Samedi, en regardant la cérémonie enlevant Dumas à sa terre natale pour en faire un ardent républicain panthéonisable à ce titre presqu'exclusif, et en lisant trois fois sous la plume de Mona Ozouf dans Libération (du 30 novembre), que Dumas était "de gauche", j'ai pensé qu'une terrible erreur avait obscurci mon jugement d'adolescente lorsque je lisais avec délices les œuvres du père de d'Artagnan (1).

Je me suis précipitée, l'angoisse au ventre, sur le premier Alexandre Dumas traînant dans ma bibliothèque. C'était Vingt ans après.

Me voila rassurée.

Non, chère Mona Ozouf, non, Dumas n'est pas plus votre héros que votre hérault. Pour vous en convaincre lisez le chapitre LXVIII intitulé : "Le procès". Si vraiment vous êtes de gauche, vous ne tiendrez pas jusqu'au bout. Ce grand auteur, monarchiste libéral — et à ce titre opposant aux restrictions aux libertés imposées par Charles X —, s'il était "à peu près républicain" comme il l'écrit prudemment en 1838, ne l'était guère à la façon révolutionnaire : toute son admiration pour ce roi catholique et courageux ressort de ce texte, et aussi tout son mépris pour la populace assoiffée de sang et prompte à salir ce qui est beau que représentait Cromwell.

Toute son œuvre, du reste, secrète — et cela ne peut être malgré lui — l'admiration pour le fort, le valeureux, l'exceptionnel, le sens de l'honneur, qui ne sont pas — ou alors seulement depuis la présidentielle ? — le fait d'une gauche française hargneusement égalitaire.

Si Dumas avait été inclus dans les programmes scolaires à la place de Francis Ponge et autres auteurs graveleux qui plurent tant à la gauche pendant les vingt ans où elle présida aux destinées de l'Éducation nationale, on pourrait croire cette dernière sincère. Mais il n'en est rien.

La découverte tardive d'une négritude qui ne serait pas que littéraire l'amène aujourd'hui à une tentative de récupération qui serait outrageante si elle n'était ridicule. Mais d'un mal sort parfois un bien. Peut-être enfin Dumas sera-t-il relu par les écoliers ?

(1) Mona Ozouf, " Dumas Alexandre caveau N° XXIV. Mona Ozouf, historienne, décrypte la cérémonie "les hommes de lettres sont les rois de la nation" ", Libération du 1er décembre 2002.

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