La sortie du film de Ron Howard inspiré du roman de Dan Brown, Da Vinci Code, constitue une provocation qui ne concerne pas seulement l'Église et les chrétiens. Il faut l'affirmer avec le plus de force possible : ces productions constituent une insulte à la vérité historique, au discernement intellectuel et donc à la dignité de l'esprit, avant même de blesser la foi chrétienne.

 

Le fait que des millions de lecteurs et de spectateurs puissent se repaître de ce genre de production, sans être tout à fait capables de distance critique, constitue un signal alarmant de la progression de l'ignorance, de la dégradation du jugement et de l'invraisemblable crédulité contemporaine[1]. Ce n'est donc pas l'Église catholique qui est seule atteinte par ce phénomène, c'est la société dans son ensemble, et particulièrement les institutions en charge du savoir et de la culture.

"Ose savoir", disait Emmanuel Kant pour caractériser l'idéal des Lumières. A l'aune du Da Vinci Code, c'est "Ose dire n'importe quoi" qui devient la règle, pourvu qu'on satisfasse, ainsi que l'avait admirablement compris le philosophe Christopher Lasch, le goût contemporain pour l'ésotérisme allié au narcissisme le plus primaire.

La toute puissance de l'ego contemporain défie toutes les frontières. Entre le réel, le virtuel et le fantasmagorique, il n'y a plus de différence, puisque tout est devenu malléable au gré de qui veut transgresser ce qui fait obstacle à son désir. Le témoignage des évangiles n'est d'aucun poids au regard de qui veut remodeler tout l'espace religieux au service de sa volonté de puissance. L'art est subverti et le génie d'un Léonard de Vinci retourné au profit d'un faussaire sans scrupule. L'histoire du christianisme est désarticulée dans le but d'en métamorphoser la substance.

Défaite de la pensée

Bien sûr, cette perversité fait le bonheur de tous les adversaires de la foi. Mais elle signe d'abord la défaite de la pensée. Le fait est d'une gravité sans nom. Il devrait révolter en priorité les hommes de savoir, quelles que soient leurs disciplines. Ceux qui se sont émus hier de l'atteinte à la liberté d'expression que constituait le refus des caricatures de Mahomet, devraient réagir avec une identique détermination. Car c'est une des valeurs canoniques des Lumières qui est aujourd'hui défiée. On ne leur demande pas de prôner l'interdiction d'un film, on leur demande instamment de protester contre l'injure faite à la culture et à la raison.

On pourra toujours rétorquer qu'un romancier et un cinéaste sont libres de leur imagination et qu'il n'est demandé à quiconque d'adhérer à ces fantasmes. Oui, mais la perversité inhérente à ce style de littérature et de film veut que les fantasmes prennent possession des esprits dans une visée idéologique et polémique. L'ésotérisme de Dan Brown est bien autre chose que la licence propre aux auteurs de science-fiction. Il a pour fonction de refonder la culture, l'histoire, le religieux dans l'esprit d'un public crédule, manipulé dans son inconscient pour susciter la haine du christianisme et de tout ce qu'il signifie. Le cardinal Cottier a bien raison de nous mettre en garde. C'est de cette façon que les totalitarismes du XXe siècle se sont emparés de l'opinion pour l'imprégner de leurs fantasmes criminels.

Pour en savoir plus :

■ Un entretien exclusif avec Patrice de Plunkett, auteur de Opus Dei, enquête sur un "monstre", en réponse au Da Vinci code

■ Notre dossier Da Vinci Code

Note[1] À l'heure où nous bouclons cet article, la critique est unanime à saluer un navet. Quand bien même les salles seraient moins remplies que prévu, mystifiez, mystifiez, il en restera toujours quelque chose (Ndlr).

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