Article rédigé par Henri Hude, le 08 novembre 2013
Une rencontre civique franco-américaine a eu lieu jeudi 31 octobre 2013, à Washington, DC, à l’hôtel Marriott, Pennsylvania Avenue. Il y fut question de la reconstruction nécessaire du bien commun sur les deux rives de l’Atlantique. Extraits de l’intervention du philosophe Henri Hude.
LA SITUATION EN FRANCE est tout à fait exceptionnelle. Ce qui s’y passe n’est pas de l’« actualité brûlante » (breaking news), c’est tout simplement l’Histoire, avec un grand H.
Nous sommes à l’extrême fin d’un cycle politique. Le pouvoir a perdu l’initiative. Il ne la retrouvera pas. La marée a tourné.
La question est de savoir comment ce qui est né peut grandir et vaincre. Car, sans le moindre doute, la victoire de ce qui émerge est possible, elle est même probable.
I - Quand la France rentre dans l’Histoire
Je voudrais partager avec vous une vue de l’Histoire européenne, qui assurément est une part de la vôtre. Je crois en effet que la philosophie de l’Histoire permet seule de prendre la mesure de ce qui est en train de se produire en France, et d’être aussi rationnellement sûr de la victoire, que la raison le permet dans ce genre de matières.
Rappelons qu’un corps politique n’est pas un simple corps physique ; ce n’est ni un organisme biologique, ni une machine. C’est un regroupement spontané, rationnel et spirituel, d’individus, familles et sous-groupes, résultant d’un nombre presque infini de décisions individuelles et communes. Ce qui produit la cohérence et la cohésion de ce corps, c’est une culture commune, ce sont des principes partagés, une compréhension sociale commune. Disons que ce qui fait vivre un corps politique, c’est une commune idée du bien – une commune théorie de la justice, par exemple, peut être un élément d’une telle idée du bien. Et c’est pourquoi un changement important au niveau de l’idée du bien a vocation à modifier la totalité des aspects de l’existence collective. Or un tel changement s’est produit.
Quel est-il ? Pour le comprendre, il faut brièvement rappeler pourquoi l’Histoire culturelle et politique est passée successivement en Europe par deux grands âges. On comprend alors sans difficulté pourquoi nous sommes à l’extrême fin du second, et pourquoi un nouveau moment de la dialectique historique est en train de se faire jour.
Les deux aspects de l’idée du bien
Pourquoi y a-t-il eu deux grands âges dans l’Histoire de la civilisation européenne ? Parce que dans l’idée du bien, nous pouvons distinguer deux aspects :
1/ Ce qui est objectivement bien et qui est à faire.
2/ Ce qui est bien, c’est aussi de faire son devoir librement, avec une bonne volonté, volontairement et dans toute la mesure du possible sans contrainte.
En d’autres termes, il est bon de faire ce qui est objectivement bien ; et il est bon de le faire en agent volontaire, en « raisonneur pratique [1] », en être responsable et indépendant. Or cette liberté ne va pas sans vertus [2] —ce qui montre bien que les deux aspects sont inséparables. Et pourtant, ils sont souvent restés séparés.
Premier moment dialectique : primauté de l’objectivité du bien
Durant un premier âge de la culture, dominait la première dimension du bien, celle de l’objectivité de ce qui est bien ; la seconde, celle de la liberté de l’agent moral, était reconnue aussi, mais à titre de conséquence. Il en était ainsi, notamment, dans la chrétienté médiévale.
Malheureusement, avec le temps, il devint de plus en plus clair qu’il existait un risque de minimiser la seconde dimension, de donner trop d’importance à l’autorité, à la tradition et à la coercition dans le fonctionnement de la société bonne, et ainsi un risque d’établir, avec les meilleures intentions du monde, une sorte de totalitarisme bien-pensant.
C’est ce dont nous nous sommes rendu compte peu à peu, au travers de grandes difficultés. De là un nouveau départ dans la réflexion politique.
Deuxième moment dialectique : primauté de la liberté de l’agent moral ou politique
Durant le second âge de la civilisation, la dimension de la liberté, de l’autonomie, de l’indépendance, etc. fut au contraire dominante. Au début, la dimension de ce qui est objectivement bien restait reconnue, bien qu’à titre de conséquence. C’est ainsi que dans l’éthique kantienne, une analyse de la seule liberté tenue pour authentique (la liberté pratique, et non la liberté pathologique), aboutit à un système de préceptes objectifs et à une doctrine de la vertu qui rejoint dans ses contenus la morale traditionnelle.
