Jean-Paul II, le Polonais, affirmait que "la Pologne et son histoire sont incompréhensibles sans le Christ ". Il jugeait aussi l'Europe incompréhensible sans le Christ. De même Paul VI, l'Italien, qui la plaça sous l'égide de saint Benoît.

 

L'Allemand Benoît XVI partage les regards de ses prédécesseurs. Le nom qu'il s'est choisi le dit. Il y a saint Benoît, bien sûr. Il y a Benoît XV qui, si les "laïcistes" et autres "revanchards" français eussent daigné l'écouter, eût ramené la paix sur l'Europe dès 1917, sinon plus tôt. Il n'y eût pas eu de démembrement de l'empire austro-hongrois, pas de traité de Versailles, et, sans Versailles, nul n'eût jamais entendu parler de Hitler. Benoît XV eût changé la face du monde...

Quant à l'Union européenne qu'on nous appelle à valider aujourd'hui, Joseph Ratzinger écrivait en 1987, après avoir évoqué le triple héritage grec, chrétien et latin de l'Europe, et cautionné, comme héritage moderne, "la séparation entre foi et loi " : "Toute union politique ou économique en Europe n'aura pas automatiquement une valeur d'avenir pour elle. Une simple centralisation des compétences économiques ou législatives peut conduire à une décadence accélérée, si elle aboutit, par exemple, à une technocratie dont l'unique règle serait l'accroissement de la consommation."

Il dit encore : "La reconnaissance et la protection de la liberté de conscience, des droits de l'homme, de la liberté de la science et, sur cette base, d'une société humaine libre, doivent être des éléments constitutifs de l'Europe. Il faudra protéger et développer ces conquêtes de l'âge moderne sans tomber dans les travers d'une raison sans transcendance, sans fondements, qui détruit de l'intérieur sa propre liberté.

"Le chrétien prendra la mesure de la politique européenne en fonction de ces critères et c'est à partir d'eux qu'il accomplira sa mission politique" (Église, Œcuménisme et Politique, p. 305). Pas d'Europe humaine sinon chrétienne – culturellement au moins.

En outre, pas de démocratie, pour lui, sans référence à Dieu. "Depuis son origine en Hellade, l'intime relation entre la démocratie et l'eunomie – le droit qui ne peut être manipulé – est un élément constitutif de l'Europe. [...] Si l'eunomie constitue une condition préalable à la viabilité de la démocratie dans son opposition à la tyrannie et à l'ochlocratie (1), la prémisse fondamentale de l'eunomie sera le respect commun pour les valeurs morales et pour Dieu, avec les obligations morales qui en découlent pour le droit public. Je voudrais rappeler cette phrase importante de Bultmann (2) : "Un État non chrétien est possible, en principe, mais non un État athée", pour le moins, pas tel qu'il puisse rester longtemps un État de droit. Voilà la raison pour laquelle Dieu ne doit pas être exilé par principe dans le domaine privé, mais doit être accepté comme valeur suprême, même dans le domaine public" (op. cit. p. 306).

Face à une Union européenne qui s'éloigne manifestement de plus en plus de l'intention de ses pères fondateurs, le futur Benoît XVI estime "que les choses devraient aller à l'inverse de l'évolution actuelle, où l'athéisme commence à être considéré comme un dogme public fondamental ".

Pour que les choses soient bien claires, et avant même que le débat soit lancé sur la reconnaissance de l'héritage chrétien par le droit communautaire européen, Joseph Ratzinger "ose affirmer que la démocratie ne peut fonctionner que si la conscience joue son rôle. Or cette dernière devient absolument muette quand elle n'est pas orientée vers la mise en œuvre des valeurs morales fondamentales du christianisme, actualisables même sans confessionnalisme chrétien et même dans le contexte d'une religion non chrétienne."

Si l'Europe veut vraiment, comme le prétend le préambule de son projet de Constitution, "approfondir le caractère démocratique et transparent de sa vie publique, et œuvrer pour la paix, la justice et la solidarité dans le monde", elle devrait donc bien aller "à l'inverse de la situation actuelle" !

Nil sine Deo, disait l'Imitation de Jésus-Christ aux Européens, il y a déjà bientôt six siècles. Il est vrai que c'était avant que l'homme ouvrît la boîte de Pandore, avant qu'il eût "été perdu par l'humanisme, disait Maurice Clavel, donc par lui-même" !

Notes :

(1) Joseph Ratzinger, Église, Oecuménisme et Politique, Fayard, 1987, p. 305 sq.

(2) La "domination de la masse", perversion de la démocratie. Sur ce point, lire aussi Jean Paul II, Mémoire et Identité, Flammarion, 2005, p. 158.

(3) Rudolf Bultmann, 1884-1976, théologien et spécialiste du Nouveau Testament, protestant. "L'existence croyante est l'existence eschatologique : le croyant, tout en vivant encore en ce monde d'aujourd'hui et d'ici-bas, n'en appartient pas moins au monde transcendant à venir.".

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