IVG : de la réversibilité des lois au nouveau sens de l'histoire
Article rédigé par Sabine Faivre, le 15 janvier 2014 IVG : de la réversibilité des lois au nouveau sens de l'histoire

Le récent projet de loi relatif à l'avortement déposé par le gouvernement espagnol, qui durcit les conditions d'accès à l'IVG, a fait voler un tabou en éclat : celui de la réversibilité des lois.

Cet événement tant décrié par l'intelligentsia de gauche, relayée abondamment par des médias partisans, constitue un revirement majeur dans l'histoire des démocraties, et dans l'histoire tout court. Pour la première fois, grâce à l'Espagne, il apparaît que nulle loi n'est écrite dans le marbre, que nulle loi n'est irréversible.

Dès lors les partisans de la libéralisation de l'IVG, ceux qui nous gouvernent, ainsi que les lobbies qui les soutiennent, ne pourront plus invoquer la fameuse « marche de l'histoire » pour justifier l'extension des lois en matière de santé reproductive. Ce fameux sens de l'histoire, jusque dans les débats récents, servait d'argument imparable aux partisans du mariage gay, de la PMA et de la GPA.

Il n'y a de sens de l'histoire que celui que nous construisons. L'Espagne nous donne une belle leçon de démocratie. Car revenir sur une loi mauvaise est un progrès, une avancée humaine.

La loi sur l'IVG fait partie de ces lois mauvaises que nul ne se serait aujourd'hui risqué à dénoncer ouvertement, à moins de passer pour d'obscur intégriste totalement déphasé avec son temps.

Car nous disait-on, la Modernité nous donne le droit de décider où et quand je veux un enfant. Ce en quoi les adversaires de l'avortement seraient d'accord, à la nuance près que cette phrase s'entend avant la conception d'un enfant, et non lorsque l'enfant est déjà conçu.

Le nominalisme français

Cela nous oblige à nous pencher sur le système français, et sur les lois récentes qui ont conduit, encore récemment, à transformer l'IVG en un acte banal, courant, et dénué de toute connotation anxiogène.

Le gouvernement a pensé, comme pour le mariage gay, qu'en supprimant les mots, ils supprimeraient aussi la réalité vécue.

Ainsi nos dirigeants ont pensé qu'en effaçant les termes de « père » et de « mère » du Code civil, ils créeraient  une nouvelle notion de la « famille », étendue à la « parenté ». En effet, pensaient-ils, si l'on décide qu'il n'y a plus de père et de mère, mais simplement des « parents », alors il n' y a plus de père ni de mère, et il ne doit plus y en avoir (car c'est discriminatoire pour ceux qui ne peuvent enfanter).

C'est sur cette base qu'ils ont également décidé de supprimer, en catimini, la notion de « détresse » dans la loi sur l'IVG, pensant, par là même, supprimer la détresse des femmes. Car, pensent-ils probablement toujours dans la même logique, si l'on décide que la détresse n'existe pas, alors en effet elle n'existe plus. Belle leçon de réalisme !

Et la société semble s'enfoncer un peu plus dans le déni.

L’IVG, un drame pour tous

Car il apparaît que l'IVG n'est pas un acte anodin, et ce constat n'est ni un stéréotype véhiculé par une société imprégnée de l'« héritage judéo-chrétien », ni une manipulation destinée à culpabiliser les femmes ; mais la réalité même : celle dont témoignent les femmes, les hommes, et plus largement, les médecins, les soignants confrontés à la prise en charge des IVG. L'IVG est un drame, une blessure, qui s'étend à la fratrie, aux générations suivantes. Elle se ramifie au-delà du seul cercle  de la liberté individuelle. Elle nous concerne tous. Car une vie sacrifiée, et c'est toute l'humanité qui meurt à travers elle.

Deux options s'offrent alors à nous. Soit l'on décide de se confronter au principe de réalité et de l'assumer, avec la prise de risque que cela implique (y compris de décider que l'on a fait fausse route), soit on décide de passer outre, en minimisant ce qui se produit.

La tentation est grande de céder aux sirènes de l'individualisme et du matérialisme, et de se laisser persuader qu'« une vie en vaut bien une autre » ; la tentation est grande de véhiculer un discours qui dissout toute culpabilité et toute responsabilité, au risque de générer des traumatismes encore plus grands, car ils auront été niés par la société tout entière.

C'est sur cette voie que s'achemine la société française : vers un déni de plus en plus systématique des réalités. Or ce déni risque de s'avérer très coûteux pour la société.

Nul ne peut évaluer à ce jour les dégâts que ces lois successives provoqueront sur les générations à venir, parce que les repères auront été systématiquement piétinés, éradiqués ou minimisés.

Reste à espérer que subsiste dans la conscience collective un substrat de sens commun, une sagesse qui oblige à affronter avec détermination le principe de réalité, sans quoi nulle politique, mais et aussi et surtout nul humanisme digne de ce nom n'est possible.

 

Sabine Faivre est psychologue, enseignante, auteur de La Vérité sur l'avortement aujourd'hui (Téqui, 2006).

 

 

En France, à Paris, le 19 janvier :
9e Marche pour la Vie

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