Malheureusement, les libéraux ont peu à peu laissé tomber sous divers prétextes cette seconde dimension et sont peu à peu devenus libertaires. Et cette évolution fâcheuse produit aujourd’hui la plus flagrante contradiction. L’anti-dogmatisme est devenu un super-dogmatisme, la tolérance est devenue intolérante, le relativisme est devenu un absolutisme, le socialisme un individualisme, et le droit du plus fort dans la lutte pour la vie devient la forme canonique de l’existence libérale-libertaire. En définitive, la démocratie n’est plus que le nom donné à la dictature de groupes immoraux et/ou prédateurs prétendant monopoliser la démocratie.
Troisième moment dialectique : le mariage de la liberté et du bien
Cette évolution nihiliste et dictatoriale de la liberté sans le bien a produit une expérience collective très négative, d’où a émergé une nouvelle conception, que de plus en plus de gens s’approprient, et autour de laquelle est en train de s’organiser un troisième moment dialectique de notre civilisation.
Il s’agit d’un nouveau mariage entre la liberté et le bien, ou entre le bien et la liberté.
C’est le nouveau sens de l’Histoire, et ce l’est pour longtemps. Les progressistes d’hier muteront, ou ne seront plus que des conservateurs égoïstes et réactionnaires. Les conservateurs d’hier muteront, ou assisteront en grognant à une victoire de la vie qui ne prendra pas la forme des restaurations qu’ils auraient préférées.
Progressivement, tous les aspects de la vie et des institutions seront mis en cohérence avec cette nouvelle idée du bien, qui est objectivement plus complète, plus rationnelle et plus parfaite.
Ce nouveau mariage entre le bien et la liberté, c’est désormais durablement l’esprit du temps.
Là réside la raison profonde de ce qui est en train de se produire dans tous les domaines.
Cela est la Raison dans l’Histoire (car la raison se définit par son rapport à l’idée du bien). Mais ce n’est pas un nouveau fatalisme historique [3].
Cela est la Providence usant des lois de la Raison dans l’Histoire.
Cela est enfin, radicalement, le ferment du christianisme, enfoui profond dans l'âme de notre peuple, un grand peuple libre, et révélant de nouveau son potentiel antiesclavagiste. Ce ferment vivant restaure et sauvera le meilleur des valeurs des Lumières – elles qui pourtant s’étaient montrées hostiles à son égard, tout comme il a dans le passé restauré et sauvé la sagesse antique et sa philosophie, bien que les empereurs stoïciens et plotiniens aient livré tant de chrétiens en pâture aux bêtes du cirque. Ce ne sera pas un nouveau Moyen-Âge. Ce sera autre chose, qui nous surprendra.
II - La fin d’un cycle politique et le début d’un nouveau
Culturellement, les Grandes Lumières sont finies. Leur motto était : « Ose penser. » Le précepte des Dernières Lumières est au contraire : « Ne t’avise plus de penser. » Sois politiquement correct. Tais-toi ou tu seras lynché médiatiquement. Rentre dans le rang, ou ce sera la correctionnelle.
C’est un complet retournement dialectique.
Il nous faut en France une nouvelle naissance dans la liberté.
Économiquement, elle est au bout du rouleau cette oligarchie cynique, dont la France est devenue la propriété. Oligarchie à la fois bureaucratique et monopoliste, au bord de la banqueroute, avide (“greedy”), sectaire et intolérante, de plus en plus autoritaire, incompétente, acculée à vendre la France et les Français à des États esclavagistes, de plus en plus privée de toute légitimité.
Politiquement, le système est bloqué. L’oligarchie, qui contrôle 75% des décisions concernant l’économie, s’est assurée une telle influence sur les médias, une telle emprise sur les institutions et la vie politiques que, quel que soit le résultat des élections, et quelle que soit la volonté du peuple, c’est toujours la même politique inique et obsolète, détruisant la famille, les emplois et les entreprises, qui va sortir de la machinerie étatique et parlementaire, dans l’intérêt exclusif de l’oligarchie et de ceux dont elle se fait de plus en plus la fantoche.
Alors même que l’oligarchie dérive vers la dictature et consomme la trahison de la France, celle de tous ses idéaux historiques, le peuple a compris qu’on voulait le faire mourir. Il a refusé la mort. Le dos au précipice, il n’a plus peur de rien et désormais il se dresse dans ce qui est pour lui la lutte pour la vie et pour la dignité. C’est une nouvelle naissance dans la liberté.
