Dans son rapport 2004 paru le 22 mars 2005, le président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) Jean-Louis Langlais, s'alarme de la "progression sensible" du satanisme en France et souligne "les risques de dérives sectaires dans l'enseignement hors contrat.

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Vu la gravité des faits relevés par la Miviludes – satanisme, vampirisme, profanations de cimetières, néonazisme – on ne peut que s'étonner que ce rapport se permette d'associer ces dérives aux écoles indépendantes sans citer nommément aucun établissement ni leur imputer le moindre fait précis.

En effet, une des six missions dont la Miviludes a été chargée par le décret n°2002-1392 du 28 novembre 2002 est "d'informer le public sur les risques, et le cas échéant les dangers, auxquels les dérives sectaires l'exposent et de faciliter la mise en oeuvre d'actions d'aide aux victimes de ces dérives".

Si la Miviludes est au courant de faits passibles de poursuites pénales dans les écoles indépendantes, elle a le devoir et l'obligation légale d'en informer le public, et les tribunaux. À la rigueur, une interprétation très extensive de ses missions pourrait conduire à ce que l'on se contente d'une description des faits présentant une menace pour les enfants de ces écoles, afin que chaque parent soit à même de faire son diagnostic. Mais même pas. Aucun fait, même approximatif n'est cité dans le rapport.

Procès d'intention ?

Continuons à jouer la carte de la bonne foi. Supposons que la Miviludes fasse de telles insinuations par respect du principe de précaution, parce qu'elle a de bonnes raisons de penser que certaines écoles sont en butte à des dérives sectaires bien qu'elle n'ait pas de preuve juridiquement suffisante. Alors que dire de la responsabilité du ministre de l'Éducation nationale ? L'article 4 de la loi du 18 décembre 1998, dite loi anti-sectes, prévoit des contrôles sur place pour les établissements d'enseignement privés hors contrat : "L'inspecteur d'académie peut prescrire chaque année un contrôle des classes hors contrat afin de s'assurer que l'enseignement qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances requises par l'article 2 de l'ordonnance no 59-45 du 6 janvier 1959 et que les élèves de ces classes ont accès au droit à l'éducation tel que défini par l'article 1er de la loi d'orientation no 89-486 du 10 juillet 1989 sur l'éducation."

Six mois d'emprisonnement et 7620 euros d'amendes sont prévus pour le directeur de l'école "s'il ne prend les dispositions nécessaires pour que l'enseignement dispensé soit conforme à l'objet de l'instruction obligatoire".

Dans ces conditions, l'existence sur le territoire français d'écoles indépendantes sectaires serait imputable à un grave manquement de la part des inspections académiques de l'Éducation nationale qui disposent, nous l'avons vu, de tout l'attirail juridique nécessaire pour les combattre. De plus, les écoles indépendantes ne sont pas nombreuses, moins de 200 sur tout le territoire (à comparer aux 85 000 établissements de l'Éducation nationale) et sont donc extrêmement faciles à contrôler. Deux inspecteurs de l'Éducation nationale suffiraient largement à les inspecter toutes chaque année !

Créer son école

Ma responsabilité de présidente de l'association Créer son école, dont le but est de favoriser la création et le développement des écoles indépendantes en France, me conduit à rencontrer et interviewer de nombreux directeurs, professeurs d'écoles indépendantes et parents d'enfants qui y sont scolarisés. Est-il nécessaire de souligner leur courage, leur bonne volonté, leur efficacité, et les sacrifices, notamment financiers, qu'il sont amenés à faire pour assurer l'avenir de leurs enfants, dans le contexte de "grave crise de l'Éducation nationale", comme le dit lui-même le ministre de l'Éducation François Fillon ?

Bien souvent, ils n'ont pas le choix, envoyer leurs enfants dans l'école du secteur reviendrait à les condamner à l'échec, à la fois sur les plans intellectuel, humain et social. Ils décident alors de se regrouper à plusieurs familles, généralement avec le soutien d'un cours par correspondance du type cours Hattemer, cours Legendre ou cours Sainte-Anne, pour éduquer leurs enfants. Dans la plupart des cas, une fois que le projet est lancé et que les familles fondatrices ont essuyé les plâtres, de nombreux parents décident de se joindre à eux, ce qui les conduit à transformer leur "regroupement de parent" en véritable "école", indépendante.

Nulle motivation suspecte, obscure et encore moins sectaire là-dessous, mais la préoccupation naturelle et légitime de garantir à des enfants la meilleure instruction possible.

Dans ces conditions, la Miviludes se discrédite gravement en jetant ainsi gratuitement l'opprobre sur ces écoles et sur ces personnes. N'est-on pas en droit d'attendre un minimum de sérieux de la part d'une institution dont le rôle et les responsabilités sont si grands pour la protection de nos enfants et des membres les plus vulnérables de notre société ?

*Anne Coffinier est ancienne élève de l'ENS (Ulm) et de l'ENA et préside l'association Créer son école.

> www.creer-son-ecole.com

> Le Rapport 2004 de la Miviludes

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