eu vent de rumeurs de projets d’enlèvement.

Une non-décision trouble

Le plus trouble dans cette non-décision, est que des médecins invoquent des « conditions de sérénité » pour décider du sort d’une personne handicapée qui n’est pas en fin de vie et qui ne fait l’objet d’aucun soin disproportionné, comme l’ont fait remarqué les évêques de la région Rhône-Alpes. Qu’une société, à travers ses médecins, ses juges et ses législateurs se mette en situation de se poser ce type de question, révèle à quel point nous sommes atteints par la culture de la mort.

Le ministre de la Santé Marisol Touraine a voulu rassurer en précisant que « l’équipe soignante n’a pas pris cette décision parce qu’elle refuse d’arrêter le traitement ». Français, soyez soulagés : l’intention des médecins n’est pas de protéger le patient à tout prix, mais d’affamer le malade sans être pris pour des assassins. Les 1700 handicapés en état pauci-relationnel comme Vincent apprécieront. Mais cela prouve que la mobilisation de l’opinion a porté.

L'accueil de la faiblesse

Il n’est pas question de faire de Vincent un enjeu politique, et d’instrumentaliser sa situation à des fins militantes en creusant les divisions au sein de sa famille. Mais il est devenu malgré lui un symbole. Le symbole de la faiblesse livrée à une communauté qui délibère sur ses interdits fondateurs en menaçant les plus vulnérables des siens.

Or Vincent vit. Sa vie est au-delà des passions qui divisent ceux qui se déchirent sur son sort. Une société civilisée ne peut que se réunir sur la protection de la vie. Une société civilisée ne peut pas considérer que la situation d’une personne handicapée en état d’extrême dépendance soit « complexe ». Elle est douloureuse, pénible, difficile, certes, mais pas « complexe ».

Vincent est un homme et il est vivant. La paix viendra de la vie, pas de la mort, ou des doutes sur les conditions de sérénité permettant de donner la mort.

Philippe de Saint-Germain

 

 

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