De cette renaissance, nous avons eu deux grands signes cette année.
Le premier, ce furent les plus grandes manifestations de l’histoire de France pour la défense de la famille, de l’homme et de la femme, et de l’enfant.
Le second signe, c’est en ce moment même la révolution qui a éclaté en Bretagne, et qui n’est pas prête de s’arrêter —avec le mouvement des Bonnets rouges. D’ores et déjà, la Bretagne a réussi, sur un point précis, celui d’une nouvelle taxe exceptionnellement inique et absurde, à faire craquer Bercy, c’est-à-dire le noyau dur de l’oligarchie. En effet, le pouvoir repose avant tout sur la férocité de la machine fiscale française, garantie principale d’un pouvoir qui détruit la substance économique de la France et ne survit plus que d’emprunts à l’infini.
III - Comment nous allons gagner
Je ne suis ni prophète, ni fataliste, mais sans prétendre pénétrer les secrets de la Providence, il y a certaines lois régissant le développement des choses humaines et que la raison peut savoir dans une suffisante mesure. La culture morale et politique classique, ou la pensée stratégique, sont des exemples d’une telle sagesse permettant de s’orienter non sans sécurité vers l’avenir [4].
L’oligarchie divise pour régner
L’oligarchie détruit : 1/ les familles et la vie, ainsi que les cultures substantielles, 2/ les emplois, 3/ les entreprises de taille modeste ou intermédiaire.
Tous les membres du corps social qu’elle opprime, elle les frappe et les opprime séparément.
Elle opprime tout particulièrement la jeunesse, privée de tout avenir économique sérieux.
Elle utilise pour diviser les vieilles idéologies, les vieilles rhétoriques, les vieux clichés, les structures éculées de la politique présente.
Elle utilise une organisation des partis qui ne représente plus rien et empêche la représentation.
Elle utilise des syndicats soi-disant marxistes, dont beaucoup ne sont plus que des états-majors sans troupes, qui sont tout à fait impuissants, souvent corrompus, et qui ne servent qu’à empêcher d’exister une défense sérieuse des intérêts du travail et notamment de la jeunesse. Nous aurions dû avoir ici, à cette table, un représentant courageux du monde du travail, un vrai défenseur des salariés. Il a été malencontreusement empêché. Il sera là lors de notre prochaine rencontre.
Servent aussi l’oligarchie ces médias trompeurs qui mystifient en entretenant inlassablement l’illusion que le théâtre d'ombres signifie encore quelque chose.
L’oligarchie est condamnée par l’union des membres du corps social
Parce que l’oligarchie ne règne qu’en divisant et mystifiant, son pouvoir est condamné, parce qu’elle ne peut plus ni mystifier, ni diviser. Son pouvoir est condamné par la réunion des membres du corps social, devenus solidaires, dans les territoires, au moment même où ils se libèrent des illusions.
Ainsi allons-nous nous réapproprier le crédit et la monnaie, rebâtir notre industrie, instaurer une laïcité effective en mettant à bas la dictature d’une culture nihiliste érigée en religion d’Etat, restaurer la démocratie.
Telle est la détermination qui est destinée à se renforcer dans une prise de conscience continue au cours des mois et années qui viennent.
Face à cette marée montante, l’oligarchie est privée de toute vision nationale, européenne ou globale, sauf de s’accrocher au pouvoir et de continuer sa prédation en radicalisant ses dogmes, en supprimant les libertés des Français, en leur volant leur travail et leur propriété, et en essayant de les affaiblir mentalement par la corruption des mœurs et la confusion des idées.
Ce travail de destruction peut obtenir des succès, mais comme nous sommes en fin de cycle, la défaite de l’oligarchie est de loin le scénario le plus probable. Comme me disait il y a quelques jours un jeune professionnel, les oligarques sont encore en position de négocier honorablement leur départ. S’ils choisissent de s’accrocher et de tyranniser, ils finiront très mal.
Reconstruire le bien commun
Nous avons donc besoin pour le moment de rebâtir le bien commun, à travers des tables-rondes régionales, et une table-ronde nationale, toutes issues non pas des syndicats, partis et organisations patronales, la plupart dominés par l’oligarchie, mais menées par des chefs légitimes et incontestables, issus de la lutte du peuple pour la vie.
Les gens sont outrés de voir l’oligarchie condamner le pays à mort, et s’imaginer qu’elle va continuer son petit jeu jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Nous avons assez de gens capables et outrés pour envahir partis et syndicats dépeuplés et nous y emparer du pouvoir par la simple force du nombre.
Nous avons assez de gens capables en France et, au dehors, assez d’exilés patriotes, pour remplacer sans problème chaque oligarque par un patriote, et nous avons assez de jeunes qui veulent entreprendre, pour que le front de l’économie ne se trouve pas dégarni.
Notre conviction de base doit être qu’on ne sauvera pas la famille sans sauver l’emploi, ni l’emploi sans sauver les entreprises de taille petite ou moyenne (sans exclusive, car il y a aussi des patrons patriotes et justes dans des grosses boîtes). Les réciproques sont vraies, dans quelque ordre que nous prenions ces trois facteurs.
Et nous n’atteindrons aucun de ces objectifs sans mettre par terre le pouvoir de l’oligarchie.
La solidarité du peuple contre l’oligarchie doit être aussi totale que la convergence de ses intérêts est pour le moment complète. Mais cette solidarité suppose que le nouvel esprit du temps fasse craquer certaines habitudes mentales inadaptées, qui nous divisent, et dont le maintien à tout prix constitue la seule planche de salut pour l’oligarchie. Pour nous libérer de ces habitudes, acceptons de nous poser les questions suivantes.
Accepter de nous poser les questions qui nous mettent en cause
Chacun doit accepter de se poser des questions qui, peut-être, risquent de le ou de la remettre en cause. Car, on ne parviendra pas à changer les choses sans mettre par terre la culture de l’individualisme nihiliste.
Voici quelques-unes de ces questions. J’en ai listé une douzaine. On pourrait sans doute en ajouter d’autres.
1/ Est-il cohérent d’être à la fois ce qu’on appelle aux USA un « social-conservateur » (pro life, etc.) et un « conservateur en économie » (un ultra-libéral) ? En d’autres termes, cela a-t-il du sens, que de refuser dans l’organisation de la famille un libéralisme libertaire qu’on trouve normal dans l’organisation de l’économie ? Alors qu’il y est exactement aussi immoral, voire plus ?
Ne faut-il pas, pour le moins, distinguer le droit de propriété qui se reconnaît des devoirs sociaux, et celui qui ne s’en reconnaît pas ? Distinguer les libres entreprises qui donnent aux salariés du travail sérieux tout en rendant des services réels aux clients ; et les entreprises esclavagistes qui ne servent à rien qu’à faire de l’argent avec de la magie pour le malheur des hommes ?
2/ Inversement, est-il cohérent de se dire à la fois politiquement ou économiquement progressiste et libertaire « dans le domaine des mœurs » ? Un libertaire, n’est-ce pas d’abord, par définition, un antipopulaire ? Voulez-vous être populaire ? Cessez donc d’être libertin, autrement vous êtes aussi hypocrite en votre genre, qu’un conservateur qui fait la morale assis sur son coffre-fort à des gens qui crèvent de faim.
Développons ce qui précède : est-il cohérent d’être à la fois pro life, par exemple, et ultra-libéral en économie ? Ou inversement partisan d’une économie sociale, mais sans respect effectif pour la famille et pour la vie ? Le droit à la vie n’implique-t-il pas le droit au travail ? Et celui-ci le droit au respect des entrepreneurs, qui seuls donnent du travail ? Mais aussi, le droit aux structures nationales et internationales raisonnablement protectrices du droit au travail et à la solidarité dans des corps politiques délimités ?
Comment donc unir marché et solidarité ?
Comment faire pour que le libre commerce (« free trade ») ne signifie pas le travail esclave (« slave work ») ?
3/ Est-il honnête de parler de justice sociale, tout en admettant une philosophie libertine et individualiste, dont les applications les plus évidentes sont les pires pratiques financières, avec leurs effets de prédation et de destruction des emplois ?
4/ Qu’est-ce que la dérégulation sexuelle individualiste, sinon le cheval de Troie de la dérégulation économique ultra-libérale ?
Comment le peuple peut-il protester contre un système qui le tue économiquement, s’il en accepte déjà les principes dans son intimité ?
Qu’est-ce aujourd’hui qu’un socialiste individualiste libertaire, sinon un laquais de l’oligarchie ?
Et si on ne fait pas semblant, que devient le combat pour la justice, chez un individualiste dérégulé, sinon la lutte des classes, la guerre sociale, la révolution violente, le collectivisme ? En un mot, toutes les folies qui permettent aux oligarques d’empêcher la réforme en inspirant aux gens la peur de la révolution ?
5/ Que sont les aberrations législatives antifamiliales, sinon le moyen de faire prédominer l’Etat et les individus les plus forts en détruisant la famille sérieuse, corps intermédiaire par excellence et premier de tous les contre-pouvoirs ? Notre ami Antoine vous en parlera dans son exposé.
6/ Est-il honnête de parler de liberté du peuple et de se rendre solidaire de l’idéologie d’un planning familial qui n’est que l’héritier des sociétés eugénistes des années trente du XXe siècle ? Qui vit des subventions versées par la fondation émanant de la plus grande société de Wall Street ? Et qui vise objectivement, sous divers prétextes, à éliminer physiquement le plus grand nombre possible de pauvres, afin d’empêcher la déstabilisation politique et sociale d’un système économique qui ne peut qu’en produire en masse ? Un système abominablement inégalitaire, car usuraire, et donc stagnant et malthusien ?
7/ Et qu’est-ce que la dérégulation des mœurs sexuelles, sinon le moyen d’obtenir gratuitement par la corruption les effets malthusiens et de soumission, qu’il serait trop coûteux ou impossible d’obtenir par la contrainte ?
Être populaire, c’est être solidaire ; et être solidaire, c’est être famille ; et être famille, c’est être sérieux.
Être sérieusement sérieux, c’est se montrer humain et compréhensif, car l’existence est souvent difficile, mais sans fléchir sur les principes essentiels. Fléchir sur eux, c’est accepter l’esclavage à terme.
8/ Est-il honnête de parler de démocratie (= pouvoir du peuple), et de promouvoir en même temps un individualisme radical qui dissout tout être collectif, tout peuple avec sa culture, ainsi que tout ciment, toute unité, toute force morale du peuple – et donc en définitive tout pouvoir du peuple (démocratie) ?
9/ Est-il honnête de lutter contre l’avortement et de ne pas réellement se soucier de donner du travail aux mères et pères de ces enfants – du vrai travail, avec des perspectives d’existence et d’éducation stables et décentes ?
10/ Comment faire pour que ce qu’on appelle encore « socialisme démocratique », ne soit pas simplement un individualisme encore plus radical ? Comment faire pour qu’il soit autre chose qu’un outil servant à diviser deux intérêts solidaires : a/ l’intérêt de ceux qui ont un besoin vital de travail sérieux dans leur pays, b/ l’intérêt des seuls patrons qui soient capables d’en créer, c’est-à-dire les patrons de PME ?
Surtout quand cette division se fait pour le seul profit du pouvoir de l’oligarchie intérieure, bureaucratique, et des oligarchies extérieures – solidaires entre elles ?
11/ Comment peut-on rapprocher le principe national et le principe social, sans que cela implique un pur égoïsme national et un autoritarisme ? Comment peut-on repousser le principe libertaire autrement qu’au profit d’une simple réaction autoritaire ? Par la famille évidemment.
Qu’est-ce qu’une nation civilisée, consciente d’un bien commun qui la dépasse ? Peut-on inscrire notre table-ronde nationale dans une ou plusieurs tables-rondes élargies, par exemple, franco-allemande, ou transatlantique ?
Et peut-on les élargir sans les rendre ineffectives, et manipulables par l’oligarchie, faute de donner assez d’importance à un échelon national redevenu maîtrisable par ses familles et ses territoires ?
H.H.
www.HenriHude.fr
[1] Alasdair McIntyre, Rational Dependent Animals. Why Human Beings Need Virtues, Open Court, La Salle, Illinois, 1999.
[2] Op.cit., p.120. « Nous avons à comprendre les vertus comme nous permettant de devenir des raisonneurs pratiques indépendants (..). »
[3] Car ces lois de la raison dans l’Histoire ont un genre de nécessité qui demande à être pris en compte par des libertés ; et sans la vertu des agents historiques, leur application ne garantit pas que nous allions forcément au meilleur, bien que nous puissions y aller, si nous nous y efforçons. Ignorer qu’il y a des lois, c’est tomber dans la superstition, ou désespérer, manquer de confiance, ou au contraire « prophétiser des visions fausses et extravagantes ». Ignorer que ce sont des lois pour la liberté humaine, c’est tomber dans le fatalisme.
[4] Voir note précédente.