Article rédigé par Henri Hude, le 04 juin 2015
Deuxième volet de notre réflexion sur la réforme : que penser des réformes de décentralisation et de déconcentration en France ? Faute de revenir à une véritable subsidiarité, les projets de réforme démultiplient les centres de pouvoir absolu.
BIEN QUE TOUS PARTISANS de la régionalisation, les administrateurs français dressent un tableau plus que contrasté de la situation à laquelle a abouti la décentralisation française. Mais les juristes ont tendance à tempérer la vision négative des praticiens.
En résumé, la France a voulu abandonner un système pyramidal d’autorité descendante, réputé archaïque et bloquant. Mais il semble qu’elle ait surtout réussi à multiplier le nombre des points à partir desquels s’exerce désormais « un polydespotisme descendant », privé de vision d’ensemble et de gouvernance.
La démultiplication du pouvoir absolu
Entre ces centres de micro-pouvoir absolu, pour lesquels d’ailleurs Bercy mesure chichement la réalité financière du pouvoir, c’est l’absence de coopération et de communication. Opacité, méfiance et incohérence : difficile de savoir qui fait quoi, qui doit faire quoi, qui est responsable de quoi.
Nous serions donc aux antipodes du programme défini par le président de la République au début de son quinquennat, au sujet de la réforme sur la décentralisation : « Une réforme dans la clarté, la confiance, la cohérence et la démocratie. » Faut-il penser comme Voltaire qui disait préférer « dépendre d’un seul lion de bonne race que de cent mille rats de son espèce » ?
Persistance du jacobinisme
La France présente ainsi l’aspect d’un État jadis unitaire partiellement démantelé par l’individualisme juridique et son utopie libertaire. En outre, une gouvernance trop étroitement administrative et la permanence d’un jacobinisme excessif ne peuvent malheureusement qu’accentuer la rigidification des structures.
La chose la plus utile eût été la mise en place de politique économiques locales. Tant s’en faut que ce soit le cas, pour des raisons diverses : exclusion partisane des entrepreneurs, archaïsme syndical, principe d’égalité compris par l’État de façon inflexible, empêchant toute expérimentation ou spécificité provinciale, et aggravant in fine les inégalités.
Une régionalisation réussie intéresse les citoyens
1/ Une régionalisation réussie signifie d’abord une synergie économique du territoire, fondée sur une coopération autonome des acteurs en vue de la définition d’un bien commun au-delà des idéologies.
2/ Une régionalisation ratée est celle qui ne parvient pas à intéresser les citoyens, sauf une frange pathologique de bavards et d’agités surreprésentés. On implique les gens sérieux quand chacun sait qu’il s’agit en priorité de donner aux gens du travail réel, en oubliant idéologies, marottes et mascottes, en tirant partie des synergies et des solidarités locales, et en organisant pour cela une table-ronde permanente d’où un projet territorial équitable et efficace en termes de développement réel et d’emploi non fictif doit sortir au jour le jour.
3/ Une régionalisation réussie dépend aussi d’une forte légitimité du pouvoir politique, légitimité qu’il tire de sa vision et de son exemplarité.
Henri Hude est philosophe, ancien élève de l’ENS, directeur du Pôle Éthique des Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan. Sur ce sujet, lire l'Ethique des décideurs (Économica, 2004).
Articles précédents :
Comment réformer ? (I) Réflexions préalables sur l’idée de réforme
Comment réformer ? (II) L’extension indéfinie d’un pouvoir judiciaire sans contre-pouvoir
Prochain article :
La modernisation des politiques publiques
En savoir plus :